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connu de l’Europe chrétienne. Il s’étend même sur les îles Britanniques, qu’il n’avait point visitées, et sur lesquelles il se contenta de répéter les contes merveilleux de Solin et de Martianus Capella. Cette description des pays du Nord, si précieuse pour la géographie du moyen âge, a été conservée par Lindenbrog dans ses Scriptores rerum Germanicum septentrional, Hambourg, 1706 ; et Muray, l’un des professeurs les plus distingués de l’université de Gœttingue, l’a enrichie d’un savant commentaire. (Voy. Nov. Comment. gœttingens, t. 1.) Adam de Brème avait apporté beaucoup de soin et de patience dans le rassemblement des faits. On ignore l’époque précise de sa mort. G-t.


ADAM, de St-Victor, chanoine régulier de l’abbaye de St-Victor-lez-Paris, surnomme le Bossu, né à Arras, mort en 1177, fut inhumé dans le cloitre de cette abbaye. Dans les dix vers qu’il avait composés pour son épitaphe, et que l’on voyait encore sur son tombeau avant la révolution, on remarque ceux-ci :

Unde superbit homo ; cujus conceptio culpa,
Nasci pœna, labor vita, necesse mori.

Il avait fait quelques ouvrages de dévotion. Sa Prose en l’honneur de la Vierge a été traduite en français dans le Grant Martial de la Mère de Vie, 2 vol. in-4°, 1539. A. B-t.


ADAM, dit l’Écossais, parce que sa famille était originaire de l’Écosse, ou le prémontré, parce qu’il était religieux de cet ordre, vivait dans le 12e siècle. St. Nortbert, instituteur des prémontrés, l’envoya en Écosse enseigner l’Écriture sainte et professer la théologie. Il fut depuis tiré de cet emploi, pour être évêque de Withern, et mourut en 1180. C’est tout ce que nous savons de sa vie. Une partie de ses œuvres fut imprimée en 1518. On en a fait une édition plus complète en 1659, à Anvers, in-fol. Ce sont des sermons, des traités dogmatiques et des lettres pieuses. Dans un temps où la science était très-rare, tout ce que des savants écrivaient était précieux et précieusement recueilli. Voilà ce qu’il faut souvent se dire, en lisant dans ce Dictionnaire les titres d’une foule d’ouvrages que l’on ne tonnait plus depuis longtemps. G-s.


ADAM DE LA HALE ou DE LA HALLE, dit le Boçu d’Arras, trouvère du 13e siècle, figure avec distinction parmi les premiers fondateurs du théâtre français. C’est dans ses vers, et dans ceux de quelques poëtes ses contemporains, qu’il faut chercher le peu de détails que nous possédons sur les circonstances de sa vie, ou nous rencontrerons quelques particularités qui ne sont pas sans importance historique. ─ Ce poëte était fils d’un bourgeois d’Arras, capitale du comté d’Artois ; il fit ses études dans l’abbaye de Vauxcelles, près de Cambray, et y prit l’habit ecclésiastique. Mais l’amour, qui ne s’effraye pas des robes noires, vint le détourner de sa vocation : au sortir de l’école, Adam fit rencontre d’une belle jeune fille dont la vue captive soudain son cœur. Par un beau jour de printemps, Marie lui apparut en haut bos, près de claire fontenelle, au chant des oseillons :

Pris fu, dit-il, au premier boulion,
Tout droit en le varde (verts) saison
Et en l’apresche de jouvent
(Et dans l’ardeur de jeunesse)
Où il cose a plus grant saveur.

La jeune fille, sure de sa victoire, se montra fière et cruelle ; Adam perdit la tête et se maria. Son bonheur dura peu ; les tracas et les charges du ménage eurent bientôt dissipe ses illusions ; celle qu’il avait vue parée de tant d’attraits,

Rians, amoureuse et dengle (svelte ),

ne tarda pas la lui paraitre

… pale et sore (jaune),
… crasse (grasse), mautaillie (mal taillée),
Triste et tenchans (chicanière).

Le mariage ne convenait ni à ses goûts, ni à son caractère inconstant et mal rangé. Au bout de quelque temps, fatigué d’une union formée inconsidérément, il abandonna sa femme, reprit la soutane, et s’en vint chercher fortune à Paris. On lit dans une pièce qu’il composa à cette occasion :

Seigneur, Savés pour coi j’ai mon abit cangiet (changé)
J’ai esté avec feme, or revois (reviens) au clergiet
Si m’en vois (vois) à Paris. (Li jus Adan.)

Les vers d’Adam ne nous offrent pas de traces de son séjour a Paris. Tout ce que nous savons sur cette époque de sa vie, c’est qu’il était de retour à Arras avant 1263. Vers cette même année, deux événements désastreux vinrent jeter la désolation et le trouble parmi les habitants de cette ville. Une ordonnance de St. Louis mit hors de la circulation les gros tournois. Cette mesure fiscale avait pour but de faire préférer la monnaie du roi a celle des barons, et de rendre peu à peu à la royauté l’un des privilèges les plus importants de l’autorité souveraine, que la féodalité usurpait depuis quatre siècles. Arras fut en outre frappé d’une taille extraordinaire de 20,000 livres tournois. Une circonstance fâcheuse contribua encore a aggraver le poids de cet impôt énorme, et remplit la ville de troubles et de haines. Le maire, les échevins et un abbé, charges de la répartition, furent accusés de l’avoir faite inégalement et d’avoir levé une somme plus forte qu’ils ne le devaient. Le mécontentement se manifeste par des injures et des violences ; les poêtes, organes du sentiment public, exercèrent leur verve satirique contre les prévaricateurs, et s’attirèrent la colère de plusieurs personnages puissants qui les firent chasser de la ville. ─ Arras était alors un lieu de dissipation et de plaisirs ; ses riches bourgeois aimaient les vers et la musique, les spectacles, les jeux et les fêtes ; aussi leur ville était-elle la patrie et le rendez-vous des trouvères et des jongleurs. Nous laissons à penser quelle fut la douleur de maître Adam lorsqu’il lui fallut s’éloigner du théâtre de sa gloire et de ses plaisirs. Il nous reste des témoignages de ses regrets dans plusieurs de ses chansons et dans li Congiés Adan, qui a pour sujet ses adieux à sa ville natale. Le poëte se réfugie à Douai avec son père ; ils s’en allèrent

Souspirant en terre estrange.