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ne l’empêcha pas de porter les armes dans les troupes de la république de Venise, et les services qu’il rendit furent récompensés par son élévation à la principale magistrature de Bergame, qu’il exerça avec honneur. Il se maria dans sa ville natale, et perdit sa femme, qui lui avait donné plusieurs enfants. Le cardinal Alexandrin, alors inquisiteur de la foi dans l’État de Venise, eut occasion de faire connaissance avec le comte Albani ; il estima ses profondes connaissances dans la science du droit, et remarqua son zèle pour la religion, dans une circonstance difficile ou ce magistrat intègre fit taire la voix du sang pour n’écouter que celle du devoir : un de ses plus proches parents fut accusé d’hérésie, et Albani n’hésita pas à déployer contre lui toute la sévérité des lois. Lorsqu’Alexandrin fut élu pape, en 1566, sous le nom de Pie V, il appela à Rome Albani, et lui donna constamment des marques de son estime et de son amitié ; c’est à lui que ce savant dut le chapeau de cardinal, qu’il obtint en 1570. Albani jouissait d’une si grande considération, qu’en 1583, après la mort de Grégoire XIII, le vœu général l’aurait placé sur la chaire de St. Pierre, si les enfants qu’il avait eus de son mariage n’avaient fait appréhender qu’ils ne partageassent avec lui l’autorité. Albani mourut le 23 avril 1591. Les principaux ouvrages qui nous reste de lui sont des traités sur le droit canonique : 1° de Immunitate ecclesiarum, dédié au pape Jules III, imprimé en 1553 ; 2° de Potestate papæ et concilii, Lyon, 1558 ; Venise, 1561, in-4o ; 3° de Cardinalibus, et de Donatione Constantini, 1584, in-fol. — Moreri parle d’un autre Albani, jurisconsulte à Bergame, qui, suivant lui, a écrit un commentaire sur Bartole, sur les conciles, l’immunité des églises, et dont Pancirole fait l’éloge ; mais la date de sa naissance, fixée en 1504, celle de sa mort, en 1591, le chapeau de cardinal qu’il obtint, tout porte à croire que ce jurisconsulte, dont Moreri fait un article séparé, est le même que le comte Albani dont on vient de parler. M-x.


ALBANI d’Urbin (Jean-François), neveu du pape Clément XI, naquit en 1720. Il fut élevé au milieu des grandeurs, parce que sa famille avait reçu des faveurs signalées du pontife. On le destina de bonne heure à la carrière ecclésiastique. Il joignait, à une figure distinguée, de l’esprit, de la grâce, et une sagacité remarquable. Revêtu de la pourpre en 1747, il devint successivement évêque suburbicaire, et enfin doyen du sacré collège. Au conclave de 1775, il se déclara un des opposants au parti de la France, alors représenté par le cardinal de Bernis. Dans une altercation qu’il eut avec le cardinal français, étant son berettino (la calotte rouge), et le montrant à Bernis, il lui dit d’une voix ferme : « Éminence, ce n’est pas une p… qui « m’a placé ce berettino sur la tête. » Il rappelait ainsi la faveur dont Bernis avait joui auprès de madame de Pompadour[1]. Il fallut que Bernis se joignit aux cardinaux italiens du parti Albani, qui portait le cardinal Braschi. Lorsque la révolutin française commença d’éclater, Albani se montra un des ennemis les plus violents du nouveau système. Il fit donner à son neveu, monsignor Joseph Albani, depuis cardinal, et commissaire général de sa sainteté dans les légations, plusieurs missions qui avaient pour but d’entraver les progrès de la puissance française. Le général Berthier ayant envahi Rome, le directoire séquestra les biens de maison Albani. Cette confiscation atteignit tous les membres de la famille, et la fameuse villa Albani, embellie nouvellement à tant de frais, et l’une des plus riches de Rome en monuments de sculpture antique, fut dépouillée de toutes ses richesses. Après que le sort des armes eut enlevé l’Italie aux Français, Jean-François fut un des cardinaux qui, au conclave de Venise, contribuèrent le plus à l’élection de Pie VII. Il revint ensuite à Rome, où sa raison commença à s’altérer, à cause de son grand âge. Un valet de chambre, nommé Marianino, le gouvernait despotiquement. Jean-François le savait, mais il ne pouvait se soustraire à cette volonté, qui s’explique par des attentions, des flatteries, des complaisances auxquelles la vieillesse même des grands n’est pas toujours accoutumée. Les protections intéressées qu’accordait Marianino dans l’évêché de Velletri, où son maître avait le droit d’exercer une autorité souveraine, excitèrent à la fin l’étonnement de Pie VII, qui un jour demanda au cardinal Jean-François ce que voulait dire ce principal de Marianino, qui était l’arbitre de toutes les affaires à Velletri. Le cardinal, qui sans doute n’avait pas perdu en ce moment toute la finesse de son esprit, répondit : « Ah ! très-saint-père, « nous avons tous auprès de nous, plus ou « moins, un Marianino. » Le cardinal voulait faire allusion à la grande confiance que Pie VII accordait à son ministre, le cardinal Consalvi. Jean-François mourut en 1809. Il ne s’était jamais montre persécuteur, et l’on sait que souvent il a rendu des services signalés, même aux Romains qui professaient d’autres principes que lui. Annibal Albani, cardinal, frère du précèdent, a donné deux éditions élégantes : celle du Menologium romanum, Urbin, 1727, 3 vol. grand in-fol., fig., et celle du Pontificale romanum, Bruxelles, 1735, 5 vol. in-8o, fig. en taille-douce de van Horly. C’est à lui que l’on doit encore la collection les ouvrages du pape Clément XI, son oncle, Rome et Francfort, 1729, 2 vol. in-fol. ; il en a fait les épîtres dédicatoires au collège des cardinaux et à Jean V, roi de Portugal, ainsi que la préface qui précède les harangues. A-d.


ALBANY (Louise-Marie-Caroline-Aloïse, comtesse d’), dont les chants d’Alfieri ont éternisé la mémoire, naquit à Mons, le 27 septembre 1753, d’une des plus anciennes maisons d’Allemagne. Son père, Gustave-Adolphe, prince de Stolberg-Goedern, lieutenant général au service de l’Autriche et commandant de la forteresse de Nieuport, fut tué, en 1757, à la bataille de Leutlien, et ne laissa d’autre héritage à sa veuve et à ses quatre enfants qu’un nom illustré par ses exploits. La princesse Louise

  1. Les habitudes de la langue italienne, qui est plus libre que la nôtre. et plus encore l’état de colère où était le cardinal Alabani, donnent l’explication de cette singulière vivacité.