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conduisait au jardin, une autre inscription était gravés sur la pierre en lettres à l’antique avec des feuilles dorées entrelacées : Rien sur L n’a regard ! L’esprit de ce rébus, c’est qu’il contenait le nom expressif excessif de Surelle. Mais serait-il pour cela permis de crois que Charles VII ne jouissait pas seul du cœur de la belle Agnès ? N’était-ce point la de la reconnaissance plutôt que de l’amour ? Étienne Chevalier avait été le confident de la passion du roi, et, par l’ordre même de Charles VII, il avait longtemps accompagné Agnès dans le séjour qu’elle fit a Loches et dans ses excursions au château de Beauté. Séduit par le caractère et les charmes de la belle des belles, accablé des bontés d’un femme naturellement généreuse et même prodigue, il avait éprouvé pour elle cette amitié exaltée qui, de l’admiration, conduit traîtreusement à l’amour, mais dont l’heureuse Agnès, enivrée de la poésie des grandeurs et du luxe, pouvait fort bien ne pas partager l’erreur. D’autre part, le jugement tout naïf que quelques-uns ont porté sur sa vertu contraste singulièrement avec celui des détracteurs de sa fidélité. ─ Jean Chartier, qui a d’ailleurs fourni des documents précieux à l’histoire de cette époque, prétend, lui, que Charles VII ne nourrissait pour la demoiselle de Fromenteau qu’un amour purement platonique. Il explique très-sérieusement comment il a interrogé les personnes qui fréquentaient la cour pendant le règne d’Agnès, et comment elles lui ont affirme par serment « que oncques ne la virent toucher par le roy au-dessous du menton. » D’ailleurs il n’ignorait point que la demoiselle de Fromenteau avait été plusieurs fois mère ; mais le roi était, suivant lui, étranger à ces fautes. — Un chanoine de Loches (et son opinion a trouvé quelque écho) pensait d’une façon plus singulière encore. Dreux du Radier raconte qu’en passant à Loches en 1750, il vit ce personnage, qui lui montra un in-folio manuscrit de sa composition, rempli de mille sonnets, tous acrostiches, à la louange d’Agnès Sorelle. « J’eus toutes les peines du monde, dit-il, à me débarrasser de l’auteur, et je n’en vins à bout qu’en lui disant qu’il serait bien étonné, lui qui avait passe sa vie à louer la chasteté de la belle Agnès (car c’était le but de plus de quatorze mille vers acrostiches qu’il avait faits), si on lui prouvait que cette chaste et prude demoiselle avait eu quatre enfants. Il me dit avec feu qu’il avait effectivement lu cela quelque part, mais que c’était une calomnie abominable, digne de punition, à laquelle il avait répondu par plus de quatre ou cinq cents sonnets, toujours acrostiches, car il n’en faisait pas d’autres. » Quoi qu’il en soit, grâce à l’indulgence dont nous avons toujours aimé à couvrir les amours de nos rois, Agnès Sorelle est restée une des gracieuses figures de l’histoire de France. ─ On peut consulter Bussières, Belleforest, Monstrelet, Duhaillan, Duchesne, Olivier de la Marche, Guguin, Jean Chartier, Villeneuve, le Journal d’un bourgeois de Paris, Brantôme, Sauval, Dreux du Radier. H. D-z.


AGNESI (Marie-Gaetane), née à Milan le 16 mars 1718. morte dans la même ville le 9 janvier 1799, savait le latin à l’âge de neuf ans ; elle eut bientôt appris le grec, l’hébreu, le français, l’allemand, l’espagnol ; elle s’adonna ensuite à l’étude de la philosophie ; et, à l’âge de dix-neuf ans, elle soutint 191 thèses, qui furent imprimées en 1758, sous ce titre : Propositiones philoaophicœ. Elle se distingua tellement par ses connaissances dans les mathématiques, que, son père étant tombé malade en 1750. elle obtint du pape Benoit XIV la permission d’occuper sa chaire à l’université de Bologne. Elle renonça par la suite au monde et aux sciences, pour se consacrer au service des malades et des pauvres. Ses Instituzioni analitiche ; 1748, 2 vol. in-4o, ont été traduites en partie par d’Antelmy, sous les yeux et avec quelques notes de M. Bossut, sous ce titre : Traités élémantaires du calcul différentiel et du calcul intégral, traduits de l’italien de mademoiselle Agnesi, 11775, in-8o. L’Éloge historique de mademoiselle Agnesi, par Frisi, traduit en français par M. Boulard, a été imprimé séparément, et reproduit à la suite de la traduction des Bienfaits de la Religion chrétienne, 1807, 2 vol. in-8o. A. B-t.


AGNODICE, jeune Athénienne qui, pour satisfaire son goût pour la médecine, se déguisa en homme afin de suivre les écoles, dont la loi interdisait l’entrée aux personnes de son sexe. Suffisamment instruite par Hérophile, médecin célèbre, elle conserva son déguisement, et eut de grands succès dans la pratique, qu’elle borna particulièrement aux accouchements et aux maladies des femmes. Les médecins, jaloux de sa réputation, la citèrent devant l’aréopage, comme ne faisant servir son ministère qu’à corrompre les femmes. Agnodice n’eut besoin, pour se justifier, que de faire connaître son sexe. Ils l’accusèrent alors d’avoir violé la loi qui défendait aux femmes et aux esclaves d’étudier la médecine ; mais les femmes des principaux citoyens d’Athènes prirent sa défense, et obtinrent la révocation de cette loi. C. et A-n.


AGNOLO (Baccio d’), sculpteur et architecte florentin, né en 1460, se fit d’abord connaître par des ouvrages de rimemsso ou tarsia, sorte de marqueterie ou de gravure sur bois, fort en usage pour les meubles. Les stalles du chœur de l’église de Santa-Maria-Novella sont ornées suivant ce procédé par Baccio d’Agnolo. Il exécuta aussi de la sculpture ; les ornements en bois qui enrichissaient l’orgue de la même église, ainsi que l’autel de la Nunziata, étaient de la main de cet artiste. Mais un attrait particulier le portait vers l’étude de l’architecture, et il partit pour Rome afin de s’y livrer. Il n’abandonna pas pour cela la sculpture, et fit briller ces deux talents réunis dans une occasion favorable. Le pape Léon X voyageait en Italie ; toutes les villes par où il passait s’empressaient de fêter le pontife ; Baccio donna les dessins de plusieurs arcs de triomphe qu’on éleva sur la route. De retour dans sa patrie, il reprit son premier état ; et son atelier de menuiserie devint une sorte d’académie où se réunissaient, pour converser sur les arts, des gens instruits, des artistes, et même des étrangers. On cite, comme faisant partie de cette réunion, Raphaël, alors fort jeune ; et