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conquêtes, il se retira aussitôt après. Nicéphore, plus avare que sensible à l’honneur, tirait avec peine des sommes considérables de son trésor, pour les livrer à son ennemi. Il rassembla donc toutes les forces de l’empire, se mit a leur tête, et se dirigea sur la Syrie ; Haroun était également entré en campagne à la tête de 455,000 hommes. Les armées se rencontrèrent près de Crase, en Phrygie. Les Grecs furent encore défaits, et Nicéphore reçut trois blessures ; il paya encore une fois le tribut, et Haroun rentra dans ses États pour revenir, deux ans après, à la tête de 500,000 hommes, se venger d’une nouvelle agression. Il envoya un corps d’armée jusqu’à Ancyre. Nicéphore, aussi prompt à s’effrayer qu’à manquer à ses promesses, demanda la paix, et l’obtint en payant encore des sommes considérables. Haroun, voulant l’humilier et l’accabler du dernier mépris, l’obligea à racheter sa propre personne par 6 pièces d’or, dont 5 pour sa tête, et 5 pour celle de son fils. Ce dernier tribut flattait plus Haroun qu’une victoire brillante. À peine fut-il de retour dans ses États, que Nicéphore rompit ce traité, en faisant rétablir les forteresses détruites. Haroun revint, prit Sébaste, et jura de ne jamais faire la paix avec un aussi vil ennemi. Sans les troubles élevés dans le Khoraçan, et qui exigèrent sa présence, Constantinople serait peut-être tombé dès lors au pouvoir des musulmans. Mais, en 807, Haroun alla en Khoraçan, dans le dessein de soumettre Reby ben Leitz, qui avait secoué le joug de l’obéissance, et s’était emparé de Samarcand. Il était parti malade de Raccah, où il faisait sa résidence, et il mourut à Thous, au mois de djoumady, 2e, 193 de l’hégire (mars 800), après un règne de 25 ans, et à l’âge de 41 ans. L’histoire des califes ne nous présente aucun règne aussi brillant. « Jamais l’État ne jouit de plus de splendeur et de prospérité, dit un écrivain arabe, et les bornes de l’empire des califes ne furent jamais plus reculées. La plus grande partie de l’univers était soumise à ses lois. L’Égypte même formait une province de son empire, et celui qui y commandait n’était qu’un de ses lieutenants. Jamais la cour d’aucun calife ne réunit un aussi grand nombre de savants, de poëtes et de gens du plus haut mérite. » Haroun eut le bonheur d’être conseillé par de grands ministres, et quoiqu’il faille attribuer à leurs talents l’état brillant de son immense empire, il faut convenir qu’à de grands vices il joignit d’éminentes qualités. Sous son règne, les chrétiens d’Orient n’éprouvèrent point de persécutions. Il aimait les lettres, et admettait à sa familiarité ceux qui les cultivaient. Bon poëte lui-même, il avait des connaissances très étendues en histoire et en littérature. Sa gaieté naturelle avait, rendu sa cour l’asile des plaisirs et d’une aimable liberté. Il aimait beaucoup les échecs ; et il assigna des appointements à ceux qui professaient ce jeu. Ce qui peint surtout Haroun et son siècle, c’est qu’il figure dans presque tous les contes inventés par les Arabes. Mais des qualités aussi belles sont flétris par des vices et des crimes impardonnables. Il manqua de bonne foi envers Irène ; il usa de la plus noire perfidie à l’égard de Yahya, et sacrifia, sans aucune raison, la famille des Barmécydes, à qui il devait une partie de sa gloire. (Voy. Yahya.) Sa dévotion était feinte, et sa générosité tenait plus à l’orgueil qu’à la grandeur d’âme. Charlemagne jetait alors le même éclat en Occident, et ces deux princes, dignes de s’apprécier, furent en correspondance. Le calife envoya, en 807, une ambassade au monarque français avec les clefs du saint sépulcre. Parmi le présents qu’il lui fit offrir, on remarquait une clepsydre, ou horloge d’eau, regardée alors comme un prodige, un jeu d’échecs, et des plants de légumes et de fruits de différentes espèces, dons inappréciables dans un temps où la France était peu cultivée. Les restes du jeu d’échecs furent déposés, en 1793, à la bibliothèque nationale, où ils se voient encore. La même bibliothèque possède un petit Coran in-16, écrit en caractères koufyques, sur peau de gazelle, qui a appartenu à Haroun. Amyn, son fils, lui succéda. J-n.


AARON, Ben Asser, célèbre docteur juif, entreprit de corriger, avec Ben-Nephtali, les exemplaires hébreux de la Bible. Le premier recueillit les diverses leçons des manuscrits d’Occident, et le second, celles des manuscrits d’Orient. Leurs exemplaires, conservés religieusement, l’un à Jérusalem, l’autre à Babylone, ont servi de modèles à ceux qui ont été faits depuis. Il en est résulté deux sectes parmi les Juifs : celle des occidentaux, qui reconnaît Ben-Aser pour chef, et celle des orientaux, qui suit scrupuleusement Ben-Nephtali. Du reste, leurs corrections n’ont guère pour objet que des minuties grammaticales. L’opinion la plus communes les place dans le 10e ou le 11e siècle. Comme on croit qu’ils étaient chefs d’académies, et que leurs exemplaires sont les premiers dans lesquels on trouve les points-voyelles, on a conclu qu’ils en ont été les inventeurs ; ce qui fournit un argument plausible en faveur de la nouveauté de ces points, que le commun des rabbinistes fait remonter à une plus haute antiquité. T-d.


AARON (Isaac), né vers le milieu du 11e siècle, voyagea dans la partie occidentale de l’Europe, et se retira dans sa patrie sous le règne de Manuel Commène, dont il était né sujet. Ses voyages le mirent à même de rendre des services à son prince ; il devint, son interprète pour les langues des différents États qu’il avait parcourus ; mais il trahit ses devoirs en révélant les secrets de son souverain aux ambassadeurs des puissantes qui résidaient auprès de lui. L’impératrice découvrit son crime, et il fut condamné à avoir les yeux crevés, ses biens furent confisqués. Lorsque Andronic Commène eut usurpé le trône, Aaron lui conseilla de ne pas se contenter d’arracher les yeux à ses ennemis, mais encore de leur couper la langue, qui pourrait lui nuire davantage. Aaron fut dans la suite victime de cet horrible conseil ; car Isaac l’Ange étant monté sur le trône, en 1203, lui fit couper cette langue, qui avait conseillé tant de crimes. Cet homme, suivant les mœurs du temps, s’occupait de prédictions et de nécromancie M-t.


AARON-ARISCON, fils de Joseph, rabbin caraïte et médecin, vivait à Constantinople au 13e siè-