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ALCIATI (Jean-Paul), né à Milan dans le 16e siècle, fut du nombre des protestants qui s’éloignèrent le plus de la foi catholique, en niant la doctrine de la Trinité, et en soutenant que Jésus-Christ n’existait pas avant d’être né de Marie. Espérant professer librement ses opinions dans une ville protestante, Alciati, accompagné du médecin Blandrata, de Gribaud, avocat ; et Gentilis, vint à Genève, où il ne tardèrent pas à être les ennemis des protestants, autant qu’ils l’étaient des catholiques. Gentilis fut emprisonné, et ses associés se virent obligés de chercher un asile dans quelque autre pays. Ils se rendirent en Pologne, où Alciati et Blandrata répandirent avec succès leurs opinions. Alciati fut accusé de s’être ensuite fait mahométan ; mais on ne peut douter que ce ne soit une calomnie, fondée sur ce qu’en niant la préexistence de Jésus-Christ, il se rapprochait, en effet, de la croyance musulmane, qui n’admet qu’une personne dans la nature divine. Son ancien associé, Gentilis, qui était venu le rejoindre en Pologne, et qui y avait eu avec lui de violentes disputes, fut un de ceux qui contribuèrent le plus à accréditer ce faux bruit. Bayle en donne une excellente raison : « Deux sectaires qui se brouillent, dit-il, s’entre-haïssent plus qu’ils ne haïssent le trône duquel ils se sont séparés. » Calvin et Bèze, ennemis mortels des sociniens, n’épargnèrent pas les injures à Alciati, et le traitèrent de fou et d’enragé. Alciati se retira, sur la fin de ses jours, à Dantzick, où il mourut. Il avait publié deux Lettres à Gregorio Pauli, contre la préexistence de Jésus-Christ, l’une en 1564, l’autre en 1565. D-t.


ALCIBIADE naquits à Athènes, dans la 82° olympiade, vers l’an 450 avant J.-C. Clinias, son père, descendait d’Ajax de Salamine ; et Dinomaque, sa mère, était fille de Mégacles, de la famille des Alcmæeonides. Étant encore enfant, lorsque Clinias fut tué à la bataille de Coronée, il eut pour tuteurs Ariphron et Périclès, fils d’Agariste, sœur de Mégacles, son aïeul maternel. Il fut élève dans la maison de Périclès, qui, entièrement livré aux affaires publiques, n’eut peut-être pas de son éducation tous les soins qu’exigeait la violence de son caractère. Alcibiade annonça dès son enfance, ce qu’il serait un jour. Jouant aux osselets dans la rue, avec des enfants de son âge, une voiture survint ; il pria le conducteur d’arrêter, et, sur son refus, il se coucha devant la roue, en lui disant : « Passe maintenant, si tu ’oses. » Près d’être vaincu à la lutte par un de ses camarades, il le mordit à la main. « Tu mords comme une femme, dit celui-ci. ─ Non, mais comme un lion, » répartit Alcibiade. Il réussit dans toutes ses études, et se livra avec succès à tous les exercices du corps ; il ne voulut cependant pas apprendre à jouer de la flûte, trouvant que cela le défigurait. Sa beauté, sa naissance, le crédit de Périclès, son tuteur, lui donnèrent un grand nombre d’amis et de courtisans ; et quelques bruits injurieux sur ses mœurs en furent la suite. Ce ne fut cependant point à tous ces avantages extérieurs qu’il dut l’amitié du sage Socrate, quoique quelques sophistes d’une époque bien postérieure aient cherché à répandre sur cette liaison des soupçons démentie par le silence des écrivains contemporains. Mais Socrate, voyant dans ce jeune homme le germe des plus grandes vertus et des plus grands vices, se flatta de le dirigé vers le bien. Il prit effectivement beaucoup d’ascendant sur lui ; et, quoique entrainé par le goût des plaisirs, Alcibiade revenait toujours vers le philosophe, dans les leçons duquel il puisa cette éloquence persuasive dont il fit un si mauvais usage par la suite. Il fit ses premières armes dans l’expédition en Potidée ; il fut blessé, et Socrate, qui combattait auprès de lui, le défendit et le ramena. Il se trouva aussi au combat de Délium, où il servait dans la cavalerie, qui fut victorieuse ; l’infanterie ayant été défaite, il fut obligé de prendre la fuite comme les autres, et, ayant trouvé Socrate qui se retirait à pied, il l’accompagna et veilla à sa sûreté. Alcibiade ne se mêla point des affaires publiques tant que Cléon vécut, et ne se fit connaître que par son luxe et sa dissipation ; ce démagogue ayant été tué l’an 422 avant J.-C., Nicias parvint à faire conclure une paix de cinquante ans entre les Athéniens et les Lacédémoniens. Alcibiade, âgé alors de vingt-huit ans, jaloux du crédit de Nicias, et irrité de ce que les Lacédémoniens ne s’étaient point adressés à lui, quoiqu’ils fussent unis à sa famille par les liens de l’hospitalité, et qu’il eût pris soin de leurs compatriotes prisonniers, chercha à faire rompre le traité, et profita pour cela de quelques difficultés qui s’étaient élevées entre les deux peuples. Les Lacédémoniens ayant envoyé des députés, Alcibiade feignit de les accueillir avec un vif intérêt, et leur conseilla de dire qu’ils n’avaient point de pouvoirs, dans la crainte que le peuple athénien n’en abusât pour leur faire la loi. Trompés par ces apparences d’amitié, ces députés, appelés à l assemblée du peuple, dirent qu’ils n’avaient point de pouvoirs ; alors Alcibiade tonna contre eux, leur reprocha leur mauvaise foi, et décida les Athéniens à contracter une alliance avec les Argiens : ce qui entraina une rupture avec Lacédémone. Il eut, dans différentes occasions, le commandement des escadres athéniennes qui allèrent ravager le Péloponèse. Dans une de ces expéditions, il cherchait à persuader aux Patréens de quitter l’alliance des Lacédémoniens pour celle des Athéniens ; quelqu’un d’eux ayant dit : « Les Athéniens nous mangeront. – Cela peut être, répondit Alcibiade ; mais ce sera par les pieds, et peu à peu, tandis que les Lacédémoniens vous dévoreront en commençant par la tête. » Son goût pour le luxe et la profusion ne le quitta pas, même au milieu des travaux de la guerre. Étant sur les vaisseaux, il ne couchait point sur des planches comme les autres ; mais il se faisait faire un lit sur des sangles placées dans des entailles pratiquées dans les entreponts. Il était vêtu de la pourpre la plus précieuse, et avait un bouclier doré, sur lequel il avait fait représenter l’amour lançant la foudre. Lorsqu’il revenait à Athènes, il passait son temps dans toutes sortes de débauches. À la suite d’une orgie, se trouvant dans la rue avec quelques-uns de ses compagnons, il fit le pari d’aller donner un