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Lorsqu’il enseignait le droit à Ferrare, voulant prouver à ses disciples combien il importe d’obtenir et de conserver une réputation d’honneur et de probité, et ne les croyant pas aussi persuadés qu’il le désirait, il alla lui-même, pendant la nuit, accompagné d’un seul domestiqué, forcer des coffres où les bouchers renfermaient leurs viandes, et leur en déroba plusieurs pièces. On ne manqua pas d’accuser de ce vol les étudiants en droit, et l’on mit en prison les deux qui avaient la plus mauvaise réputation. Le professeur se présenta devant le duc, demanda leur liberté et s’accusa lui-même. On refusa de le croire ; mais il prouva facilement le fait : on le crut plus volontiers, lorsqu’il dit quel avait été le motif de cette action, et il en tira la double preuve des avantages d’une bonne renommée, et des dangers d’une mauvaise. Il laissa un grand nombre d’ouvrages, dont les principaux sont : 1o  S. Chrysostomi Homiliœ in Evangelium S. Juannis, interprète Fr. Aretino, Romæ, 1470, in-fol. : on ne doit pas dissimuler qu’Érasme, dans deux de ses lettres, accusa de peu de fidélité cette traduction, et son auteur, de peu de connaissances dans la langue grecque. 2o  Phalaridis Epistotœ, Fr. Aretiho interprete (Romæ, Ulric. Han. circa 1469), in-8o, édition princeps (Parisiis), Michel Fritburger, etc., 1471, in-8o, avec les Épîtres de Brutus et celles de Cratès (circa 1474), in-4o, 1475, in-8o, Tarvisii, 1471, in-4o, traduction latine, traduite elle-même en italien par Bartolomeo Fontio, Florentin, et publiée la même année, 1471, in-4o[1]. 3o  Diogenis, cynici philosophi Epistolæ, Fr. Aretino interprete : cette traduction est ordinairement réunie à la précédente, et à d’autres traductions latines des Lettres supposées de Brutus et de Cratès le cynique, sous le titre commun d’Epistolœ cynicœ, etc. 4o  Authoris incerti Libellus de Thermis Puteolorum, et vicinis in Italia, a Fr. de Accoltis Aretino repertus, publicatus, etc., Napoli, 1475, in-4o : on voit, par ce titre même, que Fr. Accolti ne fut que l’éditeur de cet ouvrage qu’il avait trouvé, et dont il ignorait l’auteur ; la plupart des bibliographes le lui ont attribué par erreur. 5o  Consilia seu Responsa, Pisœ, 1481 : ce sont cent-soixante-cinq consultations sur des questions de droit. 6o  Commentaria super lib. 2. Decretalium, Bonaniœ, 1481. 7o  Commentaria, Papiæ, 1493, in-fol. : ces derniers commentaires sont encore un ouvrage de jurisprudence. Il cultiva aussi la poésie italienne ; on conserve en manuscrit plusieurs de ses productions poétiques, dans les bibliothèques Chigl et Strozzi. Crescimbeni en a tiré quelques sonnets, qu’il a insérés dans son Histoire de la poésie vulgaire. Ses Lettres latines sont conservées à Milan dans la bibliothèque ambroisienne. G-é.


ACCOLTI (Bernard), d’Arezzo, que la célébrité dont il jouissait de son temps, comme poëte, fit surnommer l’Unico Aretino, était fils de Benoit Accolti l’historien, et neveu de François le jurisconsulte. Les poésies qui restent de lui sont bien au-dessous de l’idée que ses contemporains nous ont laissée de son talent poétique. À les entendre, il n’y a point d’exemple d’un succès aussi extraordinaire que celui qu’il obtint à la cour d’Urbin, et même à Rome, du temps de Léon X. Sitôt que le bruit se répandait que l’Unico réciterait des vers, on fermait les boutiques, on accourait en foule pour l’entendre ; il fallait mettre des gardes aux portes ; on illuminait toutes les salles, et une assemblée composée des hommes les plus savants et des prélats les plus distingués interrompait souvent le poëte par de vifs applaudissements. Le témoignage de ses plus illustres contemporains, entre autres du cardinal Bembo, ne permet pas de douter qu’il n’eut un mérite au-dessus du commun ; mais peut-être réussissait-il mieux dans les vers improvisés que dans ceux qu’il travaillait. Au reste, l’élégance du style manque seule à Accolti, et l’on reconnait souvent dans ses vers l’imagination et la verve d’un poëte. Il écrivait dans ce style pénible, dur et bizarre du Tibaldeo, du Cariteo, du Notturno, etc., qui régnait à la fin du fin du 15e siècle et au commencement du 16e. Ses poésies, imprimées pour la première fois à Florence, en 1513, sous ce titre : Virginia comedia, capitoli, e strambotti di messer Bernardo, Accolli Aretino, in Firenze (al di Francesco Rossegli), 1513, in-8o ; et à Venise, en 1519. sous ce titre : Opera nuova del preclarissimo messer, Bernado Accolti Aretino, scrittore apostolico ed abbreviatore, etc., in-8o, ont été réimprimées plusieurs fois. On y trouve une comédie intitulée : Virginie, écrite, selon l’usage de ce temps, en octaves, ou ottava rima, et en plusieurs autres mesures de vers. On dit qu’il lui donna ce titre de Virginie, du nom d’une fille naturelle qu’il maria, et qu’il dota richement. Léon X, qui l’aimait beaucoup, lui conféra l’emploi d’écrivain et d’abréviateur apostolique. On a aussi prétendu que ce pape lui avait donné le domaine de Nepi ; mais l’Unico nous apprend lui-même, dans une lettre à Pierre Arétin, qu’il avait acheté ce domaine de ses propres fonds, et il se plaint qu’il lui ait été enlevé par Paul III. On ignore l’époque précise de sa naissance et de sa mort. Il paraît seulement qu’il survécut à l’Arioste. Ce grand poëte parle de lui, dans son 4e chant, comme d’un chevalier fort considéré à la cour d’Urbin, et qui accompagnait les dames de cette cour.

Il cavalier che tra loe viene, e ch’elle
Onoran si…
E’il gram lume Aretiu, l’unico Accolti.

G-é.


ACCOLTI (Pierre), fils, comme le précédent, de Benoit l’historien, naquit, en 1455, à Florence, où ses parents avaient acquis les droits de cité. Il étudia les lois à Pise, et y fut docteur et professeur en droit. Il entra ensuite dans l’Église, fut fait auditeur de rote par Alexandre VI, évêque d’Ancône par Jules II, qui le nomma, six ans après, cardinal, du

  1. Voyez Gripolini, auquel la traduction des lettres de Phalatis et de Diogene est attribuée sur d’assez bonnes autorités. L’abbé Battaglini a écrit sur ce point d’histoire littéraire une dissertation fort érudite, ou il donne ces deux traductions et celle de Chrysostome a Francesco Lippi d’Arezzo. Ses raisons nous ont paru très-fortes. Cette dissertation se trouve dans les Effemeride letterarie di Roma, décembre 1821 B-ss.