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ACI

conversion à l’Église romaine avaient fait courir sur l’événement de sa mort. Les uns débitaient que, pendant qu’il accompagnait le saint sacrement dans une procession, il était tombé en frénésie, et qu’on l’avait porté chez lui, où il avait expiré subitement ; d’autres prétendaient qu’il s’était tué lui-même. Chrétien réfute ces impostures, et prouve que la maladie de son frère fut une fièvre inflammatoire causée par ses veilles et par l’application avec laquelle il avait continuellement travaillé à ses notes sur Plaute. Peu de temps avant sa mort, il avait essuyé une violente secousse à l’occasion d’une dissertation qui parut en 1595, et qu’on lui attribuait ; elle était intitulée : Mulieres non esse homines, les femmes ne sont pas des hommes, c’est-à-dire, des êtres pensants et raisonnables. (Voy. Geddicus.) Sa lettre apologétique, adressée à Jacques Monavius, qui termine le recueil que nous venons de citer, fait connaître comment cet écrit lui a été imputé. Le libraire qui avait imprimé ses observations sur Quinte-Curce se plaignait souvent d’avoir perdu ses avances ; Acidalius cherchait à l’en dédommager, lorsque cette dissertation, qu’il dit avoir été composée en Pologne où elle circulait depuis longtemps, tomba entre ses mains. Il la trouva fort plaisante, la copia et la donna à ce libraire, qui se hâta de l’imprimer, quoiqu’il lui eût recommandé de bien examiner si quelques plaisanteries un peu libres ne pourraient pas le compromettre. Cette publication excita des plaintes : le libraire fut cité en justice ; il avoua d’où la copie lui était venue : on se déchaina contre Acidalius, qui s’étonne qu’on puisse tant s’alarmé pour des jeux d’esprit, et prie, par sa lettre apologétique, son ami Monavius d’intercéder pour le libraire auprès des magistrats et des professeurs de Leipsick, et de veiller à ce qu’on ne fasse rien qui puisse flétrir sa propre réputation. Geisler l’a aussi justifié de cette accusation. Cet écrit, composé contre les théologiens sociniens, pour prouver qu’à leur exemple on peut abuser des passages de l’Écriture, a été traduit en français par Querlon, sous le titre de : Probléme sur les femmes, Amsterdam, 1744, in-12, et depuis par Charles Clapiès, sous le titre de Paradoxes sur les femmes, où l’on tâche de prouver qu’elles ne sont pas de l’espèce humaine. Leuscher publia en 1757, à Leipsiek, une notice sur Acidalius, dans laquelle il cherche à prouver que cet habile critique n’est pas l’auteur de cet ouvrage. A. L. M.


ACILIUS GLABRIO (Manius), le plus célèbre Romain de la famille Acilia, qui, quoique plébéienne, parvint aux premiers honneurs de la république. L. Acilius Glabrio, aïeul de Manius, avait été trois fois tribun du peuple. Manius commença par exercer différentes charges, et, avec une seule légion, étouffa en Étrurie une révolte d’esclaves. L’an de Rome 563 (191 ans av. J.-C.), il fut consul avec P. Corn. Scipion Nasica. Le sort le désigna pour commander en Grèce et combattre Antiochus, roi de Syrie. Il traversa aussitôt la mer Ionienne avec 20,000 hommes d’infanterie, 2,000 chevaux et quinze éléphants. Ayant joint ses troupes à celles de Philippe, roi de Macédoine, alors allié des Romains, il subjugua toute la Thessalie, passa le Sperchius, et ravagea la Phtiotide. Antiochus, qui s’était emparé du fameux défilé des. Thermopyles, fit garder les sommets du mont Œta par 2,000 Étoliens. Acilius, sentant la difficulté de les chasser de ce poste, s’adressa à Caton, son lieutenant, qui lui promit de l’enlever, et y parvint après des efforts prodigieux. Cette action éclatante décida du sort de la journée : les Syriens, qui avaient jusque-là résisté courageusement, mais qui d’ailleurs étaient inférieurs en nombre, prirent la fuite et furent taillés en pièces. Alors les Béotiens, qui s’étaient déclarés pour Antiochus, parurent devant le consul dans une attitude suppliante. Acilius les traita humainement : la seule ville de Coronée, qui avait élevé une statue à Antiochus, fut victime de la fureur et de la cupidité des légions. Après avoir traversé en vainqueur la Béotie, Acilius s’empara de Chalcis et de toute l’Eubée ; puis, reprenant sa marche vers les Thermopyles, il assiégea Héraclée, et, malgré une vigoureuse résistance, s’en empara, tant par stratagème que par force. La prise de Lamia suivit celle d’Héraclée. Les Étoliens envoyèrent à Acilius une députation pour obtenir des conditions supportables. Jamais la fierté des Romains ne parut plus à découvert que dans la manière dont Acilius reçut ces envoyés. Il leur ordonna de livrer leurs chefs et les rois leurs alliés, et ne répondit aux observations respectueuses qu’ils lui adressèrent, qu’en faisant apporter des chaînes dont il menaça de les faire charger. Les Étoliens indignes se déterminèrent à continuer la guerre, et rassemblèrent toutes leurs forces aux environs de Naupacte. Acilius marcha sur cette ville, après avoir offert, sur le mont Œta, un sacrifice à Hercule. Il passa le dangereux mont Corax, où, par l’impéritie de ses ennemis, il n’eut d’autres obstacles a surmonter que ceux que lui opposa la nature des lieux. La vigoureuse résistance des Étoliens arréta pendant presque tout l’été l’armée consulaire devant Naupacte, tandis que Philippe recouvrait une partie des États qui lui avaient été enlevés. Flaminius, qui avait vaincu ce roi, et qui résidait Chalcis pour veiller aux intérêts de la république, fit sentir au consul que le roi de Macédoine était bien plus à craindre pour Rome que les Étoliens, et l’engagea à lever le siége de Naupacte. Acilius se rendit a la sagesse de ce conseil : il accorda une trêve aux Étoliens, et ramena son armée dans la Phocide. Les députés de l’Étolie ne purent obtenir la paix du sénat, et Acilius se préparait à attaquer de nouveau Naupacte, lorsque Lamia secoua le joug. Acilius marcha contre cette place, et la prit de nouveau. Son consulat étant sur le point d’expirer, il hésita s’il remettrait le siége devant Naupacte ; mais les Étoliens l’avaient fortifiée pendant la trêve, et il marcha sur Amphisso, dont il se rendit maître. Il assiégeait la citadelle, lorsqu’il apprit que L. Corn. Scipion avait débarqué à Apollonie, à la tête de 13,000 hommes de renfort, et venait le remplacer. Acilius lui remit le commandement, et revint à Rome, où il obtint un triomphe que les dépouilles du roi de Syrie et de ses alliés rendirent magnifique. Dans la suite, il disputa le censure à Caton, mais il se désista de ses préten-