Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/231

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
215
AGA

de son sujet. Il n’avait aucune idée de la manière d’écrire l’histoire ; on trouve toutefois dans son ouvrage, des choses curieuses et exactes. C-r.


AGATHOCLÉE. Voyez Ptolémée IV, surnommé Philopator.


AGATHOCLES, tyran de Syracuse, fils d’un potier de terre, nommé Cercinus, qui, banni de Reggio, sa ville natale, s’était établi à Thermes, en Sicile, naquit vers l’an 359 avant J.-C. Les Syracusains goûtaient le fruit des victoires et de l’administration paternelle de Timoléon, qul, pour repeupler Syracuse, avait invité les Grecs à s’y établir. Cercinus s’y rendit avec son fils Agathocles, alors âgé de dix-huit ans. Agathocles exerça d’abord la même profession que son père, fit des vases et des statues d’argile, et servit ensuite comme simple soldat. Sa beauté, sa taille et sa force extraordinaire le firent remarquer de Demase, général des Agrigentins, homme riche et sans mœurs, dont il devint le favori, et qui le fit nommer chiliarque c’est-à-dire, chef de mille hommes. Après la mort de Demase, il épousa sa veuve, héritière de ses richesses, et fut dès lors puissant dans Syracuse. Cette ville, depuis la mort de Timoléon, était de nouveau en proie aux factions et aux déchirements. Sosistrate, s’étant emparé de l’autorité, chassa Agathocles, qui penchait pour la démocratie, et le força de se réfugier à Crotone. Accueilli d’abord par les habitants de cette ville, mais ingrat envers eux, il voulut s’emparer de l’autorité, et fut obligé de s’enfuir pour se dérober à la fureur du peuple. Il éprouva le même sort à Tarente. N’ayant plus d’asile, son caractère audacieux lui suggéra l’idée d’assembler une bande de brigands, et de vivre de rapine à leur tête. C’est ainsi qu’il se rendit d’abord redoutable en Sicile. Cependant son ennemi Sosistrate ayant été chassé à son tour de Syracuse, avec plus de six cents des principaux citoyens que le peuple accusait de vouloir abolir la démocratie, Agathocles fut rappelé, et on lui donna le commandement de l’armée destinée à combattre le parti de Sosistrate ; il exerça l’autorité militaire avec plus de valeur que de désintéressement ; car, ayant défait les troupes réunies de Sosistrate et des Carthaginois, dans un combat ou il reçut sept blessures, il s’empara aussitôt du pouvoir souverain, et aspira ouvertement à la tyrannie. Les Syracusains alarmés, et n’osant plus se confier à aucun de leurs concitoyens, eurent recours aux Corinthiens, qui leur envoyèrent Acestoride pour les commander. Ce général ne vit d’autre moyen de délivrer Syracuse que de faire mourir Agathocles. Instruit du danger, ce tyran n’évita la mort qu’en faisant prendre ses armes et ses habits à un jeune homme qui lui ressemblait, et que des gardes apostés, assassinèrent, croyant le tuer lui-même. Il s’échappa, leva des troupes à la hâte, et parut tout à coup devant Syracuse, où personne ne doutait de sa mort. Les habitants effrayés lui envoient des ambassadeurs, et lui offrent de le rappeler, s’il veut s’engager par serment à licencier ses troupes, et à ne rien entreprend contre la liberté publique. Ce fut dans le temple de Cérès qu’Agathocles donna solennellement cette vaine garantie aux Syracusains. Oubliant bientôt ses serments, il gagne ses soldats par ses largesses, recherche la faveur de la populace, se déclare son protecteur, et se fait nommer général en chef malgré le sénat. Résolu alors de se défaire de tous ceux qui pouvaient encore traverser ses desseins, il assemble ses soldats hors de Syracuse, et leur dit qu’avant de tourner leurs armes contre les ennemis extérieurs, il faut purger Syracuse de six cents tyrans ou ennemis du peuple, bien plus dangereux que les Carthaginois mêmes ; provoquant ainsi le massacre de tout le corps de la noblesse, dont il promet les dépouilles à ses soldats. À peine a-t-il achevé sa harangue homicide, que la trompette donne le signal du massacre. En peu d’heures 4,000 personnes tombent sous le fer des mercenaires d’Agathocles, qui leur permet de tuer et de piller pendant deux jours et deux nuits : les rues de Syracuse étaient couvertes de corps morts ; le troisième jour, Agathocles assemble tous ceux qui avaient survécu à cette boucherie, et leur déclare que la grandeur du mal l’avait obligé d’y appliquer un remède violent, mais que son dessein est de rétablir la démocratie, et de se retirer ensuite pour mener une vie libre et tranquille. À ces mots, il jette son épée, se confond dans la foule, et laisse dans la consternation les assassins auxquels il avait abandonne les dépouilles de ses victimes. Ceux-ci, voulant s’assurer l’impunité, et jugeant qu’Agathocles désirait se faire offrir la couronne, lui déférèrent le pouvoir souverain, avec une autorité absolue et sans bornes. Agathocles signala sa puissance en ordonnant l’abolition de toutes les dettes, et le partage égal des terres entre les riches et les pauvres. Sûr alors de l’affection du peuple et de l’impuissance de ses adversaires, il change de conduite, devient accessible, équitable, donne plusieurs lois sages, met de l’ordre dans les finances, fait forger des armes, construire des vaisseaux, et n’oublie rien pour se concilier la bienveillance de ses sujets, afin qu’ils le secourent dans ses vues ambitieuses. En effet, en moins de deux ans, il soumit toute la Sicile, a l’exception de quelques places qui restaient encore aux Carthaginois. Alarmée du succès d’Agathocles, la république de Carthage envoya contre lui une armée sous les ordres d’Amilcar. Les mécontents se joignirent à Amilcar aux environs d’Himera. Agathocles attaqua ce général, força ses retranchements, et aurait remporté une victoire complète, si les Syracusains ne s’étaient amusés à piller le camp des vaincus. Un renfort venu à propos, trouvant les vainqueurs en désordre, ramena les fuyards à la charge, et tailla en pièces les Syracusains, l’an 311 avant J.-C. Agathocles fut contraint de se réfugier d’abord à Céla, puis dans sa capitale, dont les Carthaginois formèrent le siége. Ce fut dans cette extrémité qu’il conçut l’audacieux projet de porter la guerre en Afrique, se flattant d’obliger les Carthaginois d’abandonner au moins la Sicile. Aucun obstacle ne put arrêter Agathocles. Il arma les esclaves, forma une armée de 14,000 hommes d’élite, pourvut à la sûreté de Syracuse, dont il donna le commandement à son frère Antandres, et, lui laissant la moitié des familles puissantes, il emmena avec lui l’autre moitié, pour qu’ainsi divisés, les pricipaux Syracusains servissent