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et, pour les mériter, il secondait de toutes les forces de son duché Sigismond, contre quelques seigneurs qui voulaient secouer son joug, lorsqu’il fut empoisonné par l’un d’eux qu’il assiégeait dans la forteresse de Znaïm, de concert avec le roi de Hongrie. Il mourut des suites du poison, dans sa 27e année, le 4 septembre 1414, laissant un fils âgé de sept ans. Albert IV avait le même goût que son père pour la théologie, et ce goût en lui était fortifié par une extrême dévotion. Non content d’avoir visiter le saint sépulcre, il adopta, de retour en Europe, la vie d’un anachorète, autant qu’il lui fut possible. Souvent retiré dans un couvent de Chartreux, il s’y faisait appeler le frère Albert, assistait aux matines, lisait à haute voix les prières et les litanies, observait les jeûnes, et se conformait scrupuleusement à toutes les rites prescrits. Nous sommes loin de lui faire un reproche de ces occupations pieuses ; mais la même dévotion qui rendait Albert avide de pratiques minutieuses l’entraina dans des mesures inexcusables. Du fond de sa cellule, il persécuta cruellement des hérétiques en Styrie, les faisant marquer d’un fer rouge, les plongeant dans les prisons, ou les condamnant à périr dans les flammes. Ces cruautés impriment sur son règne un tache indélébile. B. C.-t.


ALBERT V, duc d’Autriche, connu, comme empereur, sous le nom d’Albert II, naquit à Vienne, le 10 août 1397. Il n’avait que sept ans lorsqu’Albert IV son père mourut, et cette mort prématuré lui donna pour tuteurs les trois cousins germains de son père, Ernest, Guillaume et Léopold, tous trois fils de ce Léopold qui avait dépouillé Albert III de presque tous ses États. Guillaume avait déjà, du vivant d’Albert IV, formé des prétentions sur l’Autriche. Heureusement pour son neveu, il ne survécut guère au père de celui-ci ; mais Léopold ne se montra ni moins ambitieux, ni moins avide que Guillaume. Ce fut en vain que les états, craignant son administration, appelèrent à la régence son frère Ernest. Léopold avait un parti dans Vienne, et ce parti, d’abord opprimé, parvint a reprendre sa, prépondérance, après avoir perdu sur l’échafaud plusieurs de ses chefs. Léopold chassa son frère, se fit déclarer seul tuteur d’Albert V, et vengea la mort de ses adhérents, en condamnant à des supplices cruels quelques-uns des habitants les plus considérés de la capitale. Le peuple se souleva, Ernest se mit à la tête des mécontents ; le roi de Hongrie et le duc de Bavière se déclarèrent pour eux ; l’Autriche entière fut livrée au plus malheureux désordre. Ce fut au milieu de ces trouble qu’Albert fut élevé. Léopold ne négligea rien pour inspirer au jeune prince le dégoût des affaires, et la passion des plaisirs grossiers et des exercices violents ; mais les hommes chargés de son éducation trompèrent les calculs coupables de son tuteur : Albert acquit sous leur direction des connaissance étendues ; et, ce qui vaut mieux pour tous les hommes et surtout pour les princes, une fermeté de caractère qu’il déploya fréquemment avec succès dans le cours de son règne. Les gouverneurs d’Albert, après avoir travaillé pour l’avenir, crurent que le moment était venu de s’occuper du présent. Le principal d’entre eux, Remprecht de Waldiée, négocia secrètement avec les états, leur peignit les maux qui résultaient de la longue minorité de son élève, du caractère impérieux et féroce de Léopold, des discussions qui se ranimaient sans cesse entre les habitants de Vienne et ce prince, entre ce prince et ses frères. Entrainés par ses représentations, les états s’engagèrent, par un serment solennel, à ne recevoir d’ordres que d’Albert V, leur légitime et unique souverain. À cette nouvelle, Léopold mourut subitement de rage, le 3 juin 1411 ; le clergé lui refusa les honneurs funèbres, et il fut enterré, sans pompe et de nuit, dans l’église de St-Étienne. L’enthousiasme du peuple, lorsqu’Albert se montra pour la première fois investi dm gouvernement, ne connut point de bornes ; la foule se pressait autour de lui, et lui témoignait par ses acclamations son dévouement et ses espérances ; mais, au milieu de cette allégresse, Albert avait mille sujets de sollicitude : aucune police n’existait dans ses États, les routes étaient infestées de brigands, les tribunaux sans force, les propriétés menacées, le commerce interrompu ; les nobles abusaient avec audace des avantages de leur rang ; les parvenus, de ceux de leur fortune. Albert crut qu’une sévérité inflexible était nécessaire. Des les premiers jours de son administration, il fit brûler vifs, comme spoliateurs et comme faussaires, deux de ses courtisans, dont l’un avait jusqu’alors possédé sa plus intime confiance. Ce terrible exemple tut efficace ; en peu de mois l’ordre fut rétabli, l’Autriche devint le pays de l’Allemagne dont les habitants goutèrent la sécurité la plus complète, et on y disait proverbialement, que, partout ou régnait Albert, l’or et l’argent se gardaient eux-mêmes, sur les grands chemins et au milieu des bois. Albert fut fiancé, en 1417, à la fille de l’empereur Sigismond, Élisabeth, qu’il épousa en 14210. Ce mariage rendit à la maison de Habsbourg des droits sur les royaumes de Hongrie et de Bohême ; mais cet avantage fut balancé par de graves inconvénients. Albert se trouva d’abord placé dans une situation difficile entre son beau-père et Frédéric, l’un de ses oncles, dont Sigismond se déclara l’implacable persécuteur. ( Voy. Frédéric d’Autriche, 4e du nom.) Albert n’osa fournir à son parent que de faibles secours pécuniaires, et vit avec douleur, pendant un espace de trois ans, les princes de sa maison mis au ban de l’Empire, et dépouillés de leurs États par celui dont il devait épouser la fille. À peine était-il sorti de cette position pénible, que Sigismond l’entraina dans la guerre des Hussites, qu’il avait excitée en se rendant coupable d’un exécrable parjure envers Jean Hus et Jérôme de Prague. ( Voy. ces noms.) Albert fut forcé de partager les fatigues, les dangers, les tristes sucés et les honteux revers de cette déplorable guerre : marchant toujours à la suite de son beau-père, il eut à souffrir de l’incertitude, des inconséquences et plus encore de la mauvaise foi de Sigismond, qui semblait se plaire à négocier avec ses ennemis, même quand il aurait pu les vaincre, comme s’il eut préféré au plaisir de vaincre celui de tromper. Albert fit une entrée magnifique à Prague,