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ADR

grand nom ; « car, depuis, ajoute-t-il, il ne fit jamais rien pour le parti catholique comme pour le parti huguenot. » Il est certain que, depuis cette époque, le baron n’a plus ; comme auparavant, joué le premier rôle ; mais peut-on lui faire un crime d’être rentré dans le devoir ? Cependant les troubles se rallumèrent dans toute la France ; le roi voulut mettre à profit le changement de Des Adrets, et il remit sur pied pour lui la légion de Dauphiné, sous le nom de bandes françaises. Le baron fut la terreur des protestants, comme il l’avait été des catholiques ; et il disait souvent, en se rappelant ses anciennes victoires, « qu’il avait fait les huguenots, mais qu’il voulait les défaire. » Cependant on le peignait a la cour comme un homme dangereux, qui avait trop fait pour les protestants pour ne pas leur être resté attaché : il fut en conséquence arrêté et conduit à Pierre-Encise. La paix, publiée au commencement de 1571, lui rendit la liberté. Il se rendit a Paris auprès du roi Charles IX ; et, en présence de tout son conseil, il déclara « qu’il était venu pour rendre compte de ses actions durant les premiers et les seconds troubles ; qu’il n’entendait point s’aider ni se servir du bénéfice des édits de pacification pour aucune sorte de punition, au cas qu’il fût trouvé s’être départi de la fidélité qu’un sujet doit a son roi ; » il ajouta « qu’il était prêt à soutenir, soit en jugement devant qui il plaira au roi ordonner, soit par les armes contre quiconque se présenterait, avoir été faussement et méchamment calomnié et accusé. » Le monarque lui répondit « qu’il demeurait bien content et satisfait des informations qu’il avait prises ; qu’il le tenait pour homme de bien, pour fidèle serviteur et sujet, hors de tout soupçon. » Les frères du roi, le duc de Lorraine, le cardinal de Guise et le duc de Nemours, furent présents à cette espèce de désaveu. Il en fut dressé un acte authentique que le roi signa de sa main, et qui fut enregistré en la chambre des comptes de Dauphiné. Cette démarche pleine de fierté, et le succès dont elle fut suivie, durent calmer les inquiétudes du baron et faire taire ses ennemis. Il fut chargé par le roi de marcher vers le marquisat de Saluces, de réprimer les entreprises du duc de Savoie, et ce prince ne put rien entreprendre tant que Des Adrets demeura dans ces contrées. C’est la qu’ayant appris le massacre de la St-Barthélemy, où l’aîné de ses fils périt, et le siége de la Rochelle, où le second fut tué, il demanda son rappel, et revint au sein de sa famille. Épuisé de fatigues, accable de vieillesse, et dégoûté du monde, il se retira dans son château de la Frette. Il avait été emprisonné, près d’être assassiné dans un parti, négligé dans l’autre, en butte a tous les traits que les protestants et les catholiques lançaient contre lui ; ceux-ci, parce qu’il avait combattu avec tant d’avantage pour les premiers ; ceux-la, parce qu’il les avait quittés. Il expira le 2 février 1586, dans la religion de ses pères, qu’il avait tour à tour persécutée et défendue. S’il a fait tant de choses contraires a l’exercice de son culte, pendant près d’un an qu’il fut à la tête des protestants, c’est la vengeance et la haine, bien plus que le fanatisme religieux, qui lui avaient mis les armes à la main. Il fut enterré dans la chapelle du chasseur de la Frette où il était mort. Son portrait gravé se trouve a la bibliothèque royale, au cabinet des estampes. Jamais capitaine ne porta plus loin l’intrépidité, l’activité et les autres qualités guerrières ; mais aussi jamais gentilhomme français ne poussa si loin la vengeance. Il ne connaissait ni obstacles ni dangers. Son âme est peinte dans la devise qu’il avait choisie : Impavidum ferient ruinæ. Il avait pour maxime, suivant la Popelinière, « que le mal rend presque tous les hommes plus traitables, et mieux reconnaissant leurs devoirs en toutes choses, que toutes les vertus dont on saurait user en leur endroit. » Né avec une fortune médiocre, il n’augmenta point le patrimoine de ses pères : c’est le témoignage que lui rendent les historiens des deux partis. Si Des Adrets eût fait pour le roi comme pour « les huguenots, dit Brantôme, il eût été fait maréchal de France, comme je l’ai ouï dire à la reine. » On doit, à la vérité, remarquer que, quelque effrayant que soit le tableau de ses cruautés, il a encore été chargé par quelques historiens, qui lui ont imputé des crimes qu’il n’a pas commis, Du nombre de ces historiens sont le P. Mainbourg, plus zélé catholique qu’écrivain judicieux ; Brantôme, dont on connait la légèreté à accueillir des anecdotes controuvées ; Moréri et le P. Daniel, égarés par des guides infidèles. ( Voy. Dictionn. critique de Bayle, édit. de 1697, p. 520. ) Ce qui a le plus noirci Des Adrets aux yeux de la postérité, c’est d’avoir violé les capitulations, en faisant précipiter du haut d’une tour ou d’un rocher escarpé les soldats des garnisons de Mornas, de Pierrelatte et de Montbrison ; mais il est prouvé qu’il n’était pas à Mornas, place emportée en son absence par son lieutenant Montbrun. De Thou justifie aussi le baron de l’expédition de Pierrelatte : reste Montbrison. Ce qu’on en a rapporté passe pour constant, et n’a jamais été contredit. Cet événement, transmis de bouche en bouche, a servi de canevas a toutes les histoires que l’on a forgées sur son compte. N’y eût-il que ce seul trait, il en restera toujours assez pour condamner Des Adrets, et l’on doit souhaiter, pour le bonheur de l’humanité, qu’il ne naisse pas souvent de tels hommes. Deux siècles écoulés n’en ont point affaibli la mémoire ; aujourd’hui même, en Dauphiné, on ne prononce son nom qu’en frémissant. Sa vie a été écrite par Allard, Grenoble, 1675, in-12, et par J.-C. Martin, 1803,1 vol. in-8°. Le baron Des Adrets était d’une branche puinée de la maison de Beaumont, qui subsiste encore dans les branches d’Autichamp, de Beaumont et de St-Quentin. (Voy. Beaumont.) T-l.


ADREVALD, écrivain ecclésiastique du 9e siècle, naquit vers l’an 818, dans un village près du monastère de Fleury, où il fit sa profession religieuse. IL s’acquit beaucoup de réputation par ses écrits, et mourut vers l’an 878. Ses ouvrages sont : 1° un traité de l’Eucharistie contre le fameux Jean Scot, livre savant, mais sans ordre et sans méthode, que d’Achéry a publié dans le 12e volume de son Spicilége ; 2° une Vie de saint Aigulfe ou Ayoul, d’abord moine de Fleury, puis abbé de Lérins, mort en