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pris dans une embuscade, le patriarche et les généraux de l’armée élurent d’Agrain vice-roi d’Acre ; et les succès qu’il obtint contre le soudan d’Égypte le firent surnommer l’épée et le bouclier de la Palestine. — Hugues d’Agrain, son petit-fils, se fit remarquer dans une ambassade au Caire, qui lui fut confiée en 1182, par Amaury, roi de Jérusalem ; au rapport de Guillaume de Tyr, il s’y conduisit avec une habileté au-dessus de son âge, et parvint à conclure un traité de paix avec le calife. Ses descendants se sont alliés aux maisons souveraines. Julien, le septième d’entre eux épousa, en 1233, la fille du roi d’Arménie. Cette famille, originaire du Vivarais, obtint le privilège de porter l’épée nue à la procession de la fête de Notre-Dame-du-Puy, en mémoire des services qu’elle avait rendus à l’Église en Orient, et des reliques qu’elle avait envoyées à la métropole du Velay. Deux branches de cette ancienne maison existent encore. O-n.


AGRAZ (Antoine), né à Palerme en 1640, et mort en 1672, était d’origine espagnole et fils d’Alphonse Agraz qui avait exercé en Sicile une charge de magistrature. Son savoir lui obtint l’amitié de Pierre d’Aragon, vice-roi de Naples, et des papes Clément IX et X. Il n’a publié que deux ouvrages latins peu importants : l’un est un discours adressé au pape Clément X, au nom du roi d’Espagne Charles II, et de la reine, Rome, 1671 : l’autre est intitulé : Donativum volutarium politicum, dialribe, Romæ, 1672, in-4o. Il a laissé plusieurs autres ouvrages non imprimés, dont on peut voir les titres dans la Biblioheca Sicula de Mongitore, G-é.


AGREDA (Marie d’), de la famille Coronel, qui tout entière embrassa l’état religieux. Le père de Marie (François Coronel) et ses deux frères prirent l’habit de St-François. Sa mère (Catherine Arena) et sa sœur firent profession dans un couvent que cette famille fonda, en 1619, à Agreda, ville d’Espagne, sur les frontières d’Aragon, pour obéir à une prétendue révélation. Marie, née en 1602, y fit ses vœux en 1620, le même jour que sa mère, et fut élue supérieure sept ans après. Depuis ce temps, elle crut avoir de fréquentes visions, dans lesquelles Dieu et la Ste. Vierge lui donnaient l’ordre réitéré d’écrire la vie de la Mère de Dieu. Marie d’Agreda résista pendant dix années à ces ordres ; enfin elle commença à les exécuter ; mais un prêtre, qu’elle consulta en l’absence de son confesseur ordinaire, l’engagea à jeter ses écrits au feu : ce dernier lui fit recommencer son travail mystique. Dieu et la Ste. Vierge lui réitérèrent en songe le même commandement, et Marie Agreda acheva enfin, en 1655, la Vie de la Ste. Vierge. Cet ouvrage singulier, divisé en huit livres, fut imprimé à Lisbonne, à Madrid, à Perpignan et à Anvers. Marie d’Agreda y raconte qu’aussitôt que la Vierge fut venue au monde, Dieu ordonna aux anges de transporter cette aimable enfant dans le ciel empyrée ; qu’il assigna cent anges de chacun des neuf chœurs pour la servir ; qu’il en destina douze autres pour être toujours auprès d’elle, en forme visible et corporelle, et encore dix-huit, des plus distingués, qui descendaient par l’échelle de Jacob pour faire les ambassades de la reine au grand roi. Dans le 20e chapitre, elle fait le récit de ce qui arriva à la Vierge pendant les neuf mois qu’elle fut dans le sein de sa mère Anne ; elle raconte ensuite qu’avant l’âge de trois ans, Marie balayait la maison avec l’aide des anges, etc. Le 15e chapitre contient une foule de détails indécents qui offensent la pudeur. Du reste, ce roman, tout bizarre qu’il est, ne laisse pas d’être assez bien tissu, et même élégamment écrit. Le P. Thomas Crozet, récollet, en traduisit la première partie en français, sous le titre suivant : la Mystique Cité de Dieu, miracle de la Toute-Puissance, abîme de la grâce, Histoire divine de la Vie de la très-sainte Vierge Marie, mère de Dieu, notre reine et maîtresse, manifestée dans ces derniers siècles par la Ste. Vierge, à la sœur Marie de Jésus, abbesse du couvent de l’Immaculée Conception de la ville d’Agreda, et écrite par cette même sœur, par ordre de ses supérieurs et de ses confesseurs, Marseille, 1696. Cette traduction causa de vifs débats dans le sein de la Sorbonne à Paris : quelques docteurs prirent la défense de l’ouvrage ; d’autres le condamnèrent et rendirent leurs censures publiques ; ce qui irrita leurs adversaires au point qu’il firent paraître en 1697, à Cologne, un pamphlet sous ce titre : Affaire de Marie d’Agreda, et la manière dont on a cabalé en Sorbonne sa condamnation. L’auteur anonyme dit que les partisans de la censure, dont il dévoile les trames, traitèrent leurs adversaires d’Agredins, et il ajoute que c’est pour favoriser l’imprimeur que quelques docteurs séduits condamnèrent l’ouvrage. « Car, dit-il, pour faire vendre un livre, il suffit qu’on le veuille condamner : chacun y court comme au feu. » Du reste, l’auteur défend toutes les folies que le cerveau malade de la religieuse visionnaire avait enfantées. Le Journal des Savants année 1696, et Bayle, traitent longuement de ce procès qui mérite aujourd’hui peu d’attention. Il suffit d’ajouter que le parti de la censure et du bon sens triompha, et que la condamnation des rêveries de Marie d’Agreda ne fut point révoquée, malgré les efforts que fit l’ambassadeur d’Espagne pour sauver l’honneur de la religieuse inspirée. Marie d’Agreda mourut le 25 mai 1665. Son ouvrage fut censure à Rome en 1681 ; mais la publication du décret fut suspendue en Espagne, où ce livre avait été approuve, et même la congrégation de l’Index en permit la lecture dans ce royaume, en 1729. La traduction de la Mystique Cité de Dieu, etc., par le P. Crozet, a été réimprimée à Bruxelles, 1715, 3 vol. in-4o ; 1717, 8 vol. in-8o. Bossuet a fait quelques remarques sur cet ouvrage ridicule, et il en a relevé les indécences. D-g.


AGRICOLA (Cnæus Julius), consul et général romain, immortalisé par son gendre Tacite, et digne en effet d’avoir un tel historien, par la réunion qu’il offrit en sa personne, de la plus sage politique jointe à la plus brillante valeur, et d’un caractère aussi aimable que son âme était élevée. Petit-fils de deux procurateurs des Césars, fils d’un sénateur, Agricola reçut le jour au sein de l’illustre et ancienne colonie