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fut dans une lettre adressée au comte de Buffon, sous le nom supposé de Ruga Carafa, publiée in-4o on 1759. Il avait, en 1753, fourni à l’administration de la compagnie des Indes un vaste plan pour former sur la côte d’Afrique une colonie ou l’on pourrait cultiver toutes les plantes qui produisent les denrées coloniales, sans vouer les nègres à l’esclavage. Ce plan, qui pouvait conduire sans troubles à l’abolition de la traite, fut dans le temps mieux apprécié par les étrangers que par les Français. Les Anglais surtout, qui s’étaient emparés du Sénégal en 1760, lui firent les propositions les plus avantageuses pour l’engager à communiquer ce plan, ainsi que les renseignements qu’il avait rapportés sur ce pays ; mais il s’y refusa par un sentiment d’amour de la patrie qu’il portait jusqu’à l’exaltation. C’est un établissement de ce genre que cette nation a formé, depuis quelques années, sur les cotes de la Sierra-Leona. Ce fut avec le même désintéressement qu’Adanson, vraiment philosophe, rejeta les offres brillantes qui lui furent faites, en 1760 par l’empereur d’Autriche, en 1766 par Catherine II, et enfin par le roi d’Espagne, pour venir se fixer dans leurs États. Malgré ses nombreux travaux, il fit plusieurs voyages dans les différentes parties de la France. Il visita les côtes de l’Océan et celles de la Méditerranée. En Provence, il découvrit l’araignée si célèbre sous le nom de tarentule, qui passait autrefois pour être si dangereuse dans le royaume de Naples. Elle existe vraisemblablement de toute antiquité en Provence, sans s’être jamais fait remarquer par l’effet de son venin. Adanson avait été nommé censeur royal en 1759 : le traitement de cette place, celui d’académicien et les pensions qu’il avait obtenues successivement, lui procurèrent une aisance qui aurait été fort au delà de ses désirs ; mais, toujours dominé par l’idée qu’il pourrait un jour réaliser le vaste plan qu’il avait conçu, il sacrifiait tous ses moyens pour en accélérer l’exécution. La révolution arriva, et ces moyens lui furent enlevés. La perte à laquelle il fut le plus sensible fut celle d’un jardin dans lequel il suivait depuis plusieurs années des expériences multipliées sur la végétation. Il y avait particulièrement réuni un grand nombre de variétés de muriers, et il eut la douleur de le voir ravager en sa présence. Il continua néanmoins ses travaux, malgré le dénument auquel il était réduit. On l’eût peut-être longtemps ignoré, si l’Institut, lors de sa création, ne l’eût invité à venir prendre place parmi ses membres. Il répondit qu’il ne pouvait se rendre à cette invitation, parce qu’il n’avait pas de souliers. Le ministre de l’intérieur lui fit accorder une pension. Il avait acquis, des débris de sa fortune, une maison, petite, incommode et malsaine, avec un jardin, dont le peu d’étendue ne lui avait permis de réunir, pour ainsi dire, que des représentants de chacune de ses familles. Adanson avait reçu de la nature un tempérament robuste ; mais l’excès du travail, et surtout un long séjour dans le Sénégal, l’avaient altéré ; il était très-sensible au froid, et il lui était survenu des douleurs rhumatismales ; il se plaignait que le siége de son mal était dans les os. Un jour, en allant de son lit à un fauteuil, il sent fléchir une cuisse ; il s’écrie qu’elle est cassée, ce qui se trouva vrai. Reporté sur son lit, il y languit encore six mois, pendant lesquels il conserva toutes ses facultés morales. Il s’entretenait de son grand ouvrage, qu’il se flattait de faire imprimer dès qu’il serait rétabli. Il mourut le 3 août 1806. Un petit nombre d’ouvrages imprimés a marqué sa carrière littéraire ; mais il a laisse une immense quantité de manuscrits. Pour juger de leur mérite, il faudrait que son chef-d’œuvre, les Familles des Plantes, reparût dans une 2" édition, avec les changements et les additions qu’il voulait y faire. L’auteur de cet article s’est chargé de cette entreprise, la jugeant utile à la mémoire d’Adanson et à l’avantage de la science. Des circonstances particulières en ont empêché jusqu’à présent l’exécution. Adanson attachait trop peu d’importance aux agréments extérieurs, et aux ménagements qu’exige la société : aussi n’a-t-il pas joui de ses avantages. Il s’emportait et se calmait facilement, et, dans toutes les occasions, il manifestait avec excès la vivacité et la franchise de son caractère. Son amour-propre était extrême ; mais la bonhomie et la naïveté avec lesquelles il l’exprimait le faisaient excuser, et n’offensaient personne. Si on lui témoignait de l’intérêt, il était susceptible de la plus vite reconnaissance. On l’a vu. peu de jours avant sa mort, occupe à faire des vers latins adressés à l’Empereur et à M. de Champagny, alors ministre de l’intérieur, pour les remercier d’un bienfait qu’il venait de recevoir. Il était de petite taille, mais bien proportionné, très-adroit ; ses cheveux étaient roux ; sa figure ne plaisait pas au premier abord ; mais, quand il parlait, sa physionomie s’animait par degrés, et ses yeux étincelaient. Le buste qu’on a fait d’Adanson est très-ressemblant. Ou en a tiré son portrait, dans une gravure seulement esquissée, qui a paru dans le n" XIII des Annales des voyages. Bernard de Jussieu, frappé des connaissances qu’annonçait Adanson par son mémoire sur le baobab, avait nomme adansonia le genre de ce végétal. Mais Adanson a constamment refusé cet honneur, amusé de la différence de son opinion sur la nomenclature. Linné ne voulait admettre que les noms grecs ou latins, et, à leur défaut, ceux qui proviennent des botanistes, traitant les autres de barbares : Adamson, au contraire, voulait conserver avant tout les noms de pays. Peu de temps après la mort d’Adanson, M. Le Joyand fit paraitre une Notice sur sa vie. M. Cuvier, en 1807, a payé à sa mémoire le tribut académique. L’auteur de cet article a puisé dans des ouvrages quelques-uns des principaux faits ; mais il en a ajouté d’autres, qu’il tient de la bouche d’Adanson, ou qu’il a trouvés dans ses manuscrits. D-P-s.


ADASCHEFF ou ADASCHEW (Alexis), ministre d’Iwan IV (voy. ce nom), fut le seul homme qui put obtenir quelque influence sur l’esprit de ce prince féroce. Après que le czar, fatigué de l’esclavage ou le tenait Zouiski (voy. ce nom), eut livré à la mort ce ministre despote, Adascheff parvint à obtenir le pardon du petit nombre de