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épique, c’est-à-dire un tissu de plusieurs fables. Ce fut sans doute pour se justifier d’avoir multiplié dans ses cadres les événements étranges et extraordinaires, qu’il inventa cette maxime : « Il se passe chez les hommes bien des choses invraisemblables. » À ses yeux, la perfection de l’art consistait dans la vivacité et la vérité de l’imitation. C’est ainsi qu’à toutes les époques de décadence on a vu se former des écoles réalistes qui pensent répondre a tout avec ce seul argument : cela est dans la nature. Aristophane, avec son ingénieuse et spirituelle bouffonnerie, se moque, en plusieurs endroits, des ressorts compliqués et des moyens tout matériels auxquels ce poëte avait recours pour exciter l’intérêt ou la curiosité, et amener le pathétique ; dans les Fêtes de Cérès, il annonce ainsi sa présence sur la scène : « Agathon s’avance dans sa machine. » Une altération plus grave que lui attribue Aristote, et qui a, plus que toutes les autres, contribué à précipiter l’art tragique sur la pente ou l’avait placé Euripide, c’est d’avoir rendu le chœur entièrement étranger à l’action, en donnant le premier l’exemple, de ne plus composer de chants exprès pour ses pièces, mais d’emprunter à d’autres ouvrages des morceaux de poésie sans rapport avec le sujet du drame, et de les insérer dans les entractes, « comme si nous prenions aujourd’hui des chansons de l’opéra pour faire les intermèdes du Cid[1]. » Grotius a rassemblé, dans son Recueil de fragments des tragiques et comiques grecs dont les ouvrages sont perdus, quelques vers d’Agathon, qu’il a recueillis dans Aristote et dans Athénée. C. W-r.


AGATHON (Saint), pape, né à Palerme, entra d’abord dans l’ordre de St-Benoit, devint trésorier de l’église, et se distingua par son humilité et son inclination à faire le bien. Élu pape, et consacré le 26 juin 678, il abolit le tribut que les empereurs exigeaient des papes à leur élection, et combla de bienfaits le clergé et les églises de Rome. Son pontificat est surtout remarquable par la condamnation des monothélites, qui furent jugés dans le 6e concile général tenu à Constantinople, et auquel assista l’empereur Constantin-Pogonat. Les légats du pape revinrent à Rome chargés des bienfaits de l’empereur, et de témoignages d’estime pour Agathon, qui mourut en 682, le 10 janvier, jour auquel l’Église honore sa mémoire. D-s.


AGAY (François-Msain-Bncxo, comte d’), intendant de Picardie, était né en 1722, à Besançon, d’une ancienne famille, originaire de Poligny. Nommé a vingt-cinq ans avocat général au parlement de Franche-Comté, il montra un grand talent dans l’exercice de cette place. Il venait de traiter de la charge de procureur général à la même cour, lorsqu’en 1759 il fut appelé par le chancelier à Paris, et créé successivement maître des requêtes, conseiller d’État, président au grand conseil et intendant de Bretagne. En 1771, il passa à l’intendance de Picardie, ou il trouva l’occasion de développer les qualités et les vues d’un grand administrateur. Les travaux du canal de la Somme avaient été suspendu par l’effet des intrigues de quelques négociants d’Abbeville, qui, craignant que ce nouveau canal ne nuisit à leur commerce, cherchaient à prouver que les avantages qu’on en retirerait ne pourraient compenser les dépenses de l’exécution. Il s’occupa sur-le-champ de lever les obstacles qui s’opposaient a l’achèvement de cette entreprise, et parvint à les aplanir. Dans le même temps qu’il procurait en commerce de la province un nouveau débouché, il favorisait les progrès de son industrie par la protection et les encouragements qu’il accordait aux hommes laborieux. Plusieurs manufactures agrandies ou créées par ses soins, en répandant l’aisance et le travail, ne laissèrent plus de prétexte à la mendicité, Amiens lui dut des fontaines plus abondantes et décorées avec une élégante simplicité, des halles plus vastes et plus commodes, une salle de spectacle, et des hôtels publics plus dignes de l’importance de cette cité. Les devoirs de sa place n’avaient point ralenti son goût pour l’étude. L’intendant d’Amiens, dans ses loisirs, accueillait Delille et Sélis, tout deux alors professeurs au collège de cette ville. L’aimable auteur de Ver-Vert se plaisait à lui confier les derniers fruits de sa muse ; des talents moins brillants trouvaient dans sa bienveillance de sages conseils et un utile appui. Mais, on doit le dire, s’il avait toutes les qualités d’un grand administrateur, d’Agay n’était point a l’abri des reproches qu’on adressait avec raison à quelques-uns de ses confrères. Passant à Paris une partie de l’année, il se reposait des détails de l’administration sur des subordonnés qui n’avaient ni son affabilité, ni son désintéressement. Le subdélégué d’Amiens avait la réputation d’un homme avide : on l’accusait d’exactions ; et la haine du peuple, toujours aveugle, s’étendit du subdélégué jusqu’à l’intendant. À l’époque du soulèvement de 1789, d’Agay, menacé par la populace, fut obligé de fuir avec sa famille. Il trouva dans Paris un asile où il se tint caché pendant toute la révolution. Étranger a tous les partis, il y mourut le 5 décembre 1805, a 83 ans, tellement oublié, que sa mort ne fut annoncée par aucun journal. Il avait eu le regret de survivre à son fils, nommé son successeur a l’intendance de Picardie, et gendre de l’infortuné Foulon, prévôt des marchands de Paris. Outre deux dissertations conservées dans les recueils de l’Académie de Besançon, l’une ou l’auteur examine si la comté de Bourgogne a fait partie du royaume de la Bourgogne transjurane, et l’autre où sont développés les anciens droits des comtes de Bourgognes sur la ville de Besançon, on a de d’Agay : 1° Discours sur l’utilité des sciences et des arts, Amiens, 1774, in-4o ; 2° Discours sur les avantages de la navigation intérieure, ibid., 1782, in-4o. M. Quérard en cite, dans la France littéraire, une édition in-8o. On a le portrait de d’Agay, format in-4o. W-s.


AGAY (d’). Voyez : Daguet.


AGAZZARI (Agostino), né à Sienne, d’une famille noble, vers 1578, fut quelque temps au service de l’empereur Mathias et se rendit à Rome, où

  1. Dacier, Remarques sur le Poétique d’Aristote.