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miner les nombreux manuscrits coptes que la bibliothèque nationale avait reçus de celle du Vatican. Ces recherches lui firent découvrir une écriture jusqu’alors inconnue au monde lettré, l’écriture cursive copte, dont il donna la clef dans une lettre adressée à M. Silvestre de Sacy, et qui est insérée dans le Magasin encyclopédique, année 7, t. 5. Mécontent des changements politiques qui, à cette époque, eurent lieu dans la Suède, il se décida, quoiqu’il n’eût pas de fortune, à cesser toute relation avec sa patrie, et alla s’établir à Rome. Dans cette capitale, il eut le bonheur d’attirer sur lui, l’attention de la duchesse de Devonshire et de quelques autres amis des lettres et des arts, qui lui fournirent les moyens de se livrer sans réserve à ses travaux scientifiques. Akerblad mourut subitement à Rome, le 8 février 1819, à l’âge d’environ 60 ans, et y fut enterré près de la pyramide de Cestius. Son décès coïncida avec l’arrivée du grand-duc Michel de Russie, qui, depuis longtemps, l’honorait de son amitié particulière, et à qui il avait promis de servir de guide dans cette ville. Les ouvrages d’Akerblad, dont nous allons citer les plus remarquables, attestent la profonde connaissance qu’il avait des langues orientales ; quelques unes lui étaient même si familiere, q-u’il les parlait avec une grande facilité. 1° Inscriptionis phœnicæ oxoniensis nova Interpretatio Paris, an 10 (1802), in-8o. L’inscription expliquée dans cet ouvrage est une des vingt-trois épigrammes phéniciennes trouvées par Pockocke, et la même que Barthélemy a fait insérer dans le t. 50 des Mémoires de l’Académie des inscriptions et belles-lettres. Ce monument avait déjà longtemps exercé la sagacité des philologues, et fait naître une foule d’interprétations, lorsqu’Akerblad proposa la sienne ; elle différait essentiellement de celles qui l’avaient précédée, et obtint d’unanimes suffrages. 2° Lettre sur l’inscription égyptienne de Rosette, adressée à M. Silvestre de Sacy, Paris, an 10 (1802), in-8o. Akerblad fut un des premiers qui s’essayèrent à expliquer la célèbre inscription trigrammatique de Rosette, et il publia le résultat de son travail dans l’opuscule dont on vient de lire le titre. Il commence par rendre compte de la manière dont il a procédé ; c’est la même que Barthélemy avait employée pour découvrir l’alphabet palmyrénien, et dont M. Silvestre de Sacy a fait usage pour trouver celui des Perses du moyen âge. Il s’attacha premièrement à reconnaître les noms propres, trouva ensuite autour de chaque nom un groupe de mots, et parvint enfin a lire de suite une phrase entière. L’auteur donne, outre l’analogie de chaque nom et des mots de chaque groupe, un alphabet tiré de la comparaison des différents mots égyptiens qu’il a analysés[1], et termine sa brochure par la réponse de M. Silvestre de Sacy. Cet illustre savant, après avoir exposé modestement ses doutes sur quelques-unes des explications données par Akerblad, lui exprime de la manière la plus cordiale son admiration pour la sagacité et la patience avec lesquelles il a su lutter contre les difficultés sans nombre que présentait l’écriture du monument de Rosette[2]. 3° Notice sur deux inscriptions en caractères rustiques trouvées à Venise, et sur les Varanges ; avec les remarques de M. d’Ansse de Villoison (insérée dans le Magasin encyclopédiques, année 9,.t. 5 ). Cette notice, écrite d’abord en langue suédoise, et communiquée en 1800 à une société littéraire de Copenhague, qui la fit insérer dans le premier cahier du Musée scandinave de la même année, a pour objet d’appeler l’attention des savants sur deux longues inscriptions en caractères runiques qui se trouvent sur l’un des deux lions de marbre et de grandeur colossale placés à la porte de l’arsenal de Venise. L’auteur n’ayant osé entreprendre d’expliquer ces inscriptions, parce qu’il ne se croyait pas assez versé dans les anciennes langues du nord, s’est borné, dans son écrit, à citer quelques faits historiques relatifs au lion de marbre sur lequel elles sont tracées, et a donner deux dessins qui représentent ce monument sous différents points dé vue, et les traits les mieux conservés de l’écriture runique. Il se livre à une courte discussion sur l’origine des lettres runiques, sur les communications qui existaient entre les nations du nord et l’empire byzantin, et en conclut qu’il se pourrait bien que les deux inscriptions eussent pour auteurs les Varanges, dont il est si souvent question dans l’histoire de Byzance. À l’appui de cette conjecture, il présente quelques observations judicieuses sur l’origine si controversée de ces Varanges, appelés par les uns An-

  1. Depuis que les travaux du docteur Tomas Young, et surtout ceux de M. Champollion jeune, ont jeté une si vive lumière sur les différentes sortes d’écritures usités dans l’antique Égypte, on a presque oublié ce qu’on doit à Akerblatl. Il est pourtant incontestable que non-seulement il a fait le premier pas important dans la recherche des valeurs phonétiques des caractères démotiques et hiéroglyphiques de l’inscription de Rosette ; mais, ce qui est encore plus remarquable, c’est que ce savant modeste a posé des principes rigoureux dont s’est écarté le docteur Young et que M. Champollion seul a rétablis et développés. En effet, Akerblad avait découvert la plupart des caractères alphabétiques des Égyptiens dans l’inscription de Rosette, et, néanmoins, voici ce que Young écrivait en décembre 1819, dans le Supplément à l’Encyclapedia Britanica, vol. 4, p. 54 : « Mais aucun effort n’a pu faire découvrir un alphabet qui pût rendre cette incription « en général, ni rien qui pût aider à la transformer en langage « égyptien, quoique plusieurs des noms propres semblassent « s’accorder assez avec les formes des lettres indiquées par M. Akerblad. » L’erreur d’Akerblad consiste à avoir cru que tous les caractères hiéroglyphiques des inscriptions étaient phonétiques, ou des lettres, tandis que le docteur Young a eu le tort bien plus grave de penser que les signes idéographiques ne devenaient phonétiques que d’après l’artifice employé par les Chinois, c’est-à-dire, en indiquant, au moyen d’une marque convenue, qu’un groupe de caractères répond au son du mot dans la langue parlée, et non à la chose exprimée par ce groupe, ou à l’idée suscitée par le son articulé. Les panégyristes du docteur Young ont fait de vains efforts pour dissimuler le mérite incontestable d’Akerblad. Champollion a été plus loin que le philologue suédois, mais sans les travaux de celui-ci et les fausses conjectures de Young, il n’eut probablement pas réussi à fixer ses idées sur les alphabets de l’antique Égypte. C.-O.
  2. M. de Fortia, en expliquant le premier le passage de Clément, d’Alexandrie sur les trois écritures égyptiennes, a mis sur la voie ceux qui voudront s’en occuper à l’avenir. Il a prouvé que la première des deux traductions de l’inscription est écrite en caractères alphabétique, et la seconde en caractères démotiques. Les hiéroglyphes étaient des énigmes et ne pouvaient servir à traduire une inscription purement historique. Voyez l’écrit de M. de Fortia, sur les trois systèmes d’écriture des Égyptiens.