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gnent la Vierge et son fils. Il a aimé a peindre des saintes familles occupées a regarder des anges qui portent la croix, les épines et les symboles de la passion. Il a peint à fresque, à Bologne, à St. Michel in Bosco, à Rome, à St. Jacques des Espagnols, sur les dessins d’Annibal Carrache ; mais il a plus réussi dans les compositions d’une dimension peu étendue. Quelques auteurs ont appelé l’Albane l’Anacréon de la peinture : le poëte s’immortalisa par des odes et quelques vers ; le peintre s’illustra par une grande quantité de petits tableaux. Anacréon chanta Vénus, les amours, les femmes et les enfants ; l’Albane s’étudia presque toujours a retracer ces mêmes sujets. Tous deux enfin parvinrent à même vieillesse tres-avancée. L’Albane a laissé quelques écrits qui nous ont été conservés par Malvasia. Ils ne sont pas en ordre : toutefois, on les regarde comme précieux, à cause du grand nombre de préceptes importants qu’ils renferment. On a beaucoup répété que l’Albane avait une épouse très-belle, et douze enfants d’une figure très-distinguée, et qu’ainsi il trouvait toujours ses modèles dans sa propre maison ; mais il vaudrait mieux croire qu’il avait reçu de la nature l’heureux don de copier avec justesse les nombreux modèles que lui offrait le beau pays où il était né. D’ailleurs, comment peut-on penser que la même femme ait pu lui servir de modèle pendant plus de vingt ans ? Comment des enfants, chez qui on ne trouve que pendant cinq ou six ans ces formes arrondies que l’on donne ordinairement aux amours ou aux petits génies, peuvent-ils avoir été l’objet des études constantes de cet artiste, qui a travaillé plus de soixante-six ans ? Heureux s’il eût voulu se borner à jouir de sa gloire ! mais il ne cessa jamais de vouloir rivaliser avec ceux de ses contemporains qui, tous les jours, cherchaient à se faire un nom dans la peinture. Aussi on peut diviser la vie de l’AIbane en deux époques bien distinctes : la première fut une longue suite de succès ; la seconde, un enchaînement non interrompu de revers et de dégouts. L’artiste qui comptait parmi ses élèves un Sacchi, un Cignani, un Speranza, un Mola di Lugano, était devenu luimeme plus faible que le plus obscur de ses écoliers. Ses ennemis accréditèrent de nouveau les opinions que l’école du Guide avait pris à tâche de propager, et l’on vit que la haine n’avait pas toujours dicté le jugement que cette école portait de l’Albane ; tant il est vrai qu’il faut savoir connaître les bornes de son propre talent ! Il faut savoir cesser de se livrer à ses travaux les plus favoris, lorsqu’on n’a plus rien à créer, lorsqu’on n’a plus de nouvelles palmes à mériter. On retrouvait toujours chez l’artiste sexagénaire ces mêmes bois, ces mêmes ruisseaux, ces mêmes amours qu’il avait en quelque sorte inventés. Ces sujets poétiques pouvaient-ils produire longtemps le même effet chez une nation qui avait une longue habitude des compositions élevées et énergiques des Carraches ? Présentée isolément, pouvaient-ils soutenir la concurrence, depuis que des Guide et des Dominiquin avaient su fondre les mêmes sujets dans une foule de traits historique d’un haut intérêt ? Enfin, l’Albane eut le sort de ceux qui meurent trop tard pour leur gloire, et il finit ses jours le 4 octobre 1660, à l’âge de 83 ans, moins estimé qu’il ne l’avait été dans la trentième année de sa vie[1]. P-x.


ALBANÈZE, chanteur du genre de ceux que les Italiens nomment soprani, acquit, au conservatoire de Naples, une excellente méthode de chant, qui fut extrêmement goûtée lorsqu’il vint en France, en 1747. À l’âge de dix-huit ans, il entra à la chapelle du roi, et fut premier chanteur au concert spirituel de Paris, où il eut beaucoup de succès depuis 1752 jusqu’en 1762. Albanèze a composé plusieurs airs et des duos pleins de melodie et de grâce ; ces morceaux, qui ont eu longtemps beaucoup de vogue, ont tous été gravés. Ce chanteur-compositeur est mort vers l’année 1800. P-x.


ALBANI, famille riche et illustre de Rome, originaire d’Albanie, et que les conquêtes des Turcs forcèrent, dans le 16e siècle, à se réfugier en Italie où elle se partagea en deux branches. L’une fut agrégée à la noblesse de Bergame, et l’autre a celle d’Urbin. Toutes deux ont donné des cardinaux a l’Église. C’est de la branche d’Urbin qu’est sorti Jean-François Albani, élu pape, en novembre 1700, sous le nom de Clément XI. Le crédit et les richesses de sa famille augmentèrent pendant son long pontificat ; elle fut agrégée à la noblesse de Venise et à celle de Gènes, et acquit, en 1715, la principauté de Soriano. Dès lors il y a presque toujours eu un cardinal Albani dans le sacré collège. L’un des plus célèbres est Alexandre Albani, né a Urbin le 15 octobre 1692, élevé au cardinalat par Innocent XIII. Il montra autant de dignité dans son ambassade près de l’empereur d’Allemagne, que de savoir dans la place de bibliothécaire du Vatican ; il aima et protégea les gens de lettres, embellit des richesses de tous les arts sa maison de plaisance, nommée la villa Albani, s’y délassa de la politique par des écrits historiques et littéraires très-estimés, et mourut le 11 décembre 1779, à 87 ans. S. S-i.


ALBANI (Jean-Jérôme), jurisconsulte, naquit à Bergame, en 1504. Fils du comte François Albani, il était destiné, par sa naissance, à la carrière militaire ; mais son père n’employa pas moins tous ses soins à lui faire acquérir des connaissances étendues dans les belles-lettres, la jurisprudence civile et canonique. Jean Albani devint un savant distingué dans l’un et l’autre droit. Son goût pour les sciences

  1. l’Albane a cherché à s’approprier les qualités essentielles des grands maîtres qui l’ont précédé ; il a pratiqué l’éclectisme. ressource ordinaire de ceux qui ; dans les arts comme dans les lettres et les sciences, se sentent dépourvus de ces convictions fortes, de ces croyances sincères et profondes qui sont la source de toute inspiration. On peut le ranger au nombre des artistes qui ont fait de l’art pour l’art, et qui n’ont pas su comprendre que la peinture n’est, comme la parole, qu’un des moyens d’expressions dont dispose la pensée humaine. Ainsi ses compositions manquent-elles d’élévation et de puissance ; elles s’adressent toutes aux sens, et ne disent rien ni à l’esprit ni au cœur. dans le genre religieux, il est au-dessous du médiocre ; on sent que ni la foi, ni même le respect ne guident son pinceau ; ses saints et ses saintes, ses Christ, ses Vierges et ses anges ressemblent exactement à ses nymphes, à ses Adonis, à ses Apollon, à ses Venus et à ses amours : ce sont de jolis hommes, de jolies femmes, des enfants joufflus, dans un état de nudité plus ou moins complet. La fadeur, la monotonie et la froideur sont les traits généraux et caractéristiques de ces peintures. C. W-r.