Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 1.djvu/199

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
183
ADM

Il ne déploya pas moins de caractère dans les interrogatoires qu’on lui fit subir « Si j’eusse réussi, dit-il, dans le projet que j’avais formé de tuer Robespierre et Collet-d’Herbois, j’aurais été admiré de tout le monde. » Barrère fit quelques jours après, au nom du comité de sûreté générale, un rapport sur cette affaire. Dans cette pièce, Admiral fut déclaré le principal instrument du parti de l’étranger, l’agent de Pitt et de Cobourg, enfin le correspondant de tous les souverains de l’Europe. À l’appui de cette accusation, Barrère produisit des lettres interceptées. On lui donnait pour complices le vieux Sombreuil, gouverneur des Invalides, un Rohan, un Montmorency et toute la famille Ste-Amaranthe. (Voy. Robespierre.) Ce malheureux parut devant le tribunal révolutionnaire avec plus de cinquante individus dont il n’avait jamais entendu parler. « Est-ce que vous avez le diable au corps, dit-il froidement à Fouquier-Tinville, d’accuser tout ce monde d’être mes complices ! » Et quand il entendit le sanglant arrêt qui n’en épargne pas un seul, il s’écria douloureusement : « Que de braves gens compromis pour moi ! » En rentrant dans la prison, il chante avec beaucoup de force ce refrain patriotique :

Plutôt la mort que l’esclavage…

On le conduisit à l’échafaud en chemise rouge ; et il périt le dernier de soixante-deux victimes qui eurent la tête tranchée en vingt-huit minutes. Dans le moment où on l’attachait à la fatale planche, il dit encore : « j’ai conçu seul mon projet, j’ai voulu sauver la France… » M-d j.


ADOLPHE II, comte de Holstein, régnait à l’époque où Henri le Superbe et Albert l’Ours se disputaient la souveraineté de la Saxe ; il embrassa le parti du premier, et éprouva une alternative de succès et de revers, qui, tour à tour, agrandirent ses États, et l’en dépouillèrent. Rendu enfin à une situation paisible, il rebâtit la ville de Lubeck qui venait d’être détruite : la splendeur de la nouvelle cité nuisant à celle de Lunebourg, Adolphe se brouilla avec Henri le Lion, vit brûler Lubeck, et fut contraint d’en abandonner le sol à son ennemi, qui fit relever la ville en lui laissant son nom. Adolphe fut tué, en 1164, au siége de Demmin en Poméranie. G-t.


ADOLPHE DE NASSAU, élu empereur le 1er mai 1292, et couronné à Aix-la-Chapelle, le 25 juin de la même année, n’était qu’un simple gentilhomme, d’une famille illustre, à la vérité, et d’une bravoure éprouvée, mais sans autre patrimoine que son épée, sans influence, sans fortune, et n’ayant aucune des qualités morales qui avaient aidé Rodolphe de Habsbourg, son prédécesseur, né comme lui loin du trône, à y monter et à s’y maintenir. Adolphe dut son élection au désir qu’avaient les électeurs de se rendre indépendants du chef de l’Empire, à leur haine contre Albert, fils de Rodolphe, dont l’arrogance les avait blessés (voy. Albert Ier) ; enfin à des transactions honteuses et illégales avec les archevêques de Cologne et de Mayence. Ces électeurs ecclésiastiques crurent l’occasion favorable pour imiter les papes qui, depuis quelque temps, avaient essayé de prescrire de certaines lois aux empereurs avant de ratifier leur nomination. Ils imposèrent à Adolphe les conditions les plus onéreuses, le forçant à leur abandonner des portions de territoire et des villes qui ne lui appartenaient pas. Le comte Adolphe, qui se sentait faible, les accepta toutes. L’empereur Adolphe, qui se crut puissant, n’en voulut tenir aucune. De là ses fautes et ses revers. Décoré de la couronne impériale, ce prince se trouva dénué même de l’argent nécessaire aux frais du couronnement. Il essaya de l’extorquer aux juifs de Francfort, qui lui résistèrent avec courage et succès. L’électeur de Mayence, son cousin germain, Gérard d’Eppenstein, qui avait été le principal auteur de son élévation, lui prêta les sommes indispensables ; mais les embarras du monarque ne cessèrent pas après qu’il eut été couronné. Cherchant partout des ressources, il se mit d’abord à la solde de l’Angleterre contre Philippe le Bel, et se fit payer par-Édouard Ier 100,000 liv. sterl., somme énorme pour le temps ; mais il révolta contre lui l’Allemagne, qui rougissait de voir son chef au rang des mercenaires. Boniface VIII, qui n’était pas encore l’ennemi de Philippe, défendit à Adolphe de prendre les armes. Celui-ci, payé d’avance des efforts qu’il devait faire, ne demanda pas mieux que d’obéir au pape pour s’en dispenser ; et licenciant 2.000 cavaliers qu’il avait rassemblés pour le service d’Édouard, il ne garda du traité conclu entre eux que les subsides. L’électeur de Mayence saisit ce moment pour lui demander la restitution des avances qu’il lui avait faites. Adolphe crut plus utile d’acquérir des États que de satisfaire à des engagements dont il avait déjà reçu le prix ; il profita de l’aversion d’Albert le Dénaturé, landgrave de Thuringe, contre ses fils légitimes, pour acheter de lui sa principauté. Par cette transaction doublement injuste, Adolphe se fit un ennemi mortel de l’archevêque auquel il devait son trône, et souleva contre lui l’Allemagne entière, qui ne vit plus dans son monarque qu’un vil spoliateur. La Thuringe se déclara pour les princes dépouillés. Adolphe se vit engagé dans une guerre qui dura cinq ans ; il ne parvint jamais à soumettre les peuples qu’il prétendait avoir achetés, et, contraint de tolérer les excès de ses troupes, qui ne le servaient qu’à regret, et dont il fallait vaincre la répugnance par le pillage, il acheva de s’aliéner tous ses partisans. Albert d’Autriche, qui depuis l’élection d’Adolphe, épiait l’instant favorable pour ressaisir le sceptre que son père avait porté, se réunit à l’électeur Gérard, dont les intrigues disposaient du plus grand nombre de ses collègues. La majorité des électeurs, après avoir cité Adolphe à comparaître devant le collège électoral, le condamna par contumace. On lui reprochait de s’être vendu à un prince étranger, d’avoir usurpé des États qui n’avaient pu lui être cédés, et chacun joignait à ces griefs généraux des griefs, particuliers. Adolphe enfin fut déposé le 23 juin 1298. Ses torts étaient avérés, mais sa déposition était illégale. Trois beaux-frères d’Albert avaient siégé parmi les juges ; l’injustice qu’A-