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pérance d’une utile diversion. Résolu de soutenir une lutte inégale, il brava la quadruple alliance, et suivit avec courage le projet de détrôner Georges Ier, et d’exciter une guerre civile en France. Mais une tentative que fit le Prétendant en Angleterre échoua ; une armée française, après avoir franchi les Pyrénées, s’empara de St-Sébastien et de Fontarabie ; Alberoni marcha, avec Philippe V, à la défense des frontières, moins pour repousser les Français par la force des armes, que dans l’espoir de les entraîner à une défection contre leurs chefs : ses tentatives furent sans succès. Tandis que la constance de Philippe était ébranlée par tant de pertes arrivées coup sur coup, et par la crainte de voir l’ennemi pénétrer jusqu’au cœur de l’Espagne, il fit inutilement des propositions de paix : le renvoi d’Alberoni fut la première condition imposée par l’Angleterre et la France. La reine, à l’instigation de Laura, sa nourrice, gagnée par le régent, abandonna le ministre, qui reçut, le 5 décembre 1719, l’ordre de sortir dans vingt-quatre heures de Madrid, et dans quinze jours du royaume. Livré, par l’ingratitude de son roi, à toute la haine que lui avaient vouée les puissances de l’Europe, Alberoni ne savait pas où se retirer. Rome, refuge ordinaire des princes de l’Église, ne lui offrait pas même un asile assuré. Il n’était pas encore au delà des Pyrénées, qu’on attaqua sa voiture ; un de ses domestiques fut tué, et lui-même, pour échapper à une bande d’assassins apostés, fut obligé de se travestir et de continuer son voyage à pied. On prétend que la cour d’Espagne s’aperçut qu’Alberoni emportait le testament par lequel Charles II avait institué Philippe V héritier de la monarchie, et qu’il fallut user de violence pour obliger le ministre disgracié à rendre ce titre précieux, dont il aurait pu se servir pour gagner la confiance de l’Autriche. Il traversa le midi de la France, escorté par un officier charge de le surveiller, et d’empêcher qu’on lui rendit aucun honneur. Arrivé aux frontières de Gènes, il erra d’abord sous un nom supposé, n’osant s’exposer au ressentiment de Clément XI, qu’il avait trompé, pour obtenir de lui le chapeau de cardinal, et qui menaçait de lui faire son procès. Fatigué d’une vie si pénible, Alberoni hasarda de fixer sa résidence à Sestri di Levante, dans le territoire de Gènes ; mais il y fut bientôt arrêté, à la sollicitation du pape et de Philippe V, qui se joignit à ses persécuteurs. Cette ligue des potentats de l’Europe contre le fils d’un paysan obscur est bien digne de remarque, et elle a beaucoup contribué à la renommée et à la gloire d’Albernoni. Honteux d’avoir violé le droit des gens à son égard, les Génois lui rendirent la liberté, et la mort du pape Clément mit enfin un terme à cette longue persécution. Il ne quitta sa retraite que pour se rendre au conclave après la mort de Clément XI. Innocent XII le fit juger légalement ; le libertinage de sa vie privée fut au nombre des accusations qu’on fit peser sur lui ; il fut condamné à quatre années de réclusion dans un couvent ; mais sa peine fut réduite à une année, qu’il passa dans la maison des jésuites ; enfin, il fut entièrement absous, dans un consistoire du 20 décembre le 1723, rétabli dans tous les droits de sa dignité de cardinal, et il reparut de nouveau sur la scène politique. Nommé légat du saint-siége dans la Romagne, en 1738, il y apporta cet esprit inquiet et remuant auquel il avait dû sa fortune et ses malheurs. Ce fut pendant cette légation qu’il forma l’entreprise de réunir aux États du pape la petite république de St-Marin, entreprise qui réussit d’abord, et eut ensuite le même sort que tous les projets gigantesques qui avaient occupé Alberoni pendant son ministère ; ce qui fit dire à Benoit XIV : « Alberoni ressemble à un gourmand qui, après avoir bien diné, aurait envie d’un morceau de pain bis. » Telles furent néanmoins les vicissitudes de la fortune de cet homme extraordinaire, et l’admiration que son génie excita, que, dans plus d’une élection, il ne lui manqua que peu de voix pour parvenir au trône pontifical. Il mourut le 26 juin 1752, a 87 ans, avec la réputation d’un ministre plus intrigant que politique, aussi ambitieux que Richelieu, aussi souple que Mazarin, mais plus imprévoyant et moins profond que l’un et l’autre. Tel est du moins le jugement qu’en ont porté la plupart des écrivains français, soit qu’ils n’aient jugé que d’après les événements, soit que la prévention les ait rendus injustes à l’égard d’un ministre qui s’était montré ennemi de la France. Mais, si l’on considère qu’Alberoni rendit en peu d’années à la monarchie espagnole une grande partie de son ancien éclat ; qu’au milieu même de la multitude et de l’étendue de ses desseins, son génie, qui embrassait tous les genres d’administration, établit des règlements favorables à l’agriculture, aux arts, au commerce ; qu’il n’oublia rien pour inspirer aux Espagnols l’activité et l’amour du travail, tandis qu’il s’efforçait de rétablir au dehors leur ancienne réputation de valeur ; si l’on considère enfin que la fortune le trahit, et qu’il ne dut le renversement de ses projets qu’a l’indiscrétion d’un de ses agents, on doit convenir qu’il ne lui manqua, pour se placer à côté des Ximenez et des Richelieu, que le succès qui justifie tout, et qui dépend plus souvent du hasard que des combinaisons du génie. Le Testament politique, publié le sous son nom, après sa mort, comme traduit de l’italien, ne lui appartient pas ; cet écrit est de Durey de Morsen ; Maubert de Gouvest n’en est que l’éditeur. J. Rousset a écrit la Vie d’Alberoni depuis sa naissance jusqu’au commencement de l’année 1719 ; 1719, in-12. L’ouvrage est anonyme, et annoncé comme traduit de l’espagnol. B-p.


ALBERS (Jean-Abraham), l’un des médecins les plus distingués de l’Allemagne moderne, né à Brême, le 20 mars 1772, fit ses études tant à Goettingue qu’à Iéna, et prit le titre de docteur dans cette dernière ville. Il consacra ensuite deux années à visiter les universités allemandes et les écoles de la Grande-Bretagne, et revint en 1797 dans sa patrie, où il se consacra tout entier à l’exercice de la médecine et des accouchements. Une clientèle étendue lui laissait peu de temps pour la partie théorique de l’art dans lequel il n’avait point tardé à se faire une grande réputation. Toutefois, en dérobant quelques heures au sommeil, il parvint à concilier les devoirs