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il s’empara de Rantampour et de Tchitor, deux des plus fortes places des Radjpouts, dans l’Adjemir ; la seconde tombait pour la première fois sous la domination des musulmans. En 1303, il soumit Waraugole, capitale du Tellimgan, qui comprenait à peu près le pays de Golconde. Il conquit le Malwah l’année suivante. En 1306, Khodjah-Kafour, son général, acheva la conquête du Dejhan, à travers le Baglana ou pays des Marhattes, et pénétra jusque dans le Carnate en 1310. Faisant la guerre en brigand, à l’exemple de son maître, Kafour pilla des trésors immenses ; ses soldats méprisaient l’argent, tant ils avaient d’or à discrétion. Divers événements interrompirent ces brillants succès. Les Mogols continuèrent leurs invasions périodiques dans l’Indoustan ; ils furent toujours repoussés par l’empereur en personne ou par Touglouck, un de ses généraux. Ala-Eddyn ne faisait aucun quartier aux prisonniers de guerre ; ils étaient tous égorgés par ses ordres. Cependant des révoltes éclatèrent contre lui ; des conspirations menacèrent ses jours : il tomba même une fois sous les coups des assassins, qui, le croyant mort, respectèrent le cadavre de leur souverain au lieu de lui couper la tête. Toutefois ces révoltes, ces conspirations, furent pour Ala-Eddyn d’utiles leçons ; elles lui apprirent qu’il y avait dans son administration des vices, des abus, qu’il fallait extirper. Pour y parvenir, il convoqua une assemblée générale des ministres, des omrahs, des hommes les plus éclairés de l’empire. On reconnut que la source du mal était dans le cumul des principaux emplois sur la tête de quelques privilégiés ; dans les alliances de quelques maisons trop puissantes ; dans le partage trop inégal des propriétés foncières ; dans le pouvoir illimité des gouverneurs de provinces ; enfin dans l’usage immodéré du vin et des liqueurs spiritueuses. En conséquence, l’empereur rechercha la conduite de tous les fonctionnaires publics ; récompensa les uns, destitua ou punit, les autres en plus grand nombre, défendit les mariages entre les familles d’omrahs sans sa permission ; confisqua les biens mal acquis ; réduisit les émoluments des principaux emplois, et en abolit le cumul. Il fixa des limites aux acquisitions des propriétés territoriales, régla le nombre des domestiques suivant les besoins de l’agriculture ; il diminua les impôts, et en rendit la répartition plus juste et la perception moins vexatoire. Par ses soins, la justice devint si surveillante et si active, qu’on n’entendit plus parler de vols, et que les voyageurs purent en tous sens parcourir l’Indoustan sans crainte et sans danger. Il prohiba le vin sous peine de mort, et pour donner l’exemple, il fit répandre sur la place publique tout celui qui. était dans ses caves. En un mot, Ala-Eddyn, dans son ardeurs des réformes, entra dans les moindres détails. Il ne négligea point les sciences et les arts dont il sentait le prix, bien qu’il fut illettré ; il dota des collèges et des écoles, et il se livra lui-même à l’étude des lois et de la politique. Obligé d’avoir sur pied de nombreuses armées, il réduisit leur solde ; mais, d’un autre côté, il fixa les grains et autres denrée de première nécessité à un taux très-modique, en prohiba le monopole, et établit des magasins pour entretenir l’abondance et maintenir les bas prix. Il embellit sa capitale de nombreux édifices publics, et y ajouta des fortifications pour la mettre à l’abri des attaques des Mogols. Gorgé de richesses, enivré de prospérités, Ala-Eddyn s’endormit au sein de la mollesse et de la volupté, abandonnant les rênes de l’empire à Kafour, qui, de la condition d’esclave noir et de prisonnier de guerre, lors de la conquête de Goudzerat, était devenu le premier ministre et le favori de son vainqueur. Cet ambitieux aspirant au trône, inspira des soupçons à l’empereur sur ses deux fils aînés et sur leur mère, et il obtint l’ordre de les faire arrêter ; leurs principaux partisans furent mis à mort. La tyrannie de Kafour excita des mécontentements et des révoltes à Tchiter, dans le Dekhan et le Goudzerat ; les revers qu’éprouvèrent les armées d’Ala-Eddyn dans cette dernière contrée le mirent en fureur et aggravèrent la maladie dont il était atteint. Il mourut en 716 (1316) dans la vingtième année de son règne Malgré le parricide qui ouvrit à ce prince le chemin du trône, malgré ses cruautés envers les prisonniers de guerre et les peuples vaincus, enfin malgré son insatiable avidité, son peu d’égards pour sa femme, son peu de soins pour l’éducation de ses enfants, et la faiblesse qui déshonora la fin de sa carrière, il est mis au rang des plus grands monarques de l’Indoustan, parce qu’il sut défendre ; agrandir et gouverner ses États, et qu’il rendit ses sujets heureux par la sagesse de son administration. Après sa mort, tout changea. Kafour fit aveugler les deux fils aînés d’Ala-Eddyn, plaça sur le trône le plus jeune, qui n’avait que huit ans, et s’empara de la régence : mais il fut assassiné au bout d’un mois, et son pupille remplacé par un troisième fils d’Ala-Eddyn, qui régna et périt en tyran. Il fut le dernier de sa dynastie. qui n’avait duré qu’environ trente-deux ans, et Touglouk-Schah, en 721 (1321), en établit une nouvelle qui dura près d’un siècle. (Voy. Mahmoud-Schah IIII.) A-r.


ALAGON (Louis d’), baron de Mérargues, né en Provence, dans le 16e siècle, se disait issu des comtes d’Aragon. Il crut ne pouvoir mieux justifier une pareille origine qu’en tramant un complot pour livrer (1605) la ville de Marseille aux Espagnols, et en se servant pour y parvenir des moyens que lui donnait le commandement de deux galères dans le port. Il s’ouvrit sur ses desseins à un forçat ; et bientôt le duc de Guise, gouverneur de la Provence, en fut informé par celui-ci. Un voyage qu’Alagon fit à Paris sous un vain prétexte, mais dans le but de se mettre en rapport direct avec l’ambassadeur d’Espagne, acheva de démontrer la vérité des avis que le duc de Guise avait donnés à la cour. On épia les déùarches d’Alagon ; et au moment où il était en conférence avec Bruneau, secrétaire de l’ambassadeur, ils furent arrêtés l’un et l’autre par le prévôt Defunctis. On trouva cachés, sous la jarretière du secrétaire, des papiers qui prouvèrent jusqu’à l’évidence la réalité du complot. Balthazar de Zuniga, ambassadeur d’Espagne, se plaignit au roi de la violation du droit