Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/352

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
336
ALB

chef d’escadre furent la récompense de ses longs services. Il commandait à Toulon, en qualité de lieutenant général, en 1789, lorsque les premières étincelles de la révolution éclatèrent dans ce port ; rigoureux observateur de la discipline militaire, il défendit aux ouvriers de l’arsenal de porter la cocarde tricolore, et de se faire inscrire dans la garde nationale. Deux charpentiers ayant enfreint ses ordres, il les fit conduire en prison : ce fut le signal d’une insurrection générale. Les troupes de ligne refusèrent de défendre M. d’Albert, qui fut arrêté par les séditieux, avec MM. du Castellet et de Villages. L’assemblée nationale décréta qu’il n’y avait lieu à aucune inculpation contre ces braves officiers, et rendit à leur chef un témoignage honorable. Peu de temps après, le roi lui confia le commandement d’une flotte de trente vaisseaux de ligne qu’on assemblait à Brest, pour soutenir les droits de l’Espagne contre l’Angleterre, dans l’affaire de Nootka-Sund. M. d’Albert, avant inutilement essayé d’établir l’ordre et la subordination parmi les équipages, dans un temps où tous les liens sociaux étaient rompus, et toutes les autorités légales menacées, prit le parti de quitter le commandement, et de sortir de France ; il joignit à Coblentz les princes, frères de Louis XVI, et fit la campagne de 1792, dans un corps particulier, formé par les officiers de la marine émigrés. Après la retraite des Prussiens, et la dispersion des troupes royales, M. d’Albert se retira en Dalmatie, et vécut plusieurs années dans un asile ignoré. Il revint en France, dès qu’un gouvernement réparateur y eut rappelé les hommes de mérite que les troubles civils en avaient éloignés, et il eut le bonheur, avant de terminer sa carrière, de voir renaître dans sa patrie les institutions monarchiques, l’ordre et la discipline militaire, dont il avait été toute sa vie le défenseur fidèle et courageux. Il mourut en 1810. E-d.


ALBERTANO, de Brescia, vécut dans le 13e siècle, sous le règne de l’empereur Frédéric II. Tandis qu’il était podestat, c’est-à-dire juge et gouverneur de Gavardo, il fut fait prisonnier, et écrivit dans sa prison un traité ayant pour titre : de Dilectione Dei et proximi, de formula vitæ honestiæ. Il en composa encore deux autres : de Consolatione et Consilio ; de Doctrina loquendi et tacendi. Bastien des Rossi, nommé, dans l’Académie de la Crusca, l’Inferigno, publia, en 1610, à Florence, chez les Giunti, une traduction ancienne et très-estimée des trois traités de morale d’Albertano ; elle fait autorité, ou, comme disent les italiens, texte de langue. G-é.


ALBERTAS (le marquis Suzanne d’), fils du premier président à la chambre des comptes de Provence, qui fut assassiné à la suite d’un repas qu’il avait donné aux habitants de son pays, le 14 juillet 1790, naquit à Aix vers 1750. Bien que très-opposé au système révolutionnaire et possesseur d’une grande fortune, il n’émigra pas, comme la plupart des nobles de sa province, et traversa sans être inquiété le règne de la terreur ; sa fortune s’accrut même, lorsque tant d’autres disparaissaient. D’Albertas refusa obstinément de brillantes propositions que lui fit Napoléon. Ce ne fut qu’en 1814, après le rétablissement des Bourbons, qu’il accepta de Louis XVIII les fonctions de préfet des Bouches-du-Rhône. Il les exerçait encore dans le mois de mars 1815, à l’époque du retour de Napoléon de l’île d’Elbe. Il n’hésita point à se prononcer pour la cause du roi. Lorsque le duc d’Angoulême traversa la Provence pour marcher vers Lyon, il eut beaucoup à se louer du zèle du marquis d’Albertas, qui lui fournit de nombreux secours en hommes et en approvisionnements, et lui envoya même son fils aîné, qui fit cette courte campagne à l’armée royale en qualité de capitaine d’artillerie. Après l’entrée de Napoléon à Paris, le maréchal Masséna destitua d’Albertas, qui alla vivre dans la retraite à Gémenos. Il en sortit encore après le second retour du roi, pour reprendre ses fonctions, qu’il quitta de nouveau le 17 août de la même année, en vertu d’une ordonnance royale qui le créa pair de France. Il mourut en 1829. M-d j.


ALBERTI (Benoit), d’une des familles florentines qui agitaient sans cesse la république par leur opposition ; celle d’Alberti se fit remarquer par son zèle pour l’égalité républicaine. Rival de Pierre des Albizzi, et associe de Salvestro de Médicis (voy. ces noms), Benoit Alberti, en 1378, au moment où les deux partis étaient le plus irrités l’un contre l’autre, et tandis que les Albizzi écartaient du gouvernement tous ceux qui leur faisaient ombrage, en les accusant d’être Gibelins, appela le peuple à prendre les armes, et commença ainsi la terrible révolution des Ciompi. La populace, secouant l’autorité de ses chefs, dépassa le but qu’ils s’étaient proposé ; et, pour réformer le gouvernement, elle le renversa. Une épouvantable anarchie, l’incendie et le pillage des plus magnifiques palais, la ruine du commerce, le supplice de plusieurs des hommes les plus considérés, furent la conséquence de la faute qu’avaient commise ceux qui avaient déchaîné la populace ; Benoit Alberti lui-même contribua à la mort de quelques hommes distingués du parti aristocratique. Cependant on le vit bientôt montrer autant de force que de courage contre la tyrannie de la populace, qu’il en avait auparavant opposé à la tyrannie des grands. Il demeura fidèle à ses principes ; tandis que tout son parti, parvenu au gouvernement, trouvait son intérêt à les oublier, il se déclara hautement contre ceux qui abusaient de la faveur populaire, et ne craignit pas de livrer à toute la rigueur des lois Thomas Strozzi et George Scali (voy. ces noms), deux de ses anciens associés, qui faisaient un usage tyrannique d’un pouvoir usurpé. La ruine de ces deux chefs entraina cependant celle de tout leur parti ; en 1382, l’ancienne aristocratie triompha de la faction dirigée par les Alberti et les Médicis ; presque tous les amis de Benoit Alberti furent exilés, et il le fut lui-même en 1387. Il partit alors pour visiter le saint sépulcre, et mourut à Rhodes en revenant de ce pèlerinage. S. S-i.


ALBERTI (Léon-Baptiste), architecte, peintre et sculpteur, naquit à Florence, en 1404, d’une