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son ne seraient plus partagé entre les divers membres de cette famille, mais appartiendraient à l’aîné ; cette ordonnance ne fut point respectée après sa mort, mais elle fut renouvelée sous Maximilien ; et, depuis, elle a été exactement observée. B. C-t.


ALBERT III, duc d’Autriche, fils d’Albert le Sage, perdit de bonne heure deux de ses frères, plus âgés que lui, et se vit, le 21 juillet 1365, avant d’avoir atteint sa dix-septième année, appelé au gouvernement, avec un frère plus jeune encore. Le pacte de famille institué par Albert II réservait a l’aîné le droit exclusif de succéder à son père ; mais Léopold, c’était le nom du cadet, aussi violent qu’Albert était pacifique, força bientôt ce dernier à consentir à un partage par lequel le testament de leur père étant annulé, Léopold fut investi de la portion la plus considérable des États autrichiens : l’empereur Charles IV favorisa de toute son influence les prétentions de Léopold, charmé qu’il était de voir une puissance qui, chaque jour, lui faisait plus d’ombrage, concourir elle même à son propre affaiblissement. En effet, le morcellement dont Léopold donna l’exemple s’étant renouvelé sous ses successeurs, et jusque sous l’empereur Frédéric III, fut l’un des principaux obstacles à l’agrandissement de la maison de Habsbourg. L’ambition de Léopold échoua bientôt contre la Suisse, comme celle de son père et de son aïeul : il fut tué, le 9 juillet 1386, à la bataille de Sempach ; et, durant la minorité de ses quatre fils, Albert rentra dans la jouissance d’un pouvoir dont il semble n’avoir pas été avide, puisqu’il le rendit à ses neveux, dès qu’ils furent en âge de le réclamer. Cependant, soit avant d’en avoir été dépossédé par son frère, soit après en avoir repris l’exercice, Albert ne se montra point au-dessous de ce fardeau ; il sut d’abord, par une négociation habile, engager ou contraindre la Bavière à renoncer au Tyrol, dont la souveraineté était pour l’Autriche d’une extrême importance. Se consacrant ensuite aux soins paternels d’une administration vigilante, il s’appliqua surtout, et avec succès, à maintenir dans ses États une police exacte, mérite rare dans ce siècle. Il eut à lutter fréquemment contre les seigneurs qui opprimaient leurs vassaux, vexaient les bourgeois des villes, et troublaient la tranquillité publique. Ses efforts pour restreindre les privilèges dont ils abusaient le firent adorer de ses sujets, dont l’affliction lui rendit, autour de son cercueil, un hommage désintéressé et incontestable. Il protégea les lettres, accorda des faveurs signalées à l’université de Vienne, fonda des chaires de mathématiques et de théologie, et se livra lui-même à l’étude des sciences et des arts. Si, comme on peut le conjecturer, il dut ces goûts recommandables principalement à sa passion pour l’astrologie, il faut pardonner les faiblesses, quand elles ont de tels résultats. Malgré son penchant pour les occupations paisibles et studieuses, Albert se laissa quelquefois entraîner à des entreprises guerrières. Les habitants de Trieste, soulevés contre Venise, s’offrirent à lui, et l’invitèrent à s’emparer de leur ville. Il l’essaya, mais il fut repoussé. Il seconda l’ordre teutonique dans une espèce de croisade contre la Prusse, ou le christianisme n’avait pas encore jeté des racines bien profondes. Enfin, des nobles bohémiens s’étant révoltés contre Venceslas leur roi, Albert, qui s’efforçait de diminuer les prérogatives de la noblesse en Autriche, embrassa la cause de la noblesse en Bohème, et entra dans ce pays à la tête d’une armée ; mais il fut attaqué subitement d’une maladie dont il mourut, à 46 ans, au mois d’août 1395. Marié deux fois, il ne laissa qu’un fils qui, à sa mort, était âgé de seize ans. Sa première femme fut Élisabeth, fille de l’empereur Charles IV ; il n’en eut point d’enfants. La seconde fut Béatrix, fille de Frédéric, bourgrave de Nuremberg. B. C.-t.


ALBERT IV, duc d’Autriche, fils unique d’Albert III, et surnommé Le Pieux, était parvenu à l’âge de seize ans lorsque son père mourut, au mois d’août 1395. On a vu, dans l’article d’Albert III, que ce prince avait été dépouillé de la plus grande partie de son patrimoine par son frère Léopold II. Guillaume, fils aîné de ce Léopold, et qui lui avait succédé, voulut traiter son cousin comme son père avait traité son oncle, et forma des prétentions sur l’Autriche, seule province que Léopold n’eut pas enlevé à Albert III. Albert IV se défendit de son mieux, mais il fut obligé de transiger. Il fut convenu qu’Albert et Guillaume régneraient conjointement sur l’Autriche. À peine cet accommodement avait-il eu lieu, qu’Albert, soit qu’il fut mécontent d’un traité par lequel il avait cédé des droits évidents, soit qu’il se sentit entraîné par un caractère naturellement romanesque, entreprit le pèlerinage de la terre sainte, laissant Guillaume seul en possession du pouvoir. Les aventures d’Albert, pendant cette pieuse et lointaine course, ont été célébrées par plusieurs poëtes et romanciers, en prose et en vers ; et il a été surnommé, dans les ouvrages fabuleux du temps, la Merveille du monde ; mais comme il n’y a rien d’authentique dans tout ce que l’on raconte de son voyage à Jérusalem, et que ce voyage ne s’associe à aucun fait de l’histoire, nous ne rendrons point ici compte des anecdotes moitié religieuses et moitié chevaleresques rapportées à ce sujet. Revenu à Vienne, Albert IV épousa Jeanne de Hollande, dont il eut un fils. Des dissensions s’étant élevées entre ses oncles, Sigismond, roi de Hongrie, et Venceslas, roi de Bohême, le même auquel le père d’Albert allait faire la guerre lorsque la mort le surprit, Albert se conduisit avec tant de prudence, qu’il se concilia l’amitié des deux parties belligérantes, Sigismond, s’étant emparé de la personne de Venceslas, crut ne pouvoir le remettre en de meilleures mains qu’en celles d’Albert. Le duc d’Autriche traita son oncle prisonnier avec beaucoup de douceur, et lui facilita les moyens de s’échapper. Il parvint ensuite à le réconcilier avec Sigismond, et les deux rois furent tellement satisfaits de sa conduite, que tous deux, simultanément, le déclarèrent leur successeur, dans le cas ou ils mourraient sans enfants mâles. Albert avait ainsi en perspective l’héritage presque assuré de deux puissants royaumes ;