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AIM

AIMERIC DE SARLAT naquit, dit son biographe provençal, dans un riche bourg du Périgord, et fut d’abord jongleur. Le talent remarquable avec lequel il chantait ou déclamait les vers lui acquit un grand renom comme interprète intelligent et pathétique des troubadours et des dames qui s’exerçaient dans la paye science. Une étude attentive des maîtres développant en lui des dispositions naturelles, il devint poëte lui-même et prit rang parmi les troubadours. Il ne nous que trois de ses compositions ; « mais elles suffisent, dit M. E. David, pour placer leur auteur au rang des troubadours les plus distingués par la finesse de leur esprit, la précision et l’harmonie du styles. » On y retrouve, en effet, ces ingénieuses et vives, ces sentiments élevés et délicats ; ce style élégant et léger, ces expressions pittoresques et musicales, cet accord harmonieux des tons et du rythme avec les idées qui caractérisent les productions de la muse occitanienne. La strophe suivante donnera une idée de la manière d’Aimeric : elle offre une comparaison charmante et un bel exemple d’harmonie imitative :

Aissi muev mas chansos

Com la laureta fai,
Que poian aui s’en vai
E de sus deisen jos ;
Pucis pausa s’en la via
Chantan

Ainsi s’élance ma chanson,
Comme fait l’alouette,
Qui, battant de l’aile, en haut s’élève,
Et d’en haut redescend,
Puis sur le chemin se pose

En chantant

[1]

Ne voit-on pas s’élever la chanson légère et comme l’alouette redescendre en chantant ? Dans cet autre exemple où la pensée est respectueuse et triste, la marche du vers est lente et l’image prend un air de majesté :

E m sui cubertz de ma granda tristor,

E trac l’afan de las penas d’amor,
E vauc ves tal, franc e obedien,
Que ja per-mi non sabra mon talen.

Enveloppe de ma grande tristesse,
Je traîne le tourment des peines d’amour,
Et je viens, franc et obéissant, vers celle

Qui jamais de ma bouche ne connaîtra mon désir.

[2]

la pièce à laquelle nous avons emprunté notre première citation finit par deux envois : l’un s’adressait à un troubadour couronné, à don Pedro II, roi d’Aragon, prince brillant, chevaleresque, protecteur généreux des poëtes ; l’autre à Guillaume VIII, vicomte de Montpellier et gendre de don Pedro. Aimeric de Sarlat vivait dans la seconde moitié du 12e siècle et au commencement du 13e ; il appartient par conséquent encore à la belle époque de la poésie. provençale : mais sur la fin de sa carrière, une nouvelle invasion de barbares, l’affreuse guerre des Albigeois, amène une décadence rapide, et cette brillante fleur du génie méridional languit, perd la grâce aimable et riante de ses couleurs primitives, et meurt. Ce qui nous reste de ce troubadours a été recueilli par Raynouard dans le Choix, etc. ; et par Roghegude dans le Parnasse occitanien C. W-r.


AIMERIC MALÉFAYDA, ou de MALFÈAYE, patriarche de l’Église d’Antioche, naquit au commencement du 12e siècle ; dans le bourg St-Viance, en bas Limousin, et se voua de bonne heure à l’état ecclésiastique. Son zèle et ses vertus l’ayant fait remarquer en Orient, dans la croisade qu’avait publiée Urbain II, il fut élu doyen, puis patriarche d’Antioche en 1142. Il travailla à la réformation des ermites Mont-Carmel, les rassembla en une congrégation et leur donna une règle. Sa réforme fut confirmée en 1180 par le pape Alexandre III, C’est de là que sont venus les carmes, dont St. Berthold, frère d’Aimeric, fut le premier général. Ce patriarche, quï’Alexandre III avait nommé légat du Saint-siége en Orient, mourut en 1187. Nous avons de lui : 1° de Institutions primor. monachor. in lege veteri exortorum, et in nova perseverantium, au 3° volume de la Bibliothèque des Pères. Ce livre, dans lequel l’auteur veut prouver que le prophète Élie est le fondateur des carmes, est la traduction d’un ouvrage faussement attribué a Jean de Jérusalem, au 5e siècle. 2° La Prise de Jérusalem par Saladin. 3° Epistola ad Hugonem Eterianum, dans le t. 1er du Trésor de dom Martenne. T-d.


AIMERICH (le P. Matthieu), savant philologue, naquit en 1715, à Bordil, dans le diocèse de Girone. À dix-huit ans, il embrassa la règle de St. Ignace, et, après avoir terminé ses études, professa la philosophie et la théologie dans divers collèges de son ordre. Il fut fait ensuite recteur à Barcelone, puis à Cervera, et enfin chancelier de l’université de Gandia. Il se trouvait à Madrid, où il était venu surveiller l’impression des ouvrages de deux de ses confrères[3], lorsque parut le décret qui prononçait l’expulsion d’Espagne de tous les jésuites. Conduit sur le bâtiment qui devait le transporter en Italie, il se montra plein de résignation, dit un témoin oculaire (le P. Caballero), et pendant toute la traversée, il ne s’occupa que de consoler ses compagnons d’infortune dont plusieurs étaient âgés et infirmes. Le P. Aimerich s’établit à Ferrare ; et ce fut dans son exil qu’il composa les ouvrages qui lui assurent un rang distingué parmi les philologues et les critiques du 18e siècle. Ce qu’il y a de remarquable, c’est qu’il rédigea ces ouvrages, si riches d’érudition, sans autre secours que celui de la bibliothèque publique, et encore, suivant la Serna, ses infirmités précoces ne lui permettaient-elles pas de la fréquenter régulièrement. (Catalogue de la

  1. Trad. de M. E. David.
  2. Trad. de M. E. David.
  3. La Chronique d’Idace (voy. ce nom) avec des notes du P. Garzon et l’histoire naturelle de la Catalogne, écrite dans le dialecte de cette province, par le P. Gil, et traduite du catalan en espagnol par le P. Aimerich. Ces divers ouvrage sont restés inédits.