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neur à favoriser le retour de l’ordre et de la religion, essentiellement liés l’un à l’autre, manifesta hautement sa satisfaction à l’auteur, et lui proposa vainement de le faire entrer dans le conseil d’État. Un fait qui n’est pas moins digne d’être remarqué, c’est que Sylvain Maréchal fut l’un des premiers à rendre hommage à la modération de son adversaire. 2° Réflexions contre (sic) le divorce, Paris, 1802, in-8o. Aléa, dit-on, a laissé plusieurs manuscrits relatifs à la révolution française. — L’Éloge de l’abbé de l’Épée, et essai sur l’avantage du système des signes méthodiques appliqué à l’instruction élémentaire, traduit de l’espagnol, Bayonne, 1824, in-8o, est de J.-M. Aléa, parent du précédent. Z.


ALÉANDRE (Jérôme), cardinal, naquit le 13 février 1480, à la Motte, dans la Marche trévisane. Son père était médecin de profession, mais descendait des anciens comtes de Landro. Après avoir étudié à Venise et à Pordenone, Aléandre étant revenu, en 1497, dans sa ville natale, porta un défi au professeur qui y enseignait publiquement, le convainquit d’ignorance, et obtint sa place. Il ne savait encore que le latin ; il apprit depuis le grec, l’hébreu, le chaldéen et l’arabe ; il apprit aussi, d’un vieux prêtre padouan, l’astronomie, et même l’astrologie judiciaire, à laquelle il eut le malheur d’ajouter foi. Il se rendit à Venise, où il expliqua les Tusculanes de Cicéron, avec un grand concours d’auditeurs. Le pape Alexandre VI le chargea d’aller en Hongrie négocier quelques affaires ; mais il tomba malade en route, fut obligé de revenir à Venise, et de renoncer à cette mission. Il continua de s’instruire et d’instruire les autres ; il avait à peine vingt-quatre ans, et il était déjà regardé comme un des plus savants hommes de son temps. Il joignait à ses autres connaissances celles des mathématiques et de la musique : il se lia d’amitié avec Alde Manuce et avec Érasme, qui se rendit alors à Venise pour faire imprimer ses Adages. Aléandre l’aida beaucoup dans ce travail ; ils se brouillèrent dans la suite ; mais Érasme ne cessa point de rendre justice à ses grandes qualités et à son savoir. La réputation d’Aléandre franchit les monts ; Louis XII l’appela en France. en 1508, pour professer les belles-lettres dans l’université de Paris. Il y expliquait le matin les auteurs grecs, et, le soir, Cicéron : ses succès y furent si éclatants, qu’il devint recteur de l’université, malgré les statuts qui excluaient les étrangers. La peste l’obligea de quitter cette capitale. Après avoir séjourné dans plusieurs villes de France, il s’attacha à Erard de la Marck, évêque et prince de Liège, qui le fit son chancelier, et lui conféra un des canonicats de son église. Envoyé à Rome, parce prélat, en 1517 ; il y fut retenu par le pape Léon X, qui le fit deux ans après, bibliothécaire du Vatican. Ce pontife l’envoya, en 1520, nonce en Allemagne, pour s’opposer à l’hérésie de Luther. On peut voir, dans l’Histoire du concile de Trente, par le cardinal Pallavicino le zèle qu’Aléandre déploya dans cette mission, et les succès qu’il y obtint. Ce fut alors qu’il se brouilla entièrement avec Érasme, dont les opinions et les écrits semblaient favoriser la réforme. Après la mort de Léon X, il se rendit en Espagne, auprès d’Adrien VI, son successeur, et accompagna en Italie le nouveau pape, qui le récompensa par une pension de 500 ducats. Clément VII lui donna l’archevêché de Brindes, et le nomma en même temps nonce auprès de François Ier. Aléandre alla trouver le roi dans son camp, près de Pavie. La bataille se donna peu de jours après (le 24 février 1525) : il y accompagne François Ier, en habits épiscopaux, se tint toujours à cheval auprès de lui, et fut, comme lui, fait prisonnier : il fut remis en liberté le 2 mars, moyennant une rançon de 500 ducats. Après avoir fait un voyage à la Motte, dans le Frioul, et à Venise, il se rendit à Rome. Il y était quand cette ville fut saccagée par le parti des Colonne et par les Impériaux, le 20 septembre 1526 ; il se retira au château St-Ange avec le pape ; mais sa maison fut brûlée et pillée, en quelque sorte, sous ses yeux. Le même pape lui confia ensuite deux nouvelles nonciatures, l’une en 1531, en Allemagne, l’autre à Venise, où il était encore au mois de mai 1535. Paul III le fit alors revenir à Rome, et le nomma, en 1538, cardinal du titre de St. Crysogone. Renvoyé en Allemagne, la même année, en qualité de légat, il était de retour à Rome, où il s’occupait de la rédaction d’un ouvrage sur la convocation d’un, concile, et peut-être d’un autre, dont parle Paul Jove, contre tous les auteurs des nouvelles doctrines, lorsqu’il fut attaqué d’une fièvre lente, dont il mourut, le 1er février 1542, âgé de 62 ans moins treize jours. Paul Jove dit qu’il eut la faiblesse de témoigner, en mourant, un regret profond de n’avoir pu atteindre l’âge climatérique de 63 ans ; mais cela est sans vraisemblance, comme le prouve son épitaphre, qu’il composa lui-même en vers grecs, dont les deux derniers signifient : Et je suis mort sans répugnance, parce que je cesserai d’être témoin de bien des choses, dont la vue était plus douloureuse pour moi que la mort. Le même Paul Jove prétend qu’il avait, par malheur pour lui, quelques connaissances en médecine ; qu’il s’occupait trop de sa santé, prenait trop de remèdes, les choisissait mal, et qu’il avançait ainsi lui-même l’instant de sa mort. Il laissa une riche bibliothèque, qu’il légua au couvent de Ste-Marie dell’Orto, à Venise. Il avait écrit un grand nombre d’ouvrages, dont la plupart n’ont point vu le jour. Les seuls qui aient été imprimés, sont : 1° Lexicon græco-latinum, Paris, 1512, in-fol., devenu très-rare. C’est une compilation faite par six de ses écoliers ; il n’y eut d’autre part que de revoir et corriger leur travail sur les dernières épreuves, et d’y faire un grand nombre d’observations et d’additions. 2° Tabula sane utiles græcorum Musarum adyta compendio ingredi volentibus, Argentorati, 1515, in-4o, réimprimé depuis plusieurs fois. Ce n’est qu’un abrégé de la grammaire grecque de Chrysoloras. 3° Une pièce en vers latins élégiaques intitulée : Ad Julium et Neæram, dans le recueil de Matth. Toscanus, qui a pour titre : Carmina illustrium poetarum italorum. Elle suffirait pour prouver que, s’il s’était livré à ce genre d’écrire, il y aurait réussi. Le traité