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des gens que l’on commettait, disait-il, à l’égard de son secrétaire. En lisant le discours que tint l’ambassadeur au monarque, on a peine à concevoir que le droit de remontrance, de la part d’un agent diplomatique, ait été poussé au point de reprocher au roi de France d’avoir employé des moyens de même nature envers les cours étrangères. Mais, malgré ces réclamations, le procès fut instruit au parlement. En vain Alagon voulut-il faire prendre le change sur ses relations avec l’Espagne, qui n’avaient pour but, assurait-il, que d’obtenir du service de cette puissance. Bruneau, se croyant assez protégé par le droit des gens, avoua tout et ses aveux entraînèrent la perte de son complice. Par arrêt du mois de décembre 1603, Alagon fut condamné à perdre la tête, et l’exécution eut lieu sur la place de Grève. Le corps fut mis en quatre quartiers pour être exposés à quatre portes de Paris, et la tête fut envoyée à Marseille pour subir cette flétrissure. Pour toute punition, Bruneau fut renvoyé à l’ambassadeur, avec une copie du procès. Le roi avait offert au duc de Montpensier et au cardinal de Joyeuse, parents d’Alagon, de commuer la peine en une prison perpétuelle. S’il faut s’en rapporter au P. d’Avrigny, ils répondirent que « s’il n’y avait point de bourreau pour un pareil « forfait, ils en serviraient eux-mêmes. » Ce refus plus que romain ne parait pas avoir autant de réalité que les dispositions clémentes du monarque. L-m-x.


ALAIN, en latin Alanus (Nicolas), médecin, né dans la Saintonge au 16e siècle, n’est, connut que par l’ouvrage suivant : de Santonum regione et illustribus familiis brevis nec minus elegans Tractatus ; Saintes, 1598. in·4° de 39 pages. Ce petit volume très-rare est recherche des curieux. L’auteur était mort après les premières guerres civiles. Son fils Jean Alain, avocat au parlement de Bordeaux, ayant, longtemps après, retrouvé cet opuscule, s’empressa de le publier pour sauver de l’oubli les recherches et le nom de son père. On y trouve quelques détails sur les procédés qu’on employait alors dans la Saintonge pour fabriquer le sel. W-s.


ALAIN de Solminihac, évêque de Cahors, abbé régulier de Chancelade, né le 25 novembre 1593, dans le Périgord, commença, en 1625, à établir la réforme dans son abbaye. Cette maison, auparavant déserte, fut bientôt peuplée de chanoines réguliers. La réputation d’Alain s’étant répandue, il fut chargé de visiter plusieurs couvents des deux sexes et d’y introduire la réforme. Louis XIII, apprenant le bien qu’il opérait, le nomma à l’évêché de Lavaur, ensuite à celui de Cahors ; malgré ses résistances, il fut sacré à Paris, le 27 septembre 1637, mais à condition qu’il garderait son abbaye de Chancelade, afin d’y maintenir le bien qu’il y avait commencé. Alain, prenant St. Charles Borromée pour modèle, donnait l’exemple de toutes les vertus épiscopales. Il fonda plusieurs établissements de bienfaisance. Le diocèse de Cahors lui dut son séminaire ; une maison de chanoines réguliers réformés selon la règle de Chancelade ; des fonds pour l’Hôtel-Dieu ; une maison de la Providence pour les orphelines ; une seconde maison pour les orphelins ; plusieurs églises dans le diocèse, rebâties à ses frais, et d’autres pieuses fondations. On assure qu’il dépensa pour ces œuvres pies plus de 500,000 francs, somme énorme pour ces temps-là. Ces libéralités peuvent s’expliquer, quand on pense à l’ordre, à l’économie et à la frugalité qui régnaient dans la maison de ce prélat, qui fut en relation avec tous les saints personnages de son temps, entre autres avec St. Vincent de Paul. Il mourut à Cahors, le 31 décembre 1659. G-y.


ALAIN de Lille, savant religieux du 12e siècle, était à la fois théologien, philosophe, physicien, historien et poëte. Cette grande variété de connaissances et de talents lui valut de ses contemporains le surnom d’universel, que la postérité lui a conservé. Les érudits ne sont pas d’accord sur le lieu de sa naissance, ni sur le temps où il a vécu, ni sur la date de sa mort : ils lui donnent pour patrie l’Allemagne, l’Écosse, l’Espagne, la Sicile et la Flandre ; les uns le placent dans le 12e siècle, d’autres dans le 13e ; tous produisent à l’appui de leurs opinions contradictoires des faits, des raisonnements, des témoignages. Au lieu de nous arrêter à les discuter et d’augmenter l’incertitude par de nouvelles conjectures, nous tiendrons pour vrai ce que nous apprend Alain lui-même dans son Anticlaudianus, à savoir qu’il était de Lille en Flandre. On lui a, il est vrai, contesté la propriété de cet ouvrage, mais dom Brial a établi ses titres sur des preuves irrécusables. (Voy. Histoire littéraire, tome 16.) Quant au second point, le temps où notre auteur a vécu, il est nettement déterminé par Otton de St-Blaise, qui cite maître Alain parmi les docteurs fameux qui existaient en 1194. Reste l’époque de sa mort. Alberic île Trois-Fontaines, qui écrivait au 13e siècle, la place vers 1202, et la grande chronique belgique confirme cette date. Mais nous sommes sans renseignements certains sur les circonstances de sa vie. On a depuis longtemps relégué dans le domaine des fables les anecdotes imaginées par des écrivains postérieurs pour suppléer au silence de l’histoire et accréditées par l’ignorance des siècles suivants. Nous en citerons deux qui datent vraisemblablement du 15e siècle et que nous empruntons à dom Brial. « Pendant qu’Alain enseignait à Paris les sept arts libéraux, les lois et les décrets, il s’était engagé à expliquer en public le mystère de la Trinité. La veille du jour qu’il devait prêcher, se promenant sur le bord de la Seine, il aperçoit un enfant qui s’amusait à porter de l’eau à un trou qu’il avait fait dans le sable. Que prétendez-vous faire, mon enfant ? lui dit le docteur. — Je veux que toute la rivière entre dans ce trou, et je ne discontinuerai pas, jusqu’à ce que j’en sois venu à bout. — C’est un enfantillage ce que vous faites là, la chose est impossible. Et quand croyez-vous que vous aurez fini ? — J’aurai plus tôt réussi que vous dans le dessein que vous avez en tête. — Et quel est-il, ce dessein ? — Vous voulez, dit l’enfant, pour faire parade de votre science, expliquer le mystère de la Trinité : cela est plus im-