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roi, outre le traitement alloué à plusieurs d’entre eux comme chef militaires, touchaient ensemble une somme annuelle de 7,729,652 roupies (172,965,200 fr.). Nous renvoyons à l’Ayeen Akberi pour une foule d’autres détails curieux, mais qui ne peuvent trouver place ici. — Examinons maintenant Le règne d’Akbar au point de vue de la réforme religieuse qu’il essaya dans son empire. Houmajoun avait astreint l’enfance de son fils à l’accomplissement le plus strict des pratiques de la religion musulmane ; mais, par une réaction toute naturelle, l’esprit d’examen ne s’en développa que plus rapidement chez le jeune prince. L’islamisme ne satisfaisant qu’imparfaitement les vagues instincts religieux de son âme, il voulut connaître par lui-même toutes les autres religions, et se fit expliquer les dogmes de, chacune, depuis l’antique judaïsme, jusqu’à la foi nouvelle enseignée par Nanakh-Schah aux habitants du Pendjab, vers la fin du 13e siècle de notre ère. Un jésuite portugais initia l’empereur mogol aux mystères du christianisme. Mais quand il fallut s’enquérir de la croyance de ses propres sujets les Indous, la volonté d’Akbar vint se briser contre une résistance invincible. Les brahmanes avaient de tout temps gardé le plus profond secret sur les doctrines contenues dans leurs Védas, ou livres sacrés. La tolérance étant un des caractères principaux de leur croyance, ils n’admettaient point de prosélytes ; ils redoutaient de confier leurs préceptes à un conquérant qui, peut-être, voudrait les imposer par la force ; et certes la proposition suivante, énoncée par Aboul-Fazl dans un de ses écrits, n’était pas de nature à dissiper leurs craintes. « Lorsqu’un homme, dit Aboul-Fazl, s’élève à la connaissance de la céleste vérité, le ciel le revêt alors de la robe impériale, afin que, par la force, il contraigne l’humanité à entrer dans le droit chemin. » (Ayeen Akberi, t. 1, part. 3.) L’autorité d’Akbar n’ayant pu triompher de la détermination des brahmanes, il fallut user de ruse. « Il se concerta avec Aboul-Fazl, et l’on envoya dans la ville de Benarès un enfant nommé Feizi ; cet enfant, instruit du rôle qu’il devait jouer, se fit passer pour un pauvre orphelin de la tribu des brahmes. Cette fraude réussit, un brahmane instruit recueillit Feizi et l’éleva comme son propre fils. Au bout de dix années d’étude, le jeune adepte posséda la connaissance parfaite du sanscrit et de la religion de Brahma[1] ». L’authenticité de cette anecdote, que nous dépouillons des circonstances romanesques dont Al. Dow l’a entourée, reçoit un certain degré de confirmation de quelques passages de l’Ayeen Akberi, qui semblent y faire une allusion directe. Nous allons rencontrer maintenant un fait bien curieux pour ceux qui suivent avec quelque intérêt la marche de l’âme humaine dans ses chemins les plus caches. Akbar, qui avait passe tant d’années à chercher la meilleure des religions, tant pour lui que pour son peuple, finit par en créer lui-même une nouvelle, dont il fut le pontife. Quels étaient les dogmes de cette religion ? Nul ne peut le dire, car Aboul-Fazl lui-même n’en a rien révélé. Quant au culte extérieur, en voici les principaux préceptes : « Prier Dieu quatre fois par jour, à midi, à minuit, au lever et au coucher du soient adorer le soleil lui-même, car chacun doit glorifier son bienfaiteur, et par conséquent célébrer la source de tout bienfait, la fontaine de lumière. » Il fallait aussi s’abstenir entièrement de manger la chair des animaux. Les sectateurs de la foi nouvelle recevaient de l’empereur lui-même le skust de rédemption sur lequel étaient gravés ces mots : Allah Akbar (Dieu grand). Quand deux disciples s’abordaient, l’un prononçait ces mots : Allah Akàar ! et l’autre répondait : Djelle-Djellal-hoo ! toute-puissante est sa gloire (Djellal était un des noms d’Akbar). Il paraitrait, d’après Aboul-Fazl lui-même, que cette tentative aboutit seulement à faire considérer Abkar comme blasphémateur et impie par ses anciens coreligionnaires, qui déjà regardaient comme sacrilège l’abolition de l’ère de l’hégire. Observons, en passant, que nous avons dégagé l’exposé qui précède de l’exagération tout orientale d’Aboul-Fazl, qui, pour, mieux louer son maître, va jusqu’à lui attribuer des miracles nombreux. — Akbar protégea les savants, les artistes, les écrivains. Voulant enrichir la littérature de son pays par la connaissance d’ouvrages étrangers, il fit traduire en langue persane ou indoue les Tables astronomiques d’Ouloug-Beg, les Commentaires de Baber, l’Histoire du Cashmir, et d’autres ouvrages importants. Le Fakrang Djehanguri, dictionnaire persan, dont se servit le docteur Hyde vers la fin du 17e siècle, fut entrepris par ordre d’Akbar, mais ne fut achevé que sous son fils Djehanguyr, dont l’ouvrage a retenu le nom. (Voy. Anquetil-Duperron, Zend-Avesta, t. 1.) Aboul-Fazl a écrit une histoire d’Akbar, et l’a conduite, pour ainsi dire, jusqu’au jour où il tomba sous un poignard inconnu. Cette histoire porte le nom d’Akbarnamma. Francis Gladwin en a traduit la partie statistique et scientifique sous le nom de The Ayeen Akberi or Institutes of emperor Akbar, 3 vol. in-4o, Calcutta, 1783. Cette édition, dont le seul exemplaire que possède la bibliothèque royale provient de la collection de fou M. Langlès, est indiquée comme très-rare par une note autographe de, celui-ci, placée sur la garde blanche du t. 1er. A. V-u.


AKBÉH-BEN-NAFY, gouverneur arabe d’Afrique, pour le calife Moawyah, fit une guerre cruelle aux Chrétiens, étendit au loin la domination des Arabes, et bâtît la forteresse de Raï Couan, pour contenir la nation africaine des Berbers, dont l’esprit remuant donnait de l’inquiétude aux califes. Akbéh fut cependant destitué par le gouvernement d’Égypte, dont il dépendait alors ; il se rendit aussitôt à Damas pour implorer la justice de Moawyah, mais il ne fut rétabli dans son gouvernement que sous le successeur de ce prince. Il passa alors en Afrique, où les Grecs possédaient encore quelques places. Akbéh leur prit d’assaut la ville de Bugie, et les tailla en pièces dans une grande bataille. Trop faibles pour

  1. History of Hindoustan, by Alex Dow, t. 1er. Dissertation p. 26