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tôt il passa à l’université de Bologne ; quatre ans après, il vint reprendre sa chaire Pavie, et, au bout de quelque temps, il se laissa encore attirer a Ferrare par les largesses du duc Hercule d’Est ; et, après avoir professé quatre ans dans cette ville il revint à Pavie, où il mourut ; à l’âge de 58 ans Alciat était d’une vanité excessive ; comme on lui reprochait un jour son inconstance : « Personne, répondit-il, ne trouve mauvais que le soleil parcoure la terre, afin d’animer toutes choses par sa chaleur et ses rayons. Si on loue les étoiles fixes, ajoutait-il-encore, on n’a pas l’intention, sans doute, de condamné les planètes. » Bayle dit, à cette occasion, qu’Alciat devait faire au moins comme le soleil de Copernic, se tenir dans son centre, et illuminer de là tous ceux qui s’en approcheraient. Alciat, en vendant ainsi son érudition et ses services au plus offrant, sut accumuler des honneurs et des richesses immenses. En effet, le pape Paul III lui avait donné la place de protonotaire ; l’empereur Charles-Quint l’avait créé comte palatin et sénateur ; le roi d’Espagne lui fit présent d’une chaîne d’or d’un prix considérable ; et, partout, il rançonna les nombreux écoliers que la renommée attirait à ses leçons. Malgré son avarice, il avait tellement le goût de la bonne chère, que rien ne lui coûtait pour le satisfaire. Avarior habites est, dit Pancirole, et vibi avidior : cette intempérance fut cause de sa mort, le 12 janvier 1550. Si les défauts qu’on vient de lui reprocher peuvent ternir sa réputation, sous le rapport de la morale, rien ne peut altérer sa gloire comme littérateur et comme jurisconsulte[1]. Peu d’hommes ont réuni autant de connaissances, et les ont portées a un aussi haut degré que lui. Associant toujours l’étude du droit à celle de la littérature, il expliqua et éclaircit beaucoup de passages, restés obscurs par le peu de connaissance que les commentateurs avaient de la langue grecque et des antiquités ; il n’y a, suivant l’expression de Terrasson, aucun jurisconsulte à qui les amateurs de la belle jurisprudence aient autant d’obligations· : Les œuvres d’Alciat ont été recueillies et publiées à Lyon, 1560, 5 vol. in-fol. ; Bâle, 1571, 6 vol. in-fol. ; Bâle, 1582, 4 vol. in-fol. ; Strasbourg, 1616, 4 vol. in-fol. ; Francfort-sur-le-Mein, 1617, 4 vol. in-fol. l’édition de 1571 contient 33 traités, y compris les deux versions du traité des Emblèmes[2], qui, imprimé déjà dans le 5e volume, l’a été avec des corrections et augmentations dans le 6e. Quelques-uns avaient été imprimés à part ; presque tous ces traités sont relatifs à la jurisprudence. On y trouve cependant des Notes sur Tacite ; un traité des Poids et Mesures, etc., le tout en latin. Mais, indépendamment de ces ouvrages, on doit encore à Alciat : 1o Responsa nunquam antehac edita, Lyon, 1561 ; Bâle ; 1582, in-fol., publiés, par les soins de François Alciat, son parent et son héritier ; 2o de Formula romani imperii, Bâle,1559, in-8o ; 3o Epigrammata selecta ex : Anthologia latine versa, Bâle, 1529, in-8o ; 4o Rerum patriœ, seu Historiæ mediolanensis libri quatuor, 1625, in-8o, réimprimé dans le Thesaurus antiquitatum et historiarum Italiæ de G. Grævius ; 5o de Plautinorum carminum ratione, et de Plautinis ooeabulis Lexicon, dans une édition de Plauté, Bâle, 1568, in-8o ; 6o Judicium de legum interpretibus parandis, imprimé avec le traité de Conrad Pge, intitulé : Methodica juris Traditio, 1566, in- ° ; 7o Encomium Historiæ, 1530, in-4o ; 8o Palma, dans l’Amphitheatrum sapientiæ Socraticæ Dornavii ; 9o Judiciarii processus Compendium, 1566, in-8o ; 10o Contra vilam monasticam, 1695, in-8o ; 11o Notæ in Epistolas familiares Ciceronis, dans l’édition de ces Épîtres donnée par Thiéry, Paris, 1557, in-fol. ; 12o Vingt-sept lettres dans les recueils intitulés : Marquardi Gudii et doctorum vivorum ad eum Epistolæ, 1697, in-4o ; et Illustrium et clarorum virorum Epistolæ. Quelques ouvrages d’Alciat ont été traduits en plusieurs langues ; nous avons en français : 1o le Livre du Duel, ou Combat singulier, Paris, 1550, in-8o, traduction anonyme ; 2o les Emblèmes, traduits en vers par Jean le Fèvre, 1536, in-8o ; 1540, in-8o ; 1543, in-8o ; 1550 et 1556, in-16. Le même ouvrage a été traduit, aussi en vers, par Claude Mignaut, qui y a joint la vie d’Alciat, 1584, in-12, et par Aneau. (Voy. Aneau.) l’épitaphe mise sur le tombeau d’Alciat, dans l’église de St-Épiphane à Pavie, fait connaître jusqu’à quel degré s’était élevée la réputation de ce savant jurisconsulte : Andreæ Alciat (suit l’énumération de ses titres), qui omnium doctrinarum orbem absolvit, primus legum studia antiquo restituit decori. M-x.


ALCIAT (François), de Milan, neveu et héritier du précédent, fut lui-même très-versé dans la jurisprudence, qu’il professa à Pavie, où il eut pour disciple St. Charles Borromée. Pie IV l’employa dans la daterie apostolique, et le fit ensuite cardinal. Il était aussi très-bon littérateur ; les écrivains de son temps ont fait de lui cet éloge. Pierre Vettori, entre autres, loue, dans une de ses lettres, l’érudition et le génie de François Alciat. Mare-Antoine Muret, dans une de ses harangues, assure qu’il était l’ornement de son siècle, et l’appui des gens de lettres ; il mourut à Rome, en 1580, âgé de 58 ans. Il avait laissé plusieurs ouvrages qui n’ont point été imprimés. (Voy. l’article précédent. ) G-é.


ALCIAT (Térence), Romain, se fit remarquer dans l’ordre des jésuites par son savoir en théologie. Urbain VIII faisait grandi cas de lui, et disait publiquement qu’il était digne du chapeau de cardinal ; mais il mourut avant de le recevoir, en 1651, laissant les matériaux d’un ouvrage intitulé : Historiæ concilii Tridentini a veritatis hostibus exulgatæ Elenchus. Il l’avait entrepris par ordre du pape, pour réfuter l’histoire de Fra-Paolo Sarpi. Ces matériaux serviront, après sa mort, au cardinal Pallavicino, pour composer une nouvelle histoire de ce concile. G-é.

  1. Avec lui, l’étude du droit cesse d’être un commentaire servile des lois romaines, et commence à s’élever à une hauteur toute philosophique ; il y introduit la méthode, l’ordre, l’examen ; il cherche les principes, les motifs et les rapports : ses travaux ont fait faire de grands progrès à la jurisprudence, et permettent de le considérer comme le précurseur de la grande école de Cujas. C. W-r.
  2. C’est un recueil de petites pièces latines, de quatre, six, huit ou douze vers, renfermant des réflexions morales. Il a été traduit en français, en italien et en espagnol. C.W-R