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DISCOURS PRÉLIMINAIRE

dra se confondre dans cette édition nouvelle, dirigée aussi par ses conseils et son expérience, et placée sous les auspices de sa renommée.

Cependant le travail primitif n’était-il pas susceptible d’améliorations réelles ? Si l’opinion publique revient toujours au sentiment du juste et du vrai, sa première appréciation n’est pas toujours infaillible, et il lui faut du temps pour s’affranchir de ses préjugés. C’est ainsi que, sur la foi d’une prévention qui s’attachait peut-être inévitablement au nom et à la position de quelques-uns de ses auteurs, des concurrences envieuses ont répandu que la Biographie universelle était une œuvre de parti, suspecte, selon les hommes et les temps, d’un faux enthousiasme ou d’une intolérance fanatique. L’ensemble de cette immense composition, l’esprit général qui la domine, répondent d’eux-mêmes à ce reproche, et la nomenclature seule de ses collaborateurs, hommes de tous les pays, de toutes les spécialités, de toutes les croyances religieuses et politiques, repousse victorieusement cette injuste accusation.

Toutefois il faut reconnaître que quelques articles n’ont pu se soustraire à cet empire de la passion qu’expliquent, mais ne justifient pas, les circonstances au milieu desquelles ils furent publiés. Avouons qu’en présence de ces rapides changements qui depuis 1810 ont remué le monde, certaines pages de la Biographie, dues à la plume d’écrivains mêlés eux-mêmes aux choses et aux luttes du temps, ne pouvaient être écrites avec cette liberté de penser, condition essentielle de l’histoire. Sous le gouvernement impérial, le régime de la censure ; sous la restauration, les réticences commandées par un nouvel ordre d’idées et d’intérêts, ont dû également faire obstacle à la manifestation libre et complète de la vérité. Mais si alors les dissensions civiles ont pu obscurcir les intelligences les plus hautes, égarer quelquefois les cœurs les plus droits, rien de semblable qu’existe aujourd’hui. Trois ou quatre révolutions successives ont mûri les esprits, apaise les passions, expliqué les événements, rendu aux opinions plus de calme et d’impartialité. Sous ce rapport, elles ont avancé l’œuvre de la postérité.

Ces jugements précipités, ces vestiges de querelles, éteintes, ces tableaux ; ces portraits incomplets, seront ou effacés ou soigneusement revus, autant que possible, par les auteurs eux-mêmes, et cette épuration importante recommanderait suffisamment à la faveur publique cette réimpression.

Mais ce n’est point l’unique perfectionnement par lequel elle se distinguera. Dans ces derniers temps, l’histoire, la géographie, l’archéologie, la philologie, la théorie de la science et la théorie de l’art ont marché à pas de géant et répandu des flots de lumière sur les connaissances humaines. Dans une encyclopédie biographique aussi vaste, la critique, l’expérience, le temps devaient nécessairement signaler des erreurs et des lacunes. Pour notre histoire, par exemple, M. Augustin Thierry écrivait au début de sa carrière : « La vraie histoire nationale, celle qui mériterait de devenir populaire, est encore ensevelie dans la poussière des chroniques contemporaines. » En effet, l’école des Guizot, des Sismondi, des Thierry, des Michelet, ne nous avait pas appris encore l’art de puiser dans ces sources naïves et originales, non-seulement la vie publique et anecdotique des hommes célèbres, mais en quelque sorte la biographie des races et des générations. De là, dans les premiers volumes, quelques parties arides, sans