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a6 CLÉ fougueux apôtre du calvinisme avait adopté pour base de sa doctrine le dogme désespe’rant de la prédestination absolue, ce qui e’tait eu contradiction complète avec l’opinion de Pelage, partisan déclare du libre arbitre. Les jésuites espagnols ne se montrèrent pas les moins ardents à combattre le nouvel ennemi de l’Église romaine. Ils donnèrent dans leurs écoles de nouvelles explications de la doctrine de S. Augustin , à laquelle ils apportèrent quelques modifications , en accordant quelque chose de plus au mérite qu’à la grâce. Molina , l’un d’eux, recueillit toutes ces propositions dans un livre intitulé : Concorde de la grâce et du libre arbitre , et peut-être les jésuites , de l’aveu même de leurs ennemis, eurent-ils alors seulement en vue le projet politique de former une salutaire opposition aux fureurs de Calvin. Ou ne jugea point leurs intentions d’une manière aussi bienveillante. Le dominicain Bannez réfuta le livre de Molina en l’accusant de pélagianisme. Un autre jésuite même, Henriquoz, se déclara contre Molina. Toute l’Église d’Espagne se divisa en deux partis, et Clément VIII obtint de Philippe II que la contestation serait évoquée à Rome pour y être jugée. Le pape rassembla près de lui quelques docteurs romains et autres, sous la présidence du cardinal chef de la congrégation du St.-Office. Ces assemblées commencèrent en iSgS, et durèrent neuf années, sous les pontificats de Clément VIII et de Paul V, son successeur. Elles prirent le nom de congrégation De auxiliis. Quelquefois elles furent de simples conférences entre les arbitres nommés ; dans d’autres occasions, on entendit les parties pour soutenir et défendre leurs opinions réciproques. Les esprits s’é-CLÉ chauffèrent , et la question s’obscurcit davantage. Au lieu de s’élever à la hauteur d’une théologie transcendante, on descendit à des arguties minutieuses ; on inventa des termes subtils pour expliquer des idées simples , tels furent ceux de grâce suffisante, grâce efficace , grâce versatile , grâce concomitante , grâce excitante , science moyenne, congruisme , pouvoir prochain , etc. Les jésuites accusaient leurs antagonistes de favoriser la révolte de Calvin , et ceux-ci , qui prirent quelques années après le nom de jansénistes , reprochaient aux jésuites de renouveler les erreurs de Pelage. Il y eut cependant quelques apparences d’accommodement. Les jésuites proposèrent , à plusieurs reprises , de permettre à chacun de soutenir son opinion comme probable , ce qui a beaucoup d’analogie avec le sentiment de Bossuet. Ils parvinrent même à gagner les thomistes et à obtenir d’eux quelques concessions , que les jansénistes , par la suite , reprochèrent hautement à ceux - ci ( voj. les Provinciales ) ; mais ce ne furent que des lueurs passagères de rapprochement. Il semblait , dans cette lutte opiniâtre , que chaque parti n’eût d’autre but que de se faire condamner mutuellement comme hérétique. Les écrivains ennemis des jésuites prétendent que l’opinion des congrégations fut en général opposée à la doctrine de MoUna , et que Clément Mil était sur le point d’émettre la bulle de condamnation lorsque la mort le surprit. Rien ne vient à l’appui de cette conjecture. Il est très probable, au contraire, que, dans la crainte de ménager un sujet de triomphe aux réformés , on ne voulut pas joindre au scandale d’une discussion de’)à trop prolongée , le scandale plus dangereux encore d’un juge-