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mais le comte d’Aboville, alléguant ses infirmités, écrivit au président pour se dispenser d’y siéger. Cette espèce de refus lui fit ensuite conserver son rang après le retour de Louis XVIII ; mais, accablé de vieillesse et d’infirmités, il ne parut guère à cette assemblée, et il y avait à peine trois mois qu’il avait été nommé grand-croix de St-Louis, lorsqu’il mourut, le 1er novembre 1817[1]. Le comte d’Aboville possédait des connaissances profondes en artillerie. Il était membre de plusieurs sociétés savantes, et la mécanique lui est redevable de l’invention des roues à moyeux de métal, dites roues à voussoir, qui furent distinguées à l’exposition des produits de l’industrie française en 1802, et dont la classe des sciences mathématiques de l’institut parle avec éloge dans son rapport de 1808. F-ll.


ABOVILLE (Augustin-Gabriel, comte d’), fils aîné du précédent, et, après lui, pair de France, naquit à la Fère le 20 mars 1773. Entré au service, en 1789, avec le grade de sous-lieutenant, il devint lieutenant, puis capitaine d’artillerie en 1792, et fit, en cette qualité, les premières campagnes de la révolution dans les armées du Nord, de la Moselle et de Sambre-et-Meuse. Promu au grade de chef de bataillon le 13 mars 1800, il fut employé, en avril de la même année, à l’armée de réserve qui se formait à Dijon. Peu après la bataille de Marengo, il fut directeur général des parcs d’artillerie de l’armée, et se distingua au siége de Vérone. En 1803, il fut envoyé en Zélande, et mit dans le plus bel état de défense l’ile de Walcheren et la place de Flessingue. L’année suivante il obtint les titres de colonel et d’officier de la Légion d’honneur. Il fit successivement les campagnes d’Allemagne et de Portugal, à la suite desquelles il reçut une dotation de 4,000 francs de rente et le grade de maréchal de camp. Il servit encore en Espagne avec beaucoup de distinction. Enfermé dans la place de Tuy, il s’y maintint contre des forces supérieures, et contribua beaucoup au gain de la bataille de Talavéra, où il commandait l’artillerie sous le maréchal Victor. Il assista ensuite au siége de Cadix, ou il fut légèrement blessé ; et s’empara du fort de Matagorda en 1810. Lors des désastres qui forcèrent les Français d’évacuer ce royaume, il eut la gloire de sauver, pendant la retraite, une soixantaine de pièces de canon qu’il dirigea sur Bayonne. Il avait été créé baron en 1812. À la première restauration, il alla jusqu’à Calais au-devant de Louis XVIII, qui le nomma chevalier de St-Louis et commissaire près l’administration des poudres et salpêtres. En novembre 1817, il succéda à son père dans la dignité de pair et dans le titre de comte. Lorsqu’on discuta dans la chambre le projet de loi relatif à la fabrication des poudres, il combattit la disposition de cette loi qui supprimait les fouilles obligées, alléguant le long usage, les prérogatives de la couronne, le tort qui serait fait à une branche d’industrie indigène et aux familles qui y trouvaient leur subsistance : mais il ne put faire prévaloir son opinion. Le comte d’Aboville fut l’un des fondateurs de la société créée en 1819 pour l’amélioration des prisons ; il faisait aussi partie du comité spécial et consultatif de l’artillerie. Il est mort à Paris, le 15 août 1820 ; et son éloge, lu à la chambre des pairs par le comte Buty, se trouve dans le Moniteur de cette année, p. 1168. ─ Ce fut le frère de ce général (Augustin-Marie) qui, le 10 mars 1815, s’opposa à l’entrée de Lefebvre-Desnouettes (voy. ce nom) dans la place de la Père, dont il avait le commandement. F-ll.


ABRABANEL ou ABRAVANEL (Isaac), ministre des finances en Portugal et en Espagne, et savant rabbin, naquit à Lisbonne en 1437, d’une famille qui prétendait descendre de David, et fut, par ses emplois et ses richesses, un des hommes les plus distingués de sa nation. Il parut de bonne heure à la cour d’Alphonse V, roi de Portugal, qui lui confia la direction de ses finances ; mais, à la mort de ce prince, Abrabanel fut accusé d’être entré dans une conspiration tendant à livrer le Portugal à l’Espagne. Que ce soupçon fût fondé ou non, il est certain qu’Abrabanel, voulant se soustraire à ses ennemis, passa secrètement en Castille, où il fut accueilli par Ferdinand et Isabelle, qui se servirent de lui pour rétablir les finances de l’Espagne. Il résida plusieurs années dans ce pays ; mais la faveur dont il jouissait à la cour ne le fit point excepter de la mesure générale qui, en 1492, ordonna l’expulsion des juifs. Abrabanel se retira d’abord à Naples, où il obtint la confiance de Ferdinand Ier. À la mort de ce prince, Charles VIII s’étant emparé du royaume de Naples, Abrabanel s’enfuit en Sicile avec Alphonse II, qui avait succédé à son père Ferdinand. Il demeura fidèle à Alphonse au milieu de ses malheurs ; et ayant survécu à ce prince, il fut encore forcé de changer de retraite, passa à Corfou, de là dans la Pouille, et alla mourir à Venise, en 1508, à l’âge de 71 ans. Lorsqu’il était dans cette ville, il fut chargé d’accommoder un différend entre les Vénitiens et les Portugais, au sujet du commerce des épiceries, et il obtint beaucoup de considération par la manière dont il s’en acquitta. Il employait ses heures de loisir à étudier les écritures héraüques, et écrivit des Commentaires très-estimés des Juifs. Ils le regardent comme un de leurs écrivains les plus instruits, et le comparent même à Maimonides. Plusieurs nobles vénitiens et les juifs les plus distingués assistèrent à ses funérailles. Son corps fut transporté et enterré à Padoue. Abrabanel est célèbre par ses nombreux ouvrages, écrits d’un style pur et facile, et qui lui donnent un rang distingué parmi les rabbins. On peut en voir la liste dans le tome 41e des Mémoires de Nicéron, et dans le 2e volume des Mémoires de Littérature portugaise. Les principaux sont : 1° Commentaire sur le Pentateuque, Venise, 1579, in-fol.

  1. Et non point en 1819, comme l’ont écrit plusieurs biographies publiées récemment. Voy. dans le Moniteur du 10 novembre 1817, p. 1239, un article nécrologique sur ce général. Son éloge, prononcé par le maréchal Marmont, à la chambre des pairs, dont le général d’Aboville est mort doyen, a été inséré dans le Moniteur de la même année, p. 1279. Le maréchal loue la fixité de ses principes et sa philosophie guerrière. « M. d’Aboville, dit-il, a offert, pendant plus de soixante ans, l’exemple de cette loyauté de sentiments qui, au champ d’honneur, double la force des armées. Son au honneur fit dans le devoir. »