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dont les auteurs parlent avec beaucoup d’éloge, ajoutant qu’il mourut vers l’année 1500, âgé d’environ 60 ans. W-s.


ABAUNZA (Pierre), de Séville, est un des commentateurs des Décrétales, dont l’ouvrage est intitulé : Ad tilulum XV, de sagitariis libro V, Deoreilalium pralectio. Son traité, autrefois très-estimé, est contenu dans le Novus Thesaurus jaris civilis et canonici, de Gérard Meermann, 7 vol. in-fol., imprimée a la Haye, 1751-1754. (Voy. Meermann.) Abaunza est mort en 1649, a l’âge de 50 ans. Il a laissé en manuscrit un commentaire espagnol sur quelques livres de Martial, entreprit pour venger son compatriote, Laurent Ramirez de Prado, des critiques d’un écrivain français caché sous le pseudonyme de Musambert. Laurent Ramirez de Prado avait fait, étant encore fort jeune, un commentaire sur Martial, que l’on a trouvé dans l’édition de Paris, 1607, in-fol. ; et le prétendu Musambert n’était autre que Théodore de Mareilly, professeur à Paris. M-x.


ABUZIT (Firmin), descendait d’un médecin arabe qui, s’était établi à Toulouse au 9e siècle. Né a Uzès, le 14 novembre 1679, de parents réformés qui y vivaient avec aisance, il perdit son père à l’âge de deux ans. En 1685, sa mère, appelée Anne Darlle, se vit, par la révocation de l’édit de Nantes, enlever ses deux fils pour être élevés dans la religion catholique romaine. Elle réussit cependant à les tirer du collège d’Uzès, et les envoya secrètement, en 1689, à Genève, ou elle vint se fixer après être sortie de la prison dans laquelle sa désobéissance l’avait fait enfermer. Firmin, qui était l’aîné fit ses études avec les plus brillants succès. Les langues anciennes, l’histoire naturelle, la physique, les mathématiques, l’astronomie, la géographie, l’histoire, les antiquités, la théologie, furent successivement les objets de ses études. Après avoir terminé ses cours en 1698, il visita l’Allemagne, ensuite la Hollande et l’Angleterre, et chercha partout à lier connaissance avec les savants les plus distinguer, tels que Bayle, Basnage, de Jurieu, Saint-Évremond, Newton, dont il gagna l’estime et l’amitié. Sa tendresse filiale lui fit quitter Londres, où le roi Guillaume voulait le retenir, et il revint à Genève auprès de sa mère. Il y vécut entièrement livré à l’étude, et consentit seulement à entrer dans la société qui s’était formée pour la traduction française du Nouveau Testament, qui a paru en 1720, et la compagnie des pasteurs le fit remercier des importants services qu’il rendit dans cette occasion. L’académie lui offrit une chaire en 1725 ; son goût pour l’indépendance la lui fit refuser : il accepta cependant la place de bibliothécaire surnuméraire de la bibliothèque publique, mais sans appointements, afin d’être plus libre. Il put ainsi puiser dans ce riche trésor littéraire, auquel il se rendit très-utile. En 1727, le gouvernement de Genève voulut lui donner une marque particulière de son estime, et lui accorda sans rétribution le droit de bourgeoisie, ce qui était une distinction honorable ; il mourut à 87 ans, le 20 mars 1767, dans une petite maison voisine de la ville ou il s’était retire depuis quelque temps. Abauzit s’était fait une grande réputation ; on n’a pourtant de lui que quelques morceaux peu étendus, qui ont pour la plupart été publiés à son insu. Tous ceux qui le voyaient admiraient son jugement et sa vaste érudition. Les plus grands hommes recherchaient sa correspondance et le consultaient sur les questions les plus difficiles. Newton, en lui envoyant son Commercium epistolicum, lui écrivit ; « Vous êtes bien digne de décider entre Leibnitz et moi. » Le jugement que le savant Pococke porta de ses connaissances en géographie ne lui est pas moins honorable ; après l’avoir entendu parler sur l’Égypte, la Palestine et les autres contrées de l’orient, que lui-même avait visités, il ne put se persuader qu’Abauzit n’y eut pas séjourné longtemps et n’en eût pas fait, comme lui, une étude particulière. Un autre fait prouve combien il était verse dans l’histoire. M. Lullin, professeur à Genève, avait composé un discours sur un point particulier de l’histoire ecclésiastique, dont il donnait un cours. Il s’agissait de Virgile, évêque de Saltzbourg au 8e siècle, qu’on prétend avoir été censuré publiquement, et même excommunié par le pape Zacharie, pour avoir avancé qu’il y avait des antipodes. Il alla voir Abauzit, et fit tomber la conversation sur ce sujet ; il ne fut pas peu surpris de le lui entendre discuter à fond comme s’il venait de l’étudier : il le fut bien plus encore, lorsqu’Abauzit l’assura qu’il y avait plus de trente ans qu’il n’avait rien lu sur cette matière. La même chose lui arriva avec J.-J. Rousseau, à qui il donna pour son Dictionnaire des remarques excellentes sur la musique des anciens. Rousseau crut qu’Abauzit faisait dans ce moment une étude spéciale de cette partie de l’antiquité, et il y avait fort longtemps qu’il ne s’en était, occupé. Rousseau avait pour les mœurs et les vertus d’Abauzit la plus sincère estime. On peut en donner pour preuve le magnifique éloge qu’il fit de lui dans la Nouvelle Héloïse. Cet éloge est d’autant plus remarquable que c’est le seul que Rousseau ait adresse à un homme vivant. « Non, ce siècle de la philosophie ne passera pas sans avoir produit un vrai philosophe ; j’en connais un, un seul, j’en conviens ; mais c’est beaucoup encore, et pour comble de bonheur, c’est dans mon pays qu’il existe. L’oserai-je nommer ici, lui dont la véritable gloire est d’avoir su rester peu connu ? Savant et modeste Abauzit ! que votre sublime simplicité pardonne à mon cœur un zèle qui n’a point votre nom pour objet. Non, ce n’est pas vous que je veux faire connaître à ce siècle indigne de vous admirer ; c’est Genève que je veux illustrer de votre séjour ; ce sont nos concitoyens que je veux honorer de l’honneur qu’ils vous rendent… Vous avez vécu comme Socrate ; mais il mourut par la main de ses concitoyens, et vous êtes chéri des vôtres. » Abauzit était encore savant antiquaire ; il connaissait bien les médailles et les autres monuments, et déchiffrait les inscriptions avec facilité. On trouve dans l’édition de l’histoire de la ville et de l’État de Genève, par Jacques Spon, publiée à Genève en