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et désaltéra le philosophe et le savant. » Des hôpitaux et des mosquées furent construits à Bagdad, et Moussoul brilla d’une nouvelle splendeur. Il bâtit une nouvelle ville, près de Chysas, et l’immortalisa par la construction de la digue appelée Bend-Kmyr ; enfin, de superbes mausolés reçurent les dépouilles d’Ali, d’Hocéin, et Médine fut entourée de murs. Tel est le tableau qu’offre le règne d’Adhad-Eddaulah, dont le vrai nom est Fana-Khosron. Adhad-Eddaulah est un surnom qui lui fut donné par le calife, selon l’usage, et qui signifie le soutien ou l’aide de l’empire. Il laissa quatre fils, entre lesquels il partagea ses États. J-n.


ADHED-LEDIN-ALLAH (Abou-Mohammed Abdallah al), 14e et dernier calife fathémide, et le 11e qui ait régné en Égypte, était petit-fils du calife Hafedh. Placé sur le trône l’an 553 de l’hégire (1160 de J.-C.), par l’autorité du vizir Thélaï, après son cousin Faïcz, qui était mort enfant et en état de démence, Adhed venait d’atteindre l’âge de puberté, et le vizir lui fit aussitôt épouser sa fille. Ce ministre s’était rendu odieux par son orgueil et ses rapines : il fut assassiné quelque temps après en se rendant au palais. Avant d’expirer, il envoya son fils Zarik reprocher sa mort au calife. Adhed protesta d’abord de son innocence, mais il finit par avouer qu’une de ses tantes était accusée d’avoir ordonné cet assassinat ; et il n’eut pas honte de livrer cette princesse, que Thélaï fit poignarder en sa présence. Le fils du vizir obtint la place de son père, quoiqu’il n’eût ni son éloquence, ni ses talents politiques et militaires. Zarik, qui s’était arrogé le titre de Mélik el Adel (le roi juste), le démentit bientôt. Il prit parti pour son neveu Haçan, dans ses démélés avec Chawer, gouverneur de Saïd (la Théhaïde), qui, privé de son emploi, et poussé à bout par les outrages et les hostilités de son rival, rassembla des forces dans le désert, battit toutes les troupes qu’on lui opposa, s’empara du Caire, et se fit confirmer par le calife dans la charge de vizir, que la soldatesque lui avait donnée. Zarik, n’ayant pas osé lui tenir tête, s’était enfui avec les pierreries et l’argent du trésor public. Surpris et dépouillé par les Bédouins, il fut livre à Chawer, qui le fit mettre à mort (1162). Chawer fut bientôt renversé par Dargham, qui s’empara du vizirat, et fit périr les principaux partisans de son rival. Celui-ci se réfugia à Damas, d’où il revint, on 1164, avec une armée que Patabek Nour-Eddyn lui donna, sous les ordres d’Asad-Eddyn Chyrkouh. Rétabli dans sa dignité, Chawer se défit de Dargham et de ses amis, et acheva ainsi priver l’Égypte de ses plus braves défenseurs. Il avait promis à Nour-Eddyn de payer les frais de l’expédition et un tribut équivalent au tiers des revenus de l’Égypte ; mais, ayant violé sa promesse, il eut recours aux Francs pour se mettre à l’abri de la colère du roi de Damas. Amaury, roi de Jérusalem, avait envoyé des troupes à Dargham ; elles étaient encore en Égypte. Chawer les prend à son service pour chasser les Syriens, et force Chyrkouh de se renfermer dans Balbéis. Il y est assiégé par les Égyptiens et par Amaury ; mais une diversion opérée par Nour-Eddyn obligea le roi de Jérusalem à voler au secours de ses États, après avoir proposé à Chyrkouh une capitulation honorable. Ce général évacua l’Égypte moyennant une somme équivalente au tribut promis par Chawer. Nour-Eddyn séduit par le tableau que lui fit son général de l’opulence, de la faiblesse de cette contrée, et des facilités que présentait sa conquête, consentit à envoyer à Bagdad, pour faire sanctionner par le calife abbasside une invasion dont le succès devait mettre fin au schisme qui divisait les musulmans depuis trois siècles. Mostandjed, qui régnait à Bagdad, accorda sans peine et sans frais l’autorisation demandée, et promit les récompenses, célestes à ceux qui délivreraient l’islamisme de la secte impie des fathémide et de l’anti-calife qui en était le chef. Adhed, ou plutôt son vizir, pour conjurer l’orage, se jeta dans les bras des chrétiens. Amaury vendit son secours pour 400,000 pièces d’or, dont la moitié devait lui être payé comptant. Le calife voulut bien ratifier ce traité. Il fit plus, lui qui ne sortait que deux fois l’an, et la tête voilée pour aller à la grande mosquée, et qui ne laissait approcher de sa personne aucun étranger, et surtout aucun chrétien, dérogeant à cette étiquette, admit en sa présence les deux députés francs, fit relever le voile enrichi de perles et de pierreries précieuses qui le cachait à leurs yeux, et leur tendit la main en signe d’approbation. Sans entrer dans le détail des événements militaires qui ont été rapportés dans les articles d’Amaury, de Chawer, de Chyrkouh et de Nour-Eddyn, et auxquels le calife Adhed demeura complètement étranger, il suffit de dire que, jouet tour à tour des chrétiens et des Syriens que son vizir flattait ou trompait alternativement, ce faible monarque écrivit lui-même au sultan pour réclamer son assistance ; et afin de rendre sa lettre plus touchante, il y mit des cheveux de ses femmes. Nour-Eddyn ne put résister. Chyrkouh et son neveu Saladin se rendent pour la troisième fois en Égypte, l’an 1168. Chawer leur tend des pièges ; mais il est lui-même arrêté dans leur camp, et le calife fait demander sa tête, en envoyant les insignes du vizirat au général syrien. Celui-ci meurt au bout de deux mois par suite de son intempérance, et son neveu lui succéda par le choix du calife, qui s’était flatté en vain que cette nomination sèmerait la division parmi les chefs syriens. Des intrigues se forment dans le sérail, les eunuques noirs se révoltent ; Saladin tue leur chef, et les remplace tous par des eunuques blancs à sa dévotion. Adhed était sorti de sa léthargie, pendant ces troubles ; il avait fait entendre sa voix, et donné quelques ordres ; mais il était dangereusement malade, lorsque Saladin, forcé d’obéir aux ordres de Nour-Eddyn que le nouveau calife de Bagdad, Mostadhi, pressait de remplir sa promesse, se mit en devoir d’anéantir l’autorité et le nom du faible prince qui lui avait donné le titre de mélik el nasser (roi défenseur). Déjà Saladin avait introduit dans les écoles la doctrine des Abbassides, qui anathématisait les fathémides comme hérétiques. Cette innovation excita une violente sédition au Caire. Adhed,