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ADR

à Jérusalem, avait donné à cette ville le nom d’Ælia Capitolina, et bâti un temple aux divinités païennes dans le lieu même où l’on avait adoré Jéhovah. Les Juifs, indignés, choisirent pour chef un certain Barcochebas, et lui donnèrent le titre de roi, Tinnius Rufus, qui commandait en Judée, eut d’abord sur eux quelques grands avantages ; mais le nombre des insurgés croissant de plus en plus, tous les Romains qui se trouvaient dans cette province furent massacrés. Adrien confia la conduite de cette guerre a Jules Sévère, général considèré comme le plus habile de son temps. Il reprit Jérusalem, et la réduisit en cendres ; l’an 136 de J.-C. 20e du règne d’Adrien. Bitther ou Béther, place forte, fit plus de résistance ; mais elle se rendit aussi, lorsque lorsque la plupart des assiégés furent morts de faim. La guerre cependant n’était point terminée ; elle fura trois ans et demi, jusqu’à ce qu’une victoire complète des Rommains et la prise de Barcochebas y eussent mis fin. On assure que 580,000 Juifs furent massacrés. Les Romains eux-mêmes essuyèrent de grandes pertes ; les Juifs qui survécurent furent vendus au même prix que les chevaux, tant à une foire dite du Térébinthe qu’a Gaza ; ceux qu’on ne put vendre furent traînés en Égypte et livrés a un peuple qui les avait en horreur. Adrien leur défendit ensuite, sous peine de mort, d’entrer dans Jérusalem ; et, pour mettre le comble a leur humiliation, il fit placer sur la porte du chemin de Bethléem un pourceau de marbre. On sait qu’aux yeux des Juifs, cet animal est immonde. Peu de temps après, les Alains ou Messagètes attaquèrent l’empire ; mais Adrien envoya contre eux Arrien, alors gouverneur de la Cappadoce, et célèbre par son histoire d’Alexandre. L’empereur se rendit ensuite à Athènes, et décora cette ville, qu’il affectionnait, de plusieurs monuments dont les ruines subsistent encore. Il eut le fol orgueil de s’y consacrer à lui-même un autel, et de permettre aux Grecs de lui dédier un temple qui fut appelé Panhellénien. Revenu à Rome, après tant de voyages, Adrien, dont la santé s’affaiblissait, résolut de se choisir un successeur. Commodus Vérus, qui l’emporta sur plusieurs concurrents, était un homme de mœurs dépravées, et l’on prétendit qu’Adrien ne l’avait adopté qu’à des conditions déshonorantes. Quoi qu’il en soit, le nouveau César fut créé prêteur, et mis à la tête de l’armée de Pannonie. Adrien fit ensuite construire près de Tivoli cette fameuse villa, dont aujourd’hui encore les restes attestent la magnificence. Il s’y plongea, selon Aurelius-Victor, comme autrefois Tibère à Caprée, dans de honteuses débauches. Il eut encore avec cet empereur une ressemblance non moins odieuse, c’est la cruauté à laquelle il se livra en faisant périr, par des moyens secrets, et même ouvertement, plusieurs personnages illustres, parmi lesquels on compte Servien son beau-frère, et Fuscus, petit-fils de Servien, chargés de l’accusation vague d’avoir aspiré à l’empire. Vérus étant mort, Adrien lui accorda les honneurs de l’apothéose, et, après avoir hésité quelque temps sur le choix d’un autre successeur, il nomma Titus Antonin, à condition que celui-ci adopterait à son tour M. Antonius Vérus, Appelé depuis Marc-Aurèle, et L. Vérus, fils de Commodus Vérus. L’impératrice Sabine mourut peu de temps après l’adoption d’Antonin, et Adrien fut accusé de l’avoir empoisonnée, ou de l’avoir traitée si indignement, qu’elle se donna la mort. Toutefois, il ne manqua pas d’en taire une divinité. Sa maladie augmentant, il eut recours à la magie ; puis, devenu féroce par l’excès de ses souffrances, il ordonna la mort de quelques sénateurs, et chargea Antonin d’en faire périr plusieurs autres. Antonin n’exécuta point cet ordre barbare. Fatigué d’exister, Adrien demanda plusieurs fois une épée ou du poison, et promit de récompenser ceux qui l’aideraient à abréger ses jours ; mais personne ne voulut s’exposer au danger de lui rendre un pareil service. Il alla à Bayes, où, méprisant les médecins et leurs ordonnances, il se livra à l’intempérance de la table, et parvint ainsi à avancer le terme de sa vie. Il mourut dans cette ville, le 10 juillet 138, à 62 ans. Peu de jours auparavant, il avait composé les vers suivants, que la situation où il les fit, plus que leur mérite réel, a rendus célèbres :

Animula vagula, blandula,

Hospes comesque corporis,
Quæ nune abibis in loca
Pallidula, rigida, nudula,

Nec, ut soles, dabis jocos.

Fontenelle a traduit en vers français ce petit morceau de poésie, qui semble prouver qu’Adrien, persuadé de l’immortalité de l’âme, était inquiet du sort qui l’attendait dans une autre vie. Il nous est parvenu encore quelques fragments des poésies d’Adrien, que l’on trouve dans l’Anthologie latine de Durtmann et dans les analecta e Brunck. Melchior Goldast a recueilli des sentences de cet empereur, gr. lat., Genève, 1801, in-8o. Il avait composé une Alexandriade qui ne nous est pas parvenue. Le talent de la poésie n’était pas le seul que possédait Adrien. On a vu qu’il connaissait l’architecture ; il était aussi peintre et musicien ; il réussissait dans beaucoup d’exercices qui demandent de la force et de l’adresse, et sa mémoire était prodigieuse. Lorsqu’il fut mort, le sénat, qui se ressouvenait des cruautés dont le commencement et la fin de son règne avaient été souillés, voulut casser tous ses édits ; mais Antonin fit observer qu’alors il faudrait aussi casser sa propre adoption, et le sénat n’insista plus. Adrien obtint même, selon l’usage, les honneurs de l’apothéose. Parmi les nombreux édifices que ce prince fit élever, on distinguera toujours le pont sur le Tibre, nommé aujourd’hui pont St-Ange, ainsi que son mausolée placé près de ce pont, et connu sous le nom de château St-Ange. Dès le règne de Justinien, cet immense édifice servit de forteresse, usage auquel il est encore destiné de nos jours. On voyait autrefois à son sommet un char sur lequel était la statue d’Adrien ; maintenant ce char est remplacé par la figure en bronze d’un ange tenant une épée. D-t.


ADRIEN, sophiste, né à Tyr, dans la Phénicie, vint fort jeune à Athènes, où il se livra à l’étude de l’éloquence, sous la direction du célèbre Hérodes