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pour son repos intérieur, et presque l’unique appui de l’Europe contre les Turcs. Albert fut universellement regretté ; sa taille était noble et élevée, ses yeux d’un bleu clair ; mais la vivacité de ses regards, et son teint bruni par la fatigue et les exercices militaires, contrastaient avec ses cheveux blonds qui tombaient sur ses épaules. Menace, des son enfance, par des factions qu’il eut sans cesse à comprimer, il poussa quelquefois la sévérité jusqu’à l’excès. Entrainé par par l’exemple et l’esprit de son siècle, il se livra à des cruautés et à une intolérance religieuse que nous ne concevons plus ; il poursuivit les juifs avec un acharnement aveugle et sans bornes. Imbu de l’opinion absurde, mais alors accréditée, que ces malheureux enlevaient des hosties consacrées pour les outrager, il ne leur laissait que le choix du baptême, de l’exil ou du bûcher ; plusieurs se tuèrent eux-mêmes ; 1,200 furent brûlés vifs, et leurs biens confisqués. C’est une tache horrible ; mais c’est la seule qui souille le règne d’Albert. Du reste, ce prince fut tempérant, juste, intrépide, simple dans ses mœurs, sensible dans ses affections privées. Il n’exprima qu’un seul regret en mourant, celui de ne pas serrer sur son cœur son épouse, qu’il laissait enceinte. Durant dix-huit ans de mariage, il n’avait pas une seule fois semblé se plaire, même passagèrement, avec une autre femme. On a vu jusqu’à quel point il poussait la fidélité à sa parole, puisqu’elle pensa lui faire refuser la première couronne de la chrétienté. B. C-t.


ALBERT de Mecklenbourg, roi de Suède, second fils du duc Albert Ier de Mecklenbourg et d’Euphémie, fille de Magnus, roi de Suède. Les grands de ce royaume, mécontents de Magnus et de son fils Haquin, prirent les armes et offrirent la couronne au duc de Mecklenbourg, qui la refusa pour lui-même, et désigna son fils, qu’il recommanda à la noblesse suédoise. Ce jeune prince fut alors élu, et reçu à Stockholm, en 1363, par ses nombreux partisans. Les états s’assemblèrent, et, après avoir dépose Magnus, confirmèrent l’élection d’Albert. Cependant Magnus avait encore dans le royaume un parti qui pouvait tirer des secours du Danemark. Il entreprit de chasser Albert ; mais ce prince lui livra bataille en 1365, le fit prisonnier, et conclut ensuite la paix avec le Danemark, pour régner sans contestation. Cette paix, qui lui avait coûté d’assez grands sacrifices, dura peu ; Albert entra dans la ligue des villes hanséatiques contre le Danemark ; et, s’étant rendu maître d’une partie de la Scanie, il profita enfin du retour de la paix pour demeurer tranquille possesseur de son royaume. Mais, voulant affermir et étendre son pouvoir, il commit les mêmes fautes que le roi Magnus qu’il avait détrôné. Il entreprit de rendre son autorité absolue, en introduisant des Allemands dans son armée, et même dans le sénat, contre les lois expresses du royaume ; et, comme les revenus ne suffisaient pas pour ses favoris et ses mercenaires, il s’empara de vive force du tiers de toutes les rentes du clergé et des laïcs. Ces violences irritèrent la noblesse suédoise, toujours prompte a s’alarmer ; elle reprit les armes et réclama l’appui de Marguerite, alors reine de Danemark, et surnommé la Sémiramis du Nord. Cette princesse accueillit la demande des nobles suédois, sous la condition qu’elle posséderait la couronne de Suède et la transmettrait à ses héritiers. Elle entra aussitôt dans le royaume ; mais le peuple se déclara pour Albert. Marguerite, acceptant un défi qu’Albert lui avait adressé dans une lettre pleine d’injure, le combattit à Falkœping, le 24 février 1389, et mit son armée en déroute dans une sanglante bataille ; Albert et son fils Éric furent fait prisonniers et enfermés à Lindholm, en Scanie. On les transféra ensuite à Calmar, où Albert resta détenu sept ans. Le parti de ce prince, n’était pas encore détruit, et la guerre qui désola la Suède fut une des plus cruelles dont l’histoire fasse mention. Stockholm fut réduit à la plus grande détresse, par le siége qu’en formèrent les troupes de Marguerite, et par la tyrannie de la garnison qui tenait pour le partie d’Albert. Enfin, par un traité conclu en 1394, Marguerite consentit à rendre la liberté à Albert et à son fils, sous la condition que Stockholm lui serait livré dans trois ans ; mais le premier usage qu’Albert fit de sa liberté, fut de se soustraire à cette ignominieuse capitulation, avec l’aide des chevaliers teutoniques, qui lui remirent l’île de Gothland dont ils étaient en possession. Peu de temps après, ayant perdu son fils Éric, Albert se soumit sans peine aux conditions de son trait& avec Marguerite, et lui abandonna Stockholm et tous ses droits sur la Suède. Il passa le reste des ses jours dans le couvent de Dobran, dns le Mecklenbourg, et y mourut, dit-on, en 1412. B-p.


ALBERT, archiduc d’Autriche, gouverneur des Pays-Bas, sixième fils de Maximilien II, naquit en. 1539, fut destiné aux dignités de l’Église, et nommé, très-jeune, cardinal-archevêque de Tolède. Il sut se concilier l’estime universelle, et Philippe II, roi d’Espagne, dont il était le neveu, l’envoya, en 1583, au Portugal, pour gouverner, en qualité de vice-roi, ce royaume nouvellement conquis. La conduite d’Albert dans ce pays plut tellement au roi d’Espagne, qu’il donna à son neveu le gouvernement des Pays-Bas, dont les sept Provinces-Unies venaient de se séparer. Non-seulement Philippe II avait perdu cette partie importante de ses possessions, mais le sort des autres dépendait de l’issue incertaine d’une guerre ruineuse ; cependant, comme l’orgueil de ce monarque ne lui permettait pas encore de proposer la paix en son nom à des sujets révoltés, il confia le soin de cette affaire importante au cardinal Albert, espérant tout de la sagesse de son administration. Ce prince, avant de quitter l’Espagne, obtint la liberté de Philippe-Guillaume de Nassau, fils aîné du dernier prince d’Orange, et fit consentir le roi à le rétablir dans ses biens, persuadé que cet acte de bienveillance lui concilierait les Provinces-Unies, et serait utile à la cause royale. Résolu cependant de faire marcher de front la politique et les armes, le cardinal Albert vint à Luxembourg, en 1596, et commença ses opérations militaires par la réduction de Calais, d’Ardres et de