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lui et l’attaqua dans ses vers, avec une violence extrême. On conçoit aisément qu’un homme de ce caractère dut se trouver mal à l’aise sous le gouvernement d’un sage dont les lois punissaient sévèrement l’ivrognerie. Aux soupirs d’amour et aux chants bachiques se mêlèrent de véhémentes invectives contre la tyrannie, et souvent aussi de grossières injures contre le prince ; qui condamna le poëte à l’exil. Alcée, après avoir voyagé quelque temps en Égypte et dans d’autres contrées, rassembla autour de lui tous les mécontents et tenta de rentrer à main armée dans sa patrie. Son entreprise échoua, et il tomba entre les mains de Pittacus, qui lui accorda la vie et la liberté. — Les auteurs qui font mention de ce poëte déposent de l’impureté et de l’infamie de ses mœurs. Horace nous apprend qu’il entretint un commerce honteux avec un jeune garçon nomme Lycus. On prétend qu’il aima Sapho ; mais les vers qu’Aristote cité à ce sujet sont plutôt l’expression du libertinage que de l’amour. Comme il faisait consister le souverains bien dans les plaisirs des sens, l’argent était l’objet de ses hommages et de son ambition. « L’argent, disait-il, est un grand homme ; et le pauvre, un misérable sans prix et sans valeur. » Toute sa philosophie consistait a bien boire : « O puissant Dieu de l’Inde, toi seul tu peux relever l’humanité souffrante, en nous plongeant dans les délices de l’ivresse ! » Cette théorie du bonheur a été reproduite par Horace, qui avait beaucoup étudié Alcée, qui l’a beaucoup imité et souvent traduit. On sait que dans une circonstance importante de sa vie, à Philippes. le soldat de Brutus se rappela l’exemple de son modèle et le suivit fidèlement. C’est dans ses poésies politiques ou plutôt séditieuses qu’Alcée a déployé les ressources d’une riche organisation et s’est montré grand poête lyrique. Lorsque, faisant vibrer les cordes les plus sonores de sa lyre, il chantait la liberté et appelait la vengeance du peuple sur la tête des tyrans, son vers exhibait une fierté menaçante, son style était serré, nerveux, rapide et magnifique : Horace lui décernait un archet d’or, Denys d’Halicarnasse l’appelait un poëte admirable, et Quintilien le comparait à Homère. Pour donner à ses accents plus de vigueur et de noblesse il inventa un nouveau mètre qui a retenu son nom. Plusieurs biographes lui ont faussement attribué le chant national sur Harmodius et Aristogiton : la mort d’Hipparque, qui tomba sous les coups de ces jeunes gens. n’eut lieu qu’un siècle environ après l’époque où florissait Alcée. Les fragments de ce poëte ont été publics par H. Étienne, en grec et en latin, 1560, in-16. À la suite de son édition de Pindare ; et par Fulvius Ursinus, à la suite de son recueil intitulé : Carmina novem illustrium feminarum, Antwerpiœ, 1568, in-8o. On les trouve aussi dans le Corpus poetarum grœcorum, græce et latine, Genève, 1614. in-fol. Ils ont été traduits en français dans les Sentences illustres des poëtes lyriques, etc, par G. L. D. T., Paris, 1580 ; dans les Soirées littéraires, par Coupé ; et dans la collection du Panthéon littéraire, par M. Falconnet C. W-r.

ALCHABITIUS, dont le véritable nom est Abdelazyz, astrologue arabe, vivait sous le règne de Séif-Eddaulah, prince de la dynastie des Hamdanites, c’est-à-dire vers le milieu du 10e siècle de notre ère. Sa réputation pénétra jusqu’en Europe, ou Jean Hispalensis traduisit en latin, vers le 12e ou le 13e siècle, son traité d’astrologie judiciaire, Cette traduction a été imprimée à Venise, en 1503, in-4o, sous ce, titre : Alchabitius cum commenio : au-dessous de cette indication est une figure représentant les cercles de la sphère armillaire. Ce petit ouvrage, de 140 pages, a été réimprimé ; mais l’édition que nous venons d’indiquer est la plus recherchée et la plus rare. Panzer cite l’édition de 1473, in-4o. comme la première. J-n.


ALCHINDUS, ou ALCENDI. (Voyez Kendi.)


ALCIAT (André), jurisconsulte, naquit à Milan, le 8 mai 1492 ; les uns le croient fils d’un marchand, les autres lui donnent une naissance plus illustre ; il est au moins certain que ses parents vivaient honorablement, et que sa famille était riche. Il s’adonna à l’étude de la jurisprudence dès l’âge le plus tendre. Après avoir fait ses humanités à Milan, il alla étudier le droit à Pavie et à Bologne. Dans la première de ces universités, il s’attacha aux leçons de Jason ; dans la deuxième, à celles de Charles Ricinus ; et, dans toutes les deux, il fit concevoir de son mérite les plus grandes espérances. À vingt-deux ans, il obtint le grade de docteur, et, dans la même année, il fit paraître l’explication et la correction des termes grecs qui se trouvent dans le Digeste, connu sous le titre de Paradoxes du droit civil. Cet ouvrage, qu’il avait composé à l’âge de quinze ans, le plaça au premier rang des jurisconsultes. Les différents traités qu’il publia à peu près à la même époque, tels que ses Prætremissa, celui de Verborum significatione, et autres, n’obtinrent pas moins de succès. Nommé, en 1524, professeur de droit à l’université d’Avignon, il obtint dans cette ville de si grands succès, que l’on compta jusqu’à huit cents personnes dans son auditoire ; mais le peu d’exactitude qu’on mit dans le payement de ses honoraires le détermina à retourner à Milan. Alciat fut un des premiers à sentir que l’étude de l’histoire est indispensable pour ne pas commettre d’erreurs dans celle des lois, et que la culture des lettres n’est pas moins nécessaire à l’étude de la jurisprudence. Cette innovation fit déserter les chaires des autres professeurs, et suscita à Alciat des ennemis et des persécutions si violentes, qu’il fut obligé, en 1529, de se réfugier en France, où François Ier, mettant à profit l’aveugle fureur des compatriotes d’Alciat, le fixa dans ses États par ses bienfaits, et lui donna la chaire de Bourges, avec une pension de 600 écus, qui fut doublée l’année suivante. Alciat était avare, et l’argent fut toujours le meilleur moyen de se l’attirer. François Sforce, duc de Milan, le réclama ; et, connaissant, sa passion, le menaça de confisquer ses propriétés s’il ne revenait. Une pareille menace, accompagnée à la vérité d’offres de présents, de pensions considérables, et de la dignité de sénateur, détermina Alciat à retourner dans sa patrie. Il revint alors professer à Pavie ; mais bien-