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l’art musical au temps de St. Louis ; elles peuvent servira apprécier les progrès de la science du contre-point dans les siècles suivants. Li Jus Adan, ou du Mariage, a été imprimé pour la première fois par M. Monmerqué, à trente exemplaires, dans les Mélanges de la société des bibliophiles français, Paris, 1828, in-8o. Li Jus de Robin et de Marion a été publié par le même, dans les Mélanges de la même société, Paris, 1822. in-8o. Avant cette publication on ne connaissait de cette pièce que les extraits donnés par Legrand d’Aussy, dans ses Fabliaux. Li Congiès Adan d’Aras a été publié par Barbasan, et réimprimé dans l’édition des Fabliaux de Meon, Paris, 1808. Le poëme C’est du roi de Sézile a été publié par M. Buchon, dans le tome 7 de sa collection des Chroniques nationales françaises, Paris, 1828. Enfin, quelques chansons, motets, rondeaux, ont été donnés par Roquefort, dans l’État de la poésie française aux 12e et 13e siècles, et par M. Monmerqué dans les Observations qui précédent les Jeux qu’il a publiés. C. W-r.


ADAM, abbé de Perseigne, fut d’abord chanoine régulier ; il se fit ensuite bénédictin à Marmoutier, et entra en dernier lieu dans l’ordre de Citeaux, qui l’accueillit avec faveur et le dispensa des épreuves du noviciat. Bientôt après, il fut élu abbé de Perseigne, au diocèse du Mans. On ignore la date de sa nomination à cette dignité. On sait cependant qu’il en était revêtu en 1180 ; c’est ce qui résulte d’une charte par laquelle Robert, comte d’Alençon, fondait à St-Vincent du Mans l’anniversaire de son frère, mort dans le courant de cette même année : la signature d’Adam, abbé de Perseigne, se fit au bas de ce document. Adam fit un voyage à Rome avant 1195 ; il rencontra dans cette ville le fameux abbé de Flore, Joachin, qui prétendait posséder le don de prophétie ; ce visionnaire lui annonça que l’Antechrist se trouvait alors dans Rome, mais encore fort jeune.— De retour en France, l’abbé de Perseigne prit une part très-active à la prédication de la quatrième croisade, et seconda efficacement Foulques de Neuilly. Après la mort de ce missionnaire, il continua de travailler au salut des pécheurs, et obtint un grand nombre de conversions. Telle était la confiance qu’inspiraient ses vertus et la profonde connaissance qu’il avait des choses divines, qu’on le considérait généralement comme le guide spirituel le plus sur et le plus capable de conduire les âmes dans les voies du ciel. De tous côtés on sollicitait ses conseils, ou lui demandait des instructions pour vivre chrétiennement : les personnes du rang le plus élevé, dans le monde et dans l’Église, se plaçaient sous sa direction et se soumettaient respectueusement à la sévérité de ses remontrances. La date de sa mort ne nous est pas connue : une charte émanée de lui constate qu’il vivait encore en 1204. — Adam de Perseigne a laissé des lettres et des sermons. Les lettres, au nombre de vingt-huit, ont été publiées par Étienne Baluze et D. Martène ; elles sont en général fort longues et traitent des vertus chrétiennes, de l’humilité, de l’amour de Dieu, de l’éducation religieuse, de la discipline et des devoirs du clergé. Quelques-unes de ces lettres sont fort intéressante sous le rapport historique : on y trouve des informations sur quelques personnages et événements considérables de l’époque, sur l’état des mœurs, sur la vie des moines et du clergé séculier, sur les occupations de la société, sur la cour et la mode. Il recommande à la célèbre comtesse Mahaut de Blois, qui lui avait demandé des conseils sur la manière de vivre saintement dans le monde, de ne point perdre son temps aux jeux de hasard, ni aux échecs, ni aux farces des histrions. Autre part, il censure le luxe que les femmes étalent dans leur parure, et s’égaye sur les robes à longues queues : « Les femmes de nos jours, dit-il, avec leurs robes traînantes, dont elles sont si fières, ressemblent à des renards ; et comme ces ignobles bêtes, elles font consister leur gloire dans la longueur de leur queue. » Pour remercier la comtesse de Chartres, chez qui il avait passé quelque temps, il lui écrit une longue lettre sur la vanité des grandeurs, et s’excuse, en terminant, de ne pas se servir de la langue vulgaire ; mais il s’était aperçu qu’elle avait quelque connaissance du latin. La 7e lettre offre une satire véhémente des scandales de la cour et des dérèglements des mauvais prêtres ; dans son indignation, il va jusqu’à dire que les chrétiens de son temps sont pires que les juifs. Il use largement des privilèges de l’amitié en écrivant à Odon de Sully, évêque de Paris, avec qui il avait été étroitement lié. Après lui avoir reproché les intrigues dont il s’était servi pour supplanter Pierre le Chantre, qui avait plus de droits que lui au siége épiscopal, Adam finit par cette ironie mordante, au sujet d’une taille imposée par le prélat sur les prêtres de son diocèse ; « Si c’est pour payer vos dettes, cela est en quelque sorte excusable, parce qu’il n’est que trop ordinaire que les évêques meurent insolvables. » — Comme prédicateur, Adam de Perseigne jouit d’une grande réputation auprès de ses contemporains. Sa parole était simple et facile ; son éloquence naturelle et sans cesse alimentée par la lecture de l’Évangile ; il improvisait le plus souvent ses sermons, et puisait son sujet et ses effets dans la circonstance, le moment, l’auditoire même. Thomas de Cantimpré rapporte que la comtesse de Champagne, fille de Louis VII, se sentant près de sa fin, envoya chercher Adam de Perseigne. L’abbé se mit en route, mais, quelque diligence qu’il eût pu faire, il n’arriva qu’après la mort de sa pénitente. Les valets, occupés à se partager les effets de la défunte, le firent attendre longtemps à la porte. Il pénètre enfin dans la chambre, et trouve le cadavre de la princesse presque nu et abandonné sur la paille. Saisi d’une inspiration soudaine à la vue de ce spectacle, il fait aux assistants un discours pathétique sur la vanité des grandeurs de ce monde. Il nous reste de lui plus de deux cents sermons dont la plupart sont demeurés manuscrits. On n’a imprimé que ceux qui contiennent les éloges de la Vierge. Ils ont été publiés sous ce titre : Adæ abbatis Perserniæ, ordinit cisterciensis, Mariale, sive de beatæ Mada laudibus Sermones aurei, et Fragmenta nunc primum edita et notis illustrata studio et labore Hippolyti Maracii, Romæ, 1662, in-8o. C. W-r.