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et que les élections ecclésiastiques seraient entièrement libres. Il se soumit néanmoins a un tribut annuel. Henri II, méditant alors la conquête de l’Irlande, en demanda l’investiture au pape, sous prétexte d’arracher ce peuples à l’idolâtrie. Adrien accorda au roi d’Angleterre ce qu’il désirait ; et c’est ainsi que les souverains eux-mêmes se soumettaient volontairement a une autorité que, dans d’autres circonstances, ils se faisaient un devoir de méconnaître et de combattre. Ici se terminent les principaux événements politiques du pontificat d’Adrien. Sa vie privée offre des particularités qui ne sont pas dénuées d’intérêt. Il aimait la vérité et la cherchait avec ardeur. Jean de Salisbury, son ami et son compatriote, l’étant venu voir tandis qu’il était dans la Pouille, Adrien lui ouvrit son cœur, et lui dit qu’il voyait l’Église accablée de tant de maux, qu’il aurait voulu n’être jamais sorti d’Angleterre. Lui ayant ensuite demandé ce qu’on disait de lui et de l’Église de Rome, Salisbury répondit avec une admirable liberté : « On dit qu’on y voit des gens qui dominent sur le clergé, sans se rendre l’exemple du troupeau. Ils sont avares et insensibles aux misères des pauvres ; ils semblent faire consister toute leur religion à s’enrichir… » C’est dans les historiens, et surtout dans Fleury, qu’il faut lire tout entière cette conversation, dont l’esprit et l’objet peuvent servir d’exemple aux princes qui préfèrent les leçons de la bonne foi à l’encens des flatteurs. On ne sait ce qu’on doit admirer le plus, ou de la douceur d’Adrien, ou de la franchise de son ami. Cependant on peut observer que les reproches d’avarice et de cupidité que celui-ci se permet n’étaient nullement applicables à Adrien, dont la générosité et le désintéressement étaient avoués par tout le monde. Il augmenta le patrimoine de St. Pierre de plusieurs acquisitions ; mais il était, dit Fleury, si éloigné d’enrichir ses parents, qu’il ne laissa pour subsistance à sa mère, qui lui survécut, que les charités de l’église de Canterbury. Adrien mourut à Anagni, le 1er septembre 1159, avec une grande réputation d’habileté et de vertu. Ce n’était pas un homme ordinaire, celui qui s’était élevé, de la mendicité et de l’état de domestique, à la première dignité de l’Église. Il eut du savoir, de l’éloquence et de la générosité, et joignit à ces qualités un caractère plein de constance et de fermeté : digne successeur de Grégoire VII, il sut continuer l’œuvre de ce grand pape et défendre contre l’Empire les prérogatives et les droits de l’Église. — On trouve des lettres d’Adrien IV dans la Collection des conciles. Il avait, en outre, écrit l’histoire de sa légation dans le Nord, un traité de la Conception de le Vierge, et des Homélies, dont il est fait mention dans la Bibliothèque pontificale. Adrien IV eut pour successeur Alexandre III. D-s.


ADRIEN V, élu pape le 12 juillet 1276, était génois de naissance, et se nommait Ottobon de Fiesque. Il succéda à Innocent V, qui n’avait occupé le saint-siége que cinq mois, et n’y resta lui-même que trente jours. Il était déjà malade lorsqu’il fut élu. On le transporta de Rome a Viterbe, où il mourut, après avoir dit à ses parents qui venaient le visiter : « J’aimerais mieux que vous me vissiez cardinal en santé, que pape mourant. » On a dit, mais sans le prouver, qu’il n’était point évêque, et que même il n’avait pas été ordonné prêtre. Jean XXI fut son successeur. D-s.


ADRIEN VI, élu pape en 1522 était connu sous ce nom d’Adrien, qu’il ne voulut point changer lors de son avènement au pontificat. Il naquit à Utrecht en 1459. Son père, nommé Florent Boeijens, était ou tisserand, ou brasseur de bière, ou, selon d’autres, menuisier. Adrien fit ses études a Louvain, dans le collège du Pore ou de Standonek, une des quatre grandes pédagogies de cette ville. Quelques succès brillants qu’il eut dans la philosophie et dans la théologie engagèrent Marguerite d’Angleterre, fille d’Édouard IV et veuve de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, à faire les dépenses nécessaires pour sa réception au grade de docteur. Devenu successivement chanoine de St-Pierre, professeur de théologie, doyen de l’église de Louvain, et enfin vice-chancelier de l’université, il paya dans la suite sa dette de reconnaissance envers cette université, en fondant à Louvain un collège qui porta son nom, et fut destiné a l’entretien gratuit des pauvres qui voudraient s’appliquer à l’étude. Bientôt Maximilien Ier le choisit pour précepteur de son petit-fils, Charles-Quint, et ensuite l’envoya en qualité d’ambassadeur auprès de Ferdinand le Catholique, qui le nomma a l’évêché de Tortose en Espagne. Après la mort de Ferdinand, Adrien partagea la régence de ce royaume avec le cardinal Ximenez ; il fut élevé au cardinalat en 1517, et demeura seul gouverneur de la monarchie en l’absence de l’empereur Charles-Quint, lorsque celui-ci partit pour l’Allemagne en 1520. C’est à cette époque que prirent naissance les troubles de l’Espagne connus sous le nom de communautés, ou guerre de la sainte ligue. Le nom d’Adrien est attaché a ces événements. Sa conduite, dans ces moments orageux, doit fixer sur lui l’opinion de la postérité, plus que son gouvernement pontifical, qui fut de trop courte durée pour avoir laissé des traces historiques. L’Espagne était portée à un soulèvement général depuis l’avènement de la maison d’Autriche ; les impôts excessifs et renouvelés chaque jour étaient insupportables au peuple ; les faveurs accordées aux Flamands, et l’insatiable avidité de Chièvres et de ses créatures, révoltaient la noblesse ; enfin la dispensation des bénéfices, où ces mêmes Flamands avaient une très-grande part, animait la jalousie et le ressentiment du clergé espagnol. Ce dernier motif de haine n’était pas le moins violent, et se dirigeait en particulier contre Adrien lui-même, et surtout contre Guillaume de Croy, pourvu de l’archevêché de Tolède. Un violent orage menaçait la régence d’Adrien, et, quoique le nombre des gentilshommes à la tête des mécontents ne fut pas très-considérable, cependant Padilla, Maldonado, Pedrolaso de Guzman, Pedro Giron, Acuila, le comte de Salvatierra, présentent des noms distingués en Espagne ; et quantité d’autres seigneurs attendaient un moment favorable pour lever le masque, ou même favorisaient en secret les efforts de la sainte ligue.