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était rare alors, l’alternative des rimes masculines et féminines y est exactement observée. Elle parut en 1582, in-4o, et fut réimprimée l’année suivante, in-8o, avec le texte latin : on trouve, à la suite, la traduction du Morelum, et de quelques autres pièces attribuées à Virgile. La traduction d’Horace des frères d’Aignaux n’a pas le même mérite ; l’esprit, l’élégance et la grâce du favori de Mécènes y manquent absolument. Cette version parut en 1588. On a encore des même quelques poésies diverses, imprimées à la suite d’un recueil de vers à leur louange, publié par leur compatriote Sallières, en 1 vol. in-12. L. R-e.


AIGREFEUILLE (Charles d’), docteur en théologie, et chanoine de l’église cathédrale de Montpellier, vivait au milieu du 18e siècle. Il a laissé : 1° Histoire de la ville de Montpellier, depuis son origine, 1737, in-fol.; cet ouvrage est divisé en 20 livres ; il est estimable, quoiqu’il ne soit guère connu que dans le pays à la gloire duquel il a été entrepris. 2° Histoire ecclésiastique de Montpellier, 1739, in-fol.; ce volume fait suite au précédent. Dans les 13 livres de cet ouvrage, l’auteur donne la suite des évêques de Montpellier, l’histoire de ses églises, de ses monastères, de ses hôpitaux, de ses cottages et de son université. La famille d’Aigrefeuille, qui possédait en Languedoc la terre de ce nom, a donné des hommes distingués au clergé et à la magistrature. A. B-t.


AIGREFEUTLLE (Fernand-Jean-Joseph-Hyacinthe d’), conseiller d’État, premier président de la cour des aides de Montpellier, naquit en cette ville le 26 février 1700. La maison d’Aigrefeuille établie en Languedoc s’était divisée en plusieurs branches, dont une seule subsistait au commencement du 18e siècle. De l’une, de ces branches éteintes était sorti l’abbé d’Aigrefeuille, chanoine de la cathédrale de Montpellier, et auteur d’une histoire civile et ecclésiastique de cette ville (voy. l’article précéd.) Les ancêtres de Joseph-Hyacinthe s’étaient voués constamment à la magistrature ; l’on voit en 1595, Pierre d’Aigrefeuille, bisaïeul d’Hyacinthe, conseiller en la cour des comptes de Montpellier : son aïeul occupa le même poste, et brilla beaucoup dans sa province par la délicatesse et l’agrément de son esprit. Enfin, son père, Jean-Pierre d’Aigrefeuille, fut un magistrat d’un mérite rare. Ses services.lui valurent, en 1736, un brevet de conseiller d’État ; et il mourut président honoraire de la cour des aides de Montpellier. Hyacinthe d’Aigrefeuîlle descendait par sa mère du fameux Jean Duché, chancelier de la faculté de médecine de cette même ville. Après avoir fait de brillantes études et soutenu avec distinction toutes les épreuves alors exigées d’un jeune magistrat, le jeune d’Aigrefeuille obtint, en 1720 la survivance de la charge de président de la cour, dont son père était revêtu. Il n’avait alors que vingt ans ; et, comme il jouissait d’un grand loisir il alla passer trois années a Paris, où il s’adonna avec ardeur à la science métallurgique. De Boze, l’abbé Fraguier, l’abbé Fauvel, dom Bernard de Montfaucon devinrent ses amis, et furent ses guides dans cette science. Rappelé dans sa patrie en 1721 par son père, qui se démit la même année de sa charge de président, Hyacinthe d’Aigrefeuille en prit alors possession, et se fit remarquer par l’assiduité avec laquelle il remplissait ses fonctions. Les discours qu’il prononça aux ouvertures des audiences et dans d’autres occasions lui donnèrent la réputation d’un magistrat éloquent. Possesseur d’une riche bibliothèque formée par son père, il l’augmenta de précieuses richesses métallurgiques, d’abord par l’acquisition du cabinet du P. Vanière, sl connu par son Prædium Rusticum ; il grossit beaucoup ce trésor savant, et composa sur des médailles, plusieurs dissertations, qui sont restées manuscrites et qui lui valurent, en 1761, le titre d’académicien honoraire de Montpellier. En 1768, dans un voyage qu’il fit à Paris, il y prit place, en la même qualité, dans l’Académie des sciences. Depuis seize ans, il exerçait la première présidence de sa compagnie, lorsqu’il mourut le 30 août 1771, après cinquante deux ans de magistrature. — Aigrefeuille (marquis d’), fils du précédent, né vers l’année 1745, était chevalier de Malte et procureur général à la cour des aides de Montpellier. Il tenait dans cette ville table ouverte, et passait déjà pour un gastronome aussi aimable que savant dans l’art de bien vivre. Lorsque la révolution éclata, il eut le bonheur t’échapper à la proscription. Cambacérès, devenu second consul après le 18 brumaire, se rappela avec reconnaissance l’accueil bienveillant qu’il avait reçu du marquis d’Aigrefeuille, lorsque lui-même n’était qu’un simple conseiller, fort pauvre, à la cour des aides de Montpellier. Il admit son ancien procureur général dans le petit cercle d’amis qui formaient sa société intime. D’Aigrefeuille devint en quelque sorte le maître d’hôtel et des cérémonies de cette petite cour, où l’on se piquait de rappeler les manières de l’ancien régime, et surtout de savourer avec une savante recherche les plaisirs de la table. Il devint bientôt célèbre dans les annales de la gastronomie. C’est à lui que Grimod de la Reynière a dédié la première année de son Almanach des Gourmands, « comme à l’homme aimable qui possédait l’art si difficile et si peu connu de tirer le meilleur parti possible d’un excellent repas[1]. » D’Aigrefeuille aimait la bonne chère, mais il l’aimait en convive délicat ; il découpait a merveille, et possédait surtout le talent de laisser tomber, comme involontairement, dans un coin du plat, le meilleur morceau de la pièce qu’il s’était charge de dépecer. On raconte à ce propos qu’un jour Cambacéres, qui n’était pas moins friand, lui demanda la queue d’une carpe, parce que d’Aigrefeuille avait l’habitude d’y cacher nous ne savons quelle partie de ce poisson, et qui en est, dit-on, le morceau le plus délicat. Si Comus était la divinité favorite de d’Aigrefeuille, son culte pour ce dieu ne l’absorbait pas tout entier, il était rempli d’obligeance et ne refusait des services

  1. Grimod de la Reynièœ dans les autres volumes de son Almanach se plait à citer en exemple le marquis d’Aigrefeuille.