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M. Ch. Malo, 2e édition, Paris, 1810, in-8o, coïncida avec l’arrivée en France et en Angleterre de l’ambassadeur persan Mirza-Aboul-Haçan-Kan ; l’éditeur confondit ou feignit de confondre cet envoyé avec le voyageur, ce qui donna lieu à des réclamations du premier. (Voy. Aboul-Haçan-Kan.) La relation de Mirza Abou-Taleb est l’ouvrage d’un homme plein d’esprit et d’instruction. Ses observations sur les mœurs, les lois, les usages des pays qu’il a visités, sont remplies de finesse et de sagacité. Son tableau de la révolution française et de la fortune de Bonaparte est fort curieux, quoiqu’il contienne quelques erreurs. Abou-Taleb n’ayant, pour ainsi dire, que traversé la France, en parle beaucoup plus succinctement que de l’Angleterre. Il ne dissimule pas les défauts des Anglais, mais il leur donne en tout la préférence sur les Français, et cette prédilection n’est pas à l’avantage des dames françaises. Les préjugés musulmans se montrent quelquefois. L’auteur se plaint de ce que la disette d’eau et l’encombrement des hommes sur un navire l’empêchaient de faire ses ablutions. Du reste, il buvait du vin sans se gêner. Abou-Taleb a composé d’autres ouvrages : un Lebb al-Tewarikh (Cœur ou Moelle de l’histoire), abrégé de la géographie et de l’histoire de l’Europe, extrait de Jonathan Scott ; un poëme de douze cents vers persans, contenant une description de l’empire britannique, et divisé en sections relatives à quelques curiosités particulières. C’est peut-être le même ouvrage que son Voyage poétique. Le Mesnewy, recueil d’odes, dans le genre de Hafiz, principalement consacrées à célébrer le vin, l’amour et les femmes. L’auteur dit que plusieurs de ses odes ont été traduites en français par MM. Silvestre de Sacy et Langlés, ainsi que par M. de Hammer, qui en a traduit aussi en anglais et en allemand : le premier de ces orientalistes n’en a aucun souvenir. A-t.


ABOVILLE (François-Marie, comte d’), général français, né à Brest le 23 janvier 1730, descendait d’une ancienne famille, originaire de Normandie, qui a fourni à l’État, depuis plusieurs siècles, des officiers distingués[1]. Son père, Bernardin d’Aboville, chevalier de St-Louis et commissaire provincial d’artillerie à Brest, mourut en 1730, et le jeune François-Marie, destiné à suivre la même carrière, entra comme surnuméraire dans l’artillerie, dès l’âge de quinze ans. Il se trouva aux batailles de Fontenoy (1745) et de Laufeld (1747), en qualité d’aide de camp du général d’artillerie Julien d’Aboville, son oncle[2]. Pendant la guerre de sept ans, il servit nous les ordres du maréchal d’Armentières et se distingua particulièrement au siége de Munster, en 1759. Parvenu au grade de colonel, il commanda l’artillerie du corps d’armée que le comte de Rochambeau conduisit en Amérique, dirigea le siége de York-Town avec une habileté qui contribua beaucoup à la prise de cette ville (1781) et qui lui valut le grade de brigadier d’infanterie[3]. Les services qu’il avait rendus à la cause de l’indépendance américaine furent aussi récompensés par le titre de chevalier de l’ordre de Cincinnatus. En 1788, il obtint le grade de maréchal de camp ; l’année suivante, il fit partie du comité militaire assemblé à Paris ; il y proposa la réunion de l’artillerie et du génie : cette mesure, qui ne fut pas adoptée, occupa l’assemblée pendant deux séances et fournit au comte d’Aboville l’occasion de faire voir l’étendue de ses connaissances. Plus heureux dans la création de l’artillerie à cheval, il parvint à faire adopter cette arme qui a produit de si heureux résultats. Lors du voyage de Louis XVI à Varennes, d’Aboville envoya à l’assemblée nationale l’assurance de son dévouement. Nommé lieutenant général en 1792, il obtint le commandement de l’artillerie de l’armée du Nord, sous les ordres de Rochambeau, et se trouva à la bataille de Valmy. (Voy. Dumouriez.) Lors de la défection de ce général, il publia contre lui une proclamation violente datée de Sarre-Louis[4] : ce qui n’empêcha pas qu’il ne fût ensuite emprisonné comme noble, à Soissons. Il ne recouvra la liberté qu’après le 9 thermidor. En 1795, il fut chargé de reprendre plusieurs villes du Nord tombées au pouvoir des impériaux, puis d’inspecter l’artillerie des places de la Belgique et de la Hollande. De retour en France, il fut nommé président du comité central d’artillerie ; et peu de temps après inspecteur général de l’artillerie. En 1802, il fut fait sénateur, puis grand officier de la Légion d’honneur, et, en 1805, pourvu de la sénatorerie de Besant on. Ce fut lui qu’en 1804 Napoléon chargea d’aller à Alexandrie au-devant de Pie VII pour l’accompagné jusqu’à Paris, où le pontife devait le couronner. D’Aboville fut ensuite nommé commandant des gardes nationales de trois départements de l’Est (Doubs, Jura, Haute-Saône), et gouverneur de Brest (1807). Lorsqu’en 1809 les Anglais, après s’être emparés des iles de la Zélande, menacèrent le port d’Anvers, il fut nommé pour commander la réserve destinée à le secourir. Tant de faveurs-et de marques de confiance font assez supposer de quel dévouement le comte d’Aboville payait Napoléon par ses votes dans le sénat. Cependant, le 5 avril 1814, se trouvant à Paris, il adhéra sans balancer à toutes les mesures prises pour la déchéance de l’empereur et le rétablissement des Bourbons. Le 4 juin suivant, Louis XVIII le nomma pair de France et commandeur de St-Louis. Revenu de l’île d’Elbe, Napoléon l’appela aussi dans sa chambre des pairs ;

  1. On cite notamment un chevalier Michel d’Aboville, baron de la Haye et Champeaux, capitaine d’une compagnie d’ordonnance sous le roi Jean, tué le 19 septembre 1356, à la bataille de Poitiers. Un oncle paternel du comte d’Aboville fut tué à la bataille de Poitiers (1702), un autre à celle de Ramilles (1706), un troisième au siége de Fribourg (1744).
  2. Julien d’Aboville, chevalier de St-Louis, lieutenant général des armées du roi, servit avec distinction depuis 1704 jusqu’en 1757, Assista aux siéges de trente-quatre villes, à plusieurs batailles, eût, un dans la guerre de 1744, le commandement en chef de l’artillerie dans l’armée du maréchal de Saxe, et mourut sans postérité, en 1773, premier inspecteur général de l’artillerie
  3. La prise de New-York termina la guerre. Lord Cornwallis, prisonnier, rendit un hommage éclatant aux talents d’Aboville en déclarant que c’était au général d’artillerie qu’il rendait les armes.
  4. Insérée dans le Moniteur, et par extrait dans la Galerie maritime de F Bavlé et L. Beaumont, an 13. t. t, p. 10-11.