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Northumberland, voulurent se détacher de la domination anglaise, et rétablir ce royaume, qui avait été un des sept de l’heptarchie : ils furent défaits. Les vaincus, conduits par leur chef Amlaff, fils de Sitrick, se réfugièrent en Écosse, et engagèrent dans leur parti Constantin, roi de cette contrée, qui, oubliant ses traités avec Adelstan, fondit à l’improviste sur les provinces anglaises, et y porta d’abord les ravages et la désolation. Adelstan courut arrêter ce torrent, déconcerta les ruses de la perfidie, et, dans les plaines de Bromfeld, força ses ennemis d’en venir à une bataille rangée, qui dura trente heures, tant la nuit que le jour. Il s’y conduisit en héros, et sa valeur puisait encore de nouvelles forces dans la justice de sa cause, « invoquant en même temps, disent les historiens, le Dieu des batailles et le vengeur des parjures. » Il fut exaucé : la victoire se déclara enfin pour lui, et fut décisive. Cinq rois ou chefs écossais, irlandais, gallois, furent trouvés morts sur le champ de bataille parmi des milliers de leurs soldats. Adelstan, poursuivant sa course, conquit toute l’Écosse, et, content d’avoir fait sentir sa puissance au prince qui l’avait bravée, il lui rendit ses États, en disant « qu’il est plus glorieux de faire des rois que de les détrôner. » Il marcha aussitôt contre les princes de Galles et de Cornouailles, qui étaient entrés dans la ligue des Danois, dompta leur férocité, rendit les uns tributaires, et réduisit les autres à s’enfermer dans leurs cavernes et leurs mines d’étain. Adelstan, désormais sans ennemi, sans rival, couvert de gloire, et d’une gloire pure, en chercha une plus douce encore dans ses soins continuels pour assurer le bonheur de son peuple. Il renouvela et perfectionna les lois de son père, et se montra infatigable dans sa vigilance pour préserver ses sujets des attentats du crime, et clément jusque dans les peines qu’il infligeait aux coupables. Après un règne trop court, qui n’avait duré que 16 ans, il mourut en 941, adoré de ses peuples, respecte des étrangers et laissant l’Angleterre dans la paix et l’abondance. Les historiens ont célébré les présents que son beau-frère Hugues le Grand lui envoya en demandant sa sœur Ogine. Parmi ces dons, ils ont distingué l’épée de l’empereur Constantin, au pommeau de laquelle était enchâssé un des clous de la vraie croix ; une couronne d’or enrichie de diamants, qui avait été sur le front de Charlemagne ; la lance dont ce monarque s’était servi, et la bannière de St. Maurice, qu’il avait fait porter devant lui dans ses batailles contre les Sarrasins. Adelstan eut pour successeur son frère Edmond, l’aîné des fils légitimes d’Édouard l’Ancien. L-T-l.


ADELUNG (Jean-Christophe), littérateur et grammairien allemand, ne le 30 août 1734, à Spantekow en Poméranie, fit ses premières études tant au gymnase d’Ancham qu’à l’école de Closterbergen, près de Magdebourg, et les acheva à l’université de Halle. En 1759, il fut nommé professeur au gymnase d’Erfurth, qu’il quitta au bout de deux ans pour se fixer à Leipsick, où il se livra, jusqu’en 1787, aux immenses travaux qui furent si utiles à la langue et à la littérature allemandes. Dans cette année, il fut nommé bibliothécaire de l’électeur à Dresde, où il mourut le 10 septembre 1806. Adelung a fait, à lui seul, pour sa langue, ce que l’Académie française et celle de la Crusca ont fait pour le français et l’italien. Son Dictionnaire grammatical et critique, qui parut à Leipsick, 1774, 1786, in-4o (les 4 premiers volumes ont chacun 1800 pages environ ; le 5o  est moins considérable, la 2o  partie ayant dû contenir des suppléments qui n’ont pas été donnés), est très-supérieur au Dictionnaire anglais de Johnson dans tout ce qui concerne les définitions, la filiation, l’ordre des acceptions, et surtout l’étymologie des mots ; il lui est inférieur pour le choix des auteurs cités à l’appui des significations ; soit qu’à l’époque où Aldelung prépara les matériaux de son travail, un grand nombre des meilleurs écrivains de l’Allemagne ne fussent pas connus, ou n’eussent pas encore l’autorité qu’ils ont acquise depuis, soit que les préventions d’Adelung pour les auteurs nés dans la Saxe supérieure lui aient fait injustement négliger ceux dont la patrie ou le style ne lui inspirait pas assez de confiance. Il avait pris pour type du bon allemand le dialecte du margraviat de Misnie, et réprouvait tout ce qui est contraire à l’usage des hautes classes de la société dans cette province, et des auteurs les plus célèbres qui en sont sortis. Persuadé que les langues sont l’ouvrage des nations, et jamais celui des individus, même les plus distingués, et donnant à juste titre à l’idiome misnique, comme au plus riche et au plus anciennement cultivé de l’Allemagne, la première sur les autres, il oublia trop peut-être que la langue des livres est dans ce pays plus que dans tout autre, l’ouvrage des hommes de lettres, et que le manque d’un centre politique, joint au dédain des cours pour l’idiome national, avait imposé aux écrivains la loi et leur avait donné le droit de tirer du fonds de la langue toutes les richesses qu’il offrait et de mettre à contribution les dialectes particuliers. L’esprit sage et méthodique d’Adelun fut sans doute effrayé de l’espèce d’anarchie et du déluge de mots nouveaux dont l’organisation sociale de l’Allemagne et les droits de création illimitée que quelques beaux génies s’arrogèrent, menaçaient la langue ; mais il ne lui rendit pas toute la justice qu’il avait d’ailleurs tant d’intérêt à lui rendre, et méconnut sa prodigieuse flexibilité, ainsi qu’une des propriétés qui lui sont communes avec le grec, celle de se prêter indéfiniment, et sans nuire à la clarté ni à la noblesse, à tous les développements avoués par l’analogie. Le traducteur d’Homère, Jean H. Voss et Joa H Campe ont vivement, et peut-être avec trop peu d’égards, reproché à Adelung les lacunes de son Dictionnaire, et sa partialité dans le choix de ses autorités. L’un et l’autre ont promis et déjà commencé de remédier ai ces défauts en refaisant le Dictionnaire critique de la langue sur un plan plus étendu. Celui d’Adelung a etc réimprime en 4 vol. in-4o, à Leipsick, de 1793 à 1801, avec des augmentations qui ont donné plus de prix à ce bel ouvrage, mais qui ne sont en aucune proportion avec l’accroissement des richesses et le perfectionnement de la langue durant l’intervalle de temps qui s’était écoulé depuis la 1re édition. Les