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seraient pas agréables à Dieu. Ce beau monument n’en atteste pas moins la magnificence de son fondateur. Quoique Achmt fut d’une constitution robuste, il mourut en 1617, âgé seulement de 29 ans, après en avoir régné 14. Il laissa trois fils qui régnèrent l’un après l’autre, et dont les noms suffisent pour rappeler des destinées bien différentes. Otthman, Amurath IV et Ibrahim naquirent d’Achmet et de la fameuse sultane Kiosem. S-y.


ACHMET II, empereur des Turcs, fils du sultan Ibrahim, succéda à son frère, Soliman III, et fut placé sur le trône par le 3e grand vizir du nom de Kiuperli, qui continua de gouverner l’empire. Achmet ne commença à régner qu’à l’âge de quarante-six ans, en 1691. Le principal événement de son règne, aussi court que malheureux, fut la bataille de Salankemen, gagnée par les impériaux, sous les ordres du prince Louis de Bade ; le grand vizir Kiuperli y périt avec 25,000 Turcs, et les vainqueurs s’emparèrent de toute l’artillerie et de la caisse militaire. Ce désastre fut suivi de troubles dans l’intérieur du sérail, de la famine, de la peste, de plusieurs incendies à Constantinople, et d’un violent tremblement de terre à Smyrne. De mauvais vizirs se succédèrent, et augmenteront le désordre dans l’État ; mais, aux yeux des musulmans, la catastrophe la plus désastreuse fut le pillage de la caravane de la Mecque par les Arabes, dont les hordes, redoutant peu un gouvernement aussi faible, obligèrent Achmet à leur payer tribut. Dans le même temps, les impériaux reprenaient Lippa et Waradin, en Hongrie ; les Vénitiens battaient les Ottomans en Dalmatie, s’emparaient de l’ile de Chio et menaçaient la ville de Smyrne. Frappe de tant d’humilations et de revers, Achmet II tomba malade de chagrin, et mourut le 27 janvier 1695 (l’an de l’hégire 1106, après un règne de 4 ans, laissant le trône à son neveu, Mustapha II. Sorti du serail pour s’asseoir sur le trône, ce prince était crédule et faible ; et, quoique doué d’un esprit juste et humain, il ne rendit pas toujours justice, parce qu’il fut accessible à la calomnie. Il cultiva la musique et la poésie, compagnes ordinaires des affections douces. Le trait suivant donne une idée de son caractère : son frère, Mahomet IV, avait été déposé : « J’ai été, lui disait Achmet, prisonnier quarante ans, pendant que vous étiez sur le trône, et je faisais alors ce que vous souhaitiez. Mon tour est venu à présent, et vous aurez peut-être encore le vôtre. » Puis il jouait de quelque instrument, et lui disait ensuite : « Mon frère, vous m’avez laissé vivre, j’en ferai de même à votre égard, ne vous affligez point. » S-y.


ACHMET III, fils de Mahomet IV, monta sur le trône des Ottomans, en 1703, après la déposition de Mustapha II, son frère. C’était aux janissaires révoltés qu’il devait son élévation. Quoiqu’il eût fait tomber les têtes des plus coupables, après avoir recueilli le fruit de leurs crimes, il ne régna pas sans inquiétude ; il changea sans cesse de vizirs, et ne s’occupa qu’à grossir ses trésors, persuadé que l’argent est le premier ressort de la puissance. Ces trésors lui servirent néanmoins à des nobles entreprises. Charles XII, roi de Suède, s’étant réfugié sur le territoire ottoman, après sa défaite à Pultawa, Achmet l’accueillit en prince magnanime. Le monarque suédois remplissait Constantinople et le sérail de sa renommée et de ses intrigues : il parvint à rallumer la guerre entre les Turcs et la Russie. Mais Achmet III n’était pas un rival digne de Pierre le Grand, le vizir Battagi-Mehemed, qui commandait ses armées, n’avait aucune idée de la guerre. Sur les bords du Pruth, en 1711, il eut plusieurs jours entre ses mains les destinées du czar et celles de la Russie. Pierre le Grand, réduit à la dernière extrémité, gagna le grand vizir à force de présents, obtint la paix, et la liberté de se retirer avec son armée ; mais il rendit la ville d’Azof à Achmet. La Morée fut reconquise sur les Vénitiens dans une seule campagne. Moins heureux contre les impériaux, commandés par le prince Eugène de Savoie, le plus habile des généraux qu’ait jamais employés la maison d’Autriche, Achmet fut forcé, par la perte de la bataille de Peterwaradin, la prise de Belgrade et celle de Témeswar, de souscrire au traité de Pasarowitz. En 1718, le sultan perdit Téemeswar, Orssova, Belgrade, la Servie, et une partie de la Valachie ; mais les Vénitiens restèrent dépouilles de la Moree. Des succès contre la Perse promettaient de balancer ces revers, lorsqu’en 1750 une révolte précipita Achmet du trône sur lequel une révolte avait élevé. Le fameux Patrona, calife, fut le chef de cette révolution. Foncé de descendre du trône, Achmet alla lui-même chercher son neveu, Mahmoud Ier, le conduisit à l’Hazada, et le saluant comme empereur : « Profitez de mon exemple, lui dit-il ; si j’avais toujours suivi mon ancienne politique, de ne pas laisser longtemps mes vizirs en place, peut-être aurais-je terminé mon règne aussi glorieusement que je l’ai commencé. Adieu, je souhaite que le vôtre soit plus heureux ; je vous recommande mes fils et ma propre personne. » À ces mots, Achmet III, vainqueur des Russes et des Vénitiens, alla s’enfermer dans la même prison d’où il venait de tirer son neveu, et où il finit ses ours dans l’obscurité, sans qu’on eût cherché à en avancer le terme. Achmet III, le 3e sultan que les ottomans aient déposé en moins d’un demi-siècle, n’avait pas toujours suivi les maximes politiques de son empire et de sa maison. Il est le premier des monarques ottomans qui ait osé altérer les monnaies, et mettre de nouveaux impôts sur les peuples ; mais, par une fatalité dont les exemples ne sont pas rares dans les annales des Turcs, ses fautes n’eurent aucune influence sur la catastrophe qui termina son règne, et, comme plusieurs de ses prédécesseurs, il perdit le sceptre par ses qualités plutôt que par ses défauts, Ce prince avait de l’esprit, de la finesse, et s’appliquait aux affaires publiques. Cependant ces fêtes brillantes dont Constantinople conserva longtemps le souvenir, ces concerts de serins et de rossignols en cage qu’il se plaisait a écouter, entouré de toute sa cour, prouvent qu’il oubliait souvent les devoirs du trône. L’orage qui se forma contre lui, et que sa seule négligence l’empêcha de voir et de