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wall avait fait différents voyages en Suisse, en France, en Hollande et en Angleterre. Il a publié sur l’histoire des États de l’Europe, sur le droit public et l’économie politique, plusieurs ouvrages destinés surtout à ceux qui suivaient ses cours. La plupart ont eu de nombreuses éditions que leur auteur retouchait et retravaillait avec un soin extrême. Dans ses cours et ses ouvrages historiques, il s’appliquait principalement à saisir, au milieu des événements successifs qu’offrent les annales des peuples, tout ce qui avait pu contribuer à la formation et au développement de leurs constitutions et de leur existence politique. Son principal mérite est d’avoir soumis à une forme précise et constante, d’avoir traité sous un point de vue neuf et lumineux, la science qui a pour but de faire connaître systématiquement la nature et la somme des forces vivantes d’un État, d’en découvrir les ressources et les moyens de prospérité au physique et au moral. C’est en 1748, à Goettingue, qu’il en publia le premier plan raisonné ; l’année suivante, il en donna le manuel. Avant lui, cette science n’existait que dans des matériaux épars ; divers historiens, voyageurs, observateurs, lui avaient fourni ces matériaux. Parmi eux, on doit surtout distinguer Hermann Conring, de Helmstædt, et Eberhard Otto, syndic de la ville de Brème, qui avaient même tenté de rédiger en un corps ces faits épars. Achenwall donna à sa nouvelle science le nom de statistique, ou science de l’État (scienta statistica). C’est mal à propos que quelques personnes ont voulu faire de la statistique une simple division de la géographie : la géographie est la description de la terre, et non de ce qui se passe sur sa surface ; sans quoi l’on pourrait aussi prétendre que l’histoire, la diplomatie, même l’histoire naturelle, la minéralogie, la botanique, etc., appartiennent toutes à la géographie ; ce qui nous ramènerait à l’enfance grossière des sociétés, où les diverses branches de nos connaissances n’étaient pas encore distinguées. Il est évident qu’il peut exister une géographie pour une contrée, quand même cette contrée n’aurait pas d’habitants ; mais, sans habitants, sans l’action de l’homme et de la société, point de statistique : l’une est une science mathématique et d’arpentage ; l’autre est une science dynamique et d’énumération de forces. Le dernier ouvrage d’Achenwall a pour titre : Observations sur les finances de la France. Son principal disciple et son successeur à l’université de Goettingue fut le célèbre Schlœtzer. V-s.


ACHERY (dom Jean-Luc d’), ne à St-Quentin, en 1609, fit profession dans l’abbaye d’Isle de la même ville ; mais, voyant qu’on n’y observait pas fidèlement la règle de St. Benoit, fondateur de l’ordre, il embrassa, le 4 octobre 1632, la réforme de St. Maur, dans l’abbaye de la Ste-Trinité de Vendôme. Bientôt après, il fut attaqué du calcul, ce qui obligea de le transporter à Paris, ou il se fixa à l’abbaye de St-Germain-des-Prés, partageant son temps, malgré ses infirmités qui ne le quittèrent jamais, entre les exercices de piété et l’étude, dont il contribua beaucoup à faire revivre le goût dans l’ordre qu’il avait embrassé. Il se livra surtout à la recherche des monuments du moyen âge ; il mit en ordre la bibliothèque dont l’abbaye lui avait confié la direction, en fit des catalogues exacts, et l’augmenta de plusieurs bons livres qu’il rassembla avec soin. Il entretint avec la plupart des autres abbayes de l’ordre de St-Benoit des relations qui lui procurèrent beaucoup de pièces intéressantes, restées jusqu’alors ensevelies, et dont la publication lui acquit une grande réputation. Son premier ouvrage fut l’édition de l’Épître attribuée à l’apôtre St. Barnabé. Le P. Hugues Ménard, religieux de la même congrégation, qui en avait découvert le manuscrit dans l’abbaye de Corbie, l’avait déjà commentée, ayant le dessein de la publier ; mais la mort l’en avait empêché. Luc d’Achéry la fit paraitre sous ce titre : Epistola catholica S. Barnaboæ apostoli, gr. et lat., cum notis Nic. Hug. Menardi, et elogio ejusdem auctoris, Paris, 1645, in-4o. En 1648, dom Luc rassembla en un seul volume la Vie et les Œuvress du bienheureux Lanfranc, archevêque de Cantorbéry, Paris, 1648, in-fol. La vie de Lanfranc, qui est en tête, est tirée d’un ancien manuscrit de l’abbaye du Bec ; et ses œuvres se composent de ses Commentaires sur les Épître de St. Paul, d’après un manuscrit de l’abbaye de St-Melaine de Rennes ; d’un Traité du corps et du sang de Jésus-Christ, contre Bérenzer. Les notes qui accompagnent cette édition, et surtout la vie et les lettres de Lanfranc, sont exactes et savantes. L’appendice contient la Chronique de l’abbaye du Bec, depuis sa fondation, en 1304, jusqu’en 1437 ; la Vie de St. Herluin, fondateur et premier abbé de ce monastère : celles des quatre abbés qui lui succédèrent, et celle de St. Augustin, non pas l’evêque d’Hippone, comme Teissier le donne à penser dans sa Bibliotheca bibliothecarum, mais l’apôtre de l’Angleterre : des Traités sur l’Eucharistie, l’un par Hugues, évêque de Langres, et l’autre par Durand, abbé de Troarn, contre l’hérésie de Bérenger. Le Catalogue des ouvrages ascétiques des Pères et des auteurs modernes, que d’Achéry composa par ordre de dom Grégoire Tarisse, supérieur général, parut dans la même année, sans nom d’auteur, sous ce titre : Asceticorum, vulgo spiritualium opusculorum, quæ inter Patrum opera reperiuniur, Indiculus, etc., Paris, 1648. in-4o. Ce Catalogue, qui a été réimprime et augmenté par les soins de dom Jacques Remi, Paris. 1671, in-4o. était particulièrement utile aux personnes qui embrassaient la vie religieuse ; l’auteur indique le mérite de chaque livre, l’utilité qu’on en peut retirer. On y trouve les titres de plusieurs ouvrages mystiques qu’on recherchait dans l’avant-dernier siècle, mais qui sont aujourd’hui totalement oublies. En 1651, dom Luc publia la Vie et les Œuvres de Guibert, abbé de Nogent-sous-Couci, auxquelles il a ajouté un grand nombre de Vies de saints et d’autres pièces, Paris 1651, in-fol. Les notes sont savantes et judicieuse ; il y fait l’histoire de plusieurs abbayes, et publie des diplômes et des chartes encore inconnus. On a attaqué depuis, avec raison, la date de quelques-uns ; mais l’erreur tient de ce que ces actes ont été imprimés d’après des copies, et non d’après les origi-