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notes. On a aussi de lui quelques écrits de controverse, dont le titre ne mérite pas d’être rappelé. S-d.


AINSWORTH (Robert), grammairien anglais, né en 1660, à Woodyale, dans le comté de Lancastre, dévoua la plus grande partie de sa vie à l’instruction de la jeunesse. On lui doit un excellent Dictionnaire latin-anglais, qu’il entreprit en 1714, et qu’il composa sur le plan du Dictionnaire latin-français de Claude Fabre ; ce Dictionnaire fut publié en 1736, et réimprimé en 1773, avec des additions considérables, par Th. Morell. Il en parut une nouvelle édition à Londres, en 1776, in-4o, dans laquelle on profita du travail de Th. Morell. On en a fait depuis un bon abrégé. Robert Ainsworth est aussi l’auteur d’un Petit Traité d’institutions grammaticales, assez estimé, et de quelques poésies latines et anglaises. Il mourut en 1743. X-n.


AIOUB-BEN-CHADY (Nedjm Eddyn), père de Saladin (voy. ce nom), et chef des Aioubites d’Égypte, était Curde d’origine, et de la célèbre tribu de Roudyah. Son père, nommé Chady, dut sa fortune à Behrouz, gouverneur de Bagdad, qui lui confia le gouvernement de Tekryt. Aïoub succéda à son père dans ce gouvernement ; mais, ayant été forcé de l’abandonner, il se retira auprès du célèbre Zenki (voy. Sanguin), qui, se rappelant qu’Aïoub avait exercé généreusement envers lui les devoirs de l’hospitalité, le combla de bienfaits, et lui confia le gouvernement de Balbek, dont il venait de s’emparer. Aïoub y fut bientôt assiégé par le prince de Damas, l’atabek Atsec, et obligé de lui livrer la place, recevant en échange quelques terres dont Atsec lui garantit la possession. Il habita depuis cette ville, jusqu’à ce que son fils Saladin fût revêtu en Égypte de la dignité de vizir du calife Adhed. Alors Saladin fit venir son père près de lui. Aïoub fit son entrée au Caire en 565 de l’hégire (1169). Ce fils respectueux le reçut avec les plus grands honneurs, et le calife, pour marquer sa bienveillance envers son vizir, alla à sa rencontre. Saladin voulut se démettre de sa dignité, à l’arrivée de son père, pour la lui conférer ; mais Aïoub s’y refusa, et mena une vie tranquille auprès de Saladin, jusqu’à sa mort, dont une chute de cheval fut la cause, en 568 de l’hégire (1175). Cette perte fut très-sensible à Saladin : il fit placer le cercueil d’Aïoub dans le palais impérial, à côté de celui de Chyrkouh ; et, quelques années après, ce cercueil fut transporté à Médine. J-n.


AIRAULT. Voy. Ayrault.


AISSE (mademoiselle). née dans la Circassie en 1693 ou 1694. De grands malheurs, et une réunion de circonstances romanesques, ont rendu sa vie remarquable et sa personne célèbre. Elle fut vendue à l’âge de quatre ans (1698) au comte de Ferriol, ambassadeur de France à Constantinople, pour la somme de 1500 livres. Le marchand qui la vendit disait l’avoir trouvée entourée d’esclaves, dans un palais d’une ville de Circassie, pillée par les Turcs, et la croyait fille d’un prince. Elle était belle, et d’une beauté touchante. Le comte la ramena en France, et la confia à sa belle-sœur, madame de Ferriol ; tous les soins furent prodigués à son éducation : on n’oublia que des principes. Faite pour connaître et pour aimer la vertu, la jeune Circassienne ne revint à elle qu’après de longues erreurs. Elle fut séduite par le maître auquel elle devait tout. Ce maître avait des mœurs dépravées, et il abusa de l’ascendant que lui donnaient ses bienfaits sur son esclave. Quoique l’éditeur des lettres de mademoiselle Aïssé s’abstienne de cet aveu, tous ceux qui vécurent de son temps ont eu la même opinion, et on doit l’en croire elle-même, lorsqu’elle dit, dans un passage de l’une de ses lettres : « Ma mauvaise conduite m’avait rendue misérable ; « j’ai été le jouet des passions, emportée et « gouvernée par elles. » La femme qui n’aurait eu à se reprocher qu’un amour si constant pour le chevalier d’Aidic n’aurait pas ainsi parlé de sa vie. Cependant cette même femme, dont la jeunesse avait été entraînée dans le vice par l’exemple et les maximes d’une société dangereuse, sut résister aux hommages et aux offres brillantes du duc d’Orléans, régent, qui en devint amoureux pour l’avoir vue une fois chez madame de Parabère ; et les persécutions de madame de Ferriol, complice des projets du prince, ne purent l’intimider ni la vaincre. Ce ne fut pas le seul trait de bassesse de madame de Ferriol. Lorsque l’ambassadeur, dont les torts étaient effacés, aux yeux de mademoiselle Aïssé, par le souvenir de ses bienfaits et par l’image de son danger, eut reçu d’elle, dans la maladie dont il mourut, des soins tels qu’une fille eût pu les rendre à son père, il l’en récompensa par 4,000 livres de rente viagère, et une assez forte somme qui devait être payée après sa mort. Madame de Ferriol reprocha ce dernier bienfait à celle qui en était l’objet. Aïssé, d’un caractère naturellement noble et délicat, lui offrit d’y renoncer, et cette femme avare eut l’indignité d’accepter. Parmi beaucoup d’hommes qui montrèrent de l’amour pour mademoiselle Aïssé, le chevalier d’Aidic fut le seul qu’elle distingua ; elle l’avait connu chez madame du Deffant. Cette passion fit le sort de sa vie, dont elle occupa une grande partie. Le chevalier avait prononcé ses vœux à Malte, il voulut tenter de s’en faire relever pour épouser sa maîtresse ; elle-même s’y opposa, à ce qu’elle nous apprend dans ses lettres, et Voltaire le confirme par une note qui se trouve dans le précis avant ces mêmes lettres. Elle eut du chevalier une fille, dont elle accoucha en Angleterre. Lady Bolingbroke, nièce de madame de Maintenon, connue d’abord sous le nom de madame de Villette, rendit alors les plus grands services à mademoiselle Aïssé, et plaça sa fille dans un couvent de France, sous le nom de miss Black. C’est à cette époque que commencèrent les remords d’une femme faible, mais capable de grands sacrifices. Une maladie de langueur décida son retour vers la religion ; elle aima tant qu’elle vécut : mais, en se reprochant son ancien amour, elle exigea du chevalier d’y renoncer, et de ne plus la regarder que comme une amie. La résistance qu’elle avait opposée aux tentatives du régent n’était rien en comparaison de cet effort, c’était l’homme aimé qu’elle éloignait d’elle ; et c’est alors qu’elle écrivit à madame de Calandrini : « Qu’il faut de force pour