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lent : et la gouvernement lui-même fit preuve de justice et de discernement en le nommant professeur de langue arabe au collège de Louis-le-Grand[1]. Plusieurs sociétés savantes, qui l’avaient accueilli, réclamaient une grande partie de ses veilles, et cependant il sut encore trouver le temps de faire une traduction de l’antique Bidpaï, qu’il voulait publier avec un texte plus pur et plus complet que tous ceux qui avaient déjà paru. Un travail forcé avait porté atteinte à sa santé ; mais l’espoir de retirer quelque gloire de ses nombreuses recherches était un grand allégement à ses souffrances. Il comptait sur le traitement de sa chaire de professeur pour livrer ses manuscrits à l’impression, lorsqu’il fut destitué en 1831, et réduit à une très-modique pension. Les démarches de ses amis, ses réclamations faites au nom de la science, rien ne put ébranler la décision du ministre des affaires étrangères. Une injustice si odieuse lui porta un coup mortel : il quitta Paris avec sa femme, fille du brave colonel Pierre, et un jeune enfant d’une mauvaise santé ; il se rendit à Marseille pour chercher des consolations auprès de son frère, négociant de cette ville ; mais il ne put résister au violent chagrin qui le rongeait, et il mourut dans les premiers jours d’octobre 1832. Les derniers accords de sa lyre, adressés à M. Casimir Delavigne et à M. de Pongerville, retentirent encore une fois dans l’enceinte de la société Philotechnique, dont il était un des principaux membres. Une notice bibliographique complète sur Agoub serait impossible : écrivant dans presque tous les journaux scientifiques, dans les revues périodiques, notamment dans la Revue encyclopédique, dans le Journal de la société asiatique, dans le Bulletin universel des sciences, publié sous la direction de M. le baron de Férussac, etc., il a peu fait imprimer à part ; nous renvoyons à ces différents recueils, et nous nous contenterons de donner ce que nous avons pu recueillir : 1o  Discours historique sur l’Égypte, Paris, 1823, in-8o ; c’est l’introduction à l’Histoire d’Égypte (sous Mohammed-Ali, par Félix Mengin) Paris, 1823, 2 vol. in-8o, tirée à part à cinquante exemplaires. 2o  La Lyre brisée, dithyrambe à madame Dufresnoy, 1re et 2e édition, 1825, in-8o. Ce poème a été traduit en vers arabes (et imprimé il y a quelques années, in-8o) par le cheik Refaha, savant professeur du Caire, qui était venu à Paris, ou il s’était fait le disciple d’Agoub. C’est le premier poëme français qui ait été traduit en vers arabes. 3o  Dithyrambe sur l’Égypte (Revue encyclopédique, 1820, octobre). Par ce poëme et par la Lyre brisée, Agoub s’était placé entre les premiers poëtes français de notre âge. 4o  Discours sur l’expédition des Français en Égypte, considérée dans ses résultats littéraires (introduction au Journal de l’expédition anglaise, par le capitaine T. Wals, 1823, in-8o). 5o  Les Derniers Moments. élégie (Mercure, 1823). 6o  La Pauvre Petite, élégie (Roses Provençales, 1824). 7o  Maouls arabes, chants qui ne consistent qu’en une seule strophe, à la fois érotiques et élégiaques, qui tantôt se rapprochent de la romance française et tantôt revêtent la couleur anacréontique : on n’y trouve presque jamais qu’une idée, qu’une image, ou qu’un sentiment (imprimés dans le Journal Asiatique). Agoub se proposait de publier un recueil de ces petits poëmes, avec le texte en regard et des notes critiques ; il désirait que notre littérature s’appropriât quelques-unes des richesses poétiques de l’Asie : « Elle y puiserait, disait-il, comme à une source vierge encore, une série féconde de sentiments et de pensées, d’images et d’expressions ; elle s’y empreindrait surtout de ce charme oriental qu’on ne sait pas définir, mais qui semble rajeunir nos idées, en les dépouillant un moment des tortues d’une civilisation trop mûrie. » 8o  Le Sage Heycar, conte arabe, traduit et inséré dans les Mille et une Nuits, de Gaultier, 18235-1824. 9o  Des règles de l’arabe vulgaire (Journal de la société asiatique, juin 1826 ; vingt-cinq exemplaires à part). Son beau travail sur Bidpaï était terminé et devait former deux volumes in-8o. Il est à désirer que cet ouvrage ne soit pas perdu pour notre littérature. Nous n’avons que la traduction très-incomplète de Galland et de Cardonne. (Voy. Cardonne.) C’est sur sa traduction, précédée d’un savant discours préliminaire, qu’Agoub fondait son premier titre à une renommée durable. On a publié à Paris, en 1835, les ouvrages d’Agoub que nous venons de citer, un vol. in-8o, qui contient, en outre : la traduction des Maouls arabes, dont une grande partie était inédite ; un Coup d’œil sur l’Égypte ancienne, ou Analyse raisonnée du grand ouvrage sur l’Égypte ; les Derniers moments, élégie ; l’Étrangère ; l’Avènement de Louis Philippe Ier, etc. F-A et V-ve.


AGOULT (Guillaume d’). gentilhomme et poëte provençal du 12e siècle, mourut en 1181. « Il étoit, dit Duverdier, excellent en savoir et honnêteté exemplaire et vrai censeur, en toute sa vie, benin et modeste. » Il épousa Jausserande de Lunel, à la louange de laquelle il fit maintes chansons qu’il adressa à Ildephonse, premier du nom, roi d’Aragon, prince de Provence et comte de Barcelone, de la maison duquel il était premier gentilhomme. Il se plaignait que, de son temps, on n’aimait plus comme on devait, et fit à ce sujet un traite intitulé : la Maniera d’amar del temps passat. Il y dit que nul ne doit être prisé, s’il n’a l’amour en singulière recommandation. Ses œuvres ne sont point imprimées. La famille Agoult existe encore dans le Dauphiné et la Provence. A. B-t.

  1. C’est dans cet établissement célèbre, que, sous la direction de M. Jomard, de jeunes Égyptiens envoyés en France par le vice-roi Méhémet-Ali retrouvèrent dans Agoub le savant professeur qui, déjà leur avait fait au cours de grammaire raisonnée a l’école égyptienne, rue de Clichy. Il continua de leur exprimer, en arabe et en français, la théorie des deux grammaires, et de leur démontrer par le raisonnement, d’après les principes de la grammaire générale, les règles de notre langue lorsqu’elles n’avaient pas leur analogie dans la syntaxe arabe. Cette méthode obtint de prompts résultats. Un des élèves d’Agoub ne tarda pas à traduire la Vie des plus illustres philosophes de l’antiquité, attribuée à Fenclon ; un autre, le cheik Refaha, traduisit les Élements de géométrie par Legendre, et fit imprimer une version en vers arabes du meilleur poëme de son professeur, la lyre brisée. C’est ainsi qu’Agoub a contribué au grand ouvrage le la régénération des sciences et des lettres, qui s’étaient éteintes dans leur premier berceau V-ve.