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d’Etat, à cette première époque où les principes du droit politique et civil furent solennellement discutés, et il fit partie de cette fraction du conseil d’Etat opposée sans doute au retour des formes de l’ancien régime, de la vieille société mais qui accepta et grandit le pouvoir matériel du consulat. Thibaudeau vota d’une façon maussade le concordat, le retour des émigrés, la Légion-d’Honneur, mais il accorda volontiers le pouvoir discrétionnaire au premier consul dans les questions de gouvernement, cequi était, je le répète, une tradition du comité du salut public. Aussi Napoléon jugea-t-il qu’il ferait de lui un excellent préfet, ferme dans la pensée, prompt dans l’action. Un moment désigné pour le département de la Gironde, il fut nommé à Marseille, où il remplaça Charles Delacroix, esprit d’une grande tempérance et d’une certaine élégance diplomatique. Le consulat était un gouvernement de force et de volonté. Un préfet n’était qu’une espèce de représentant en mission avec les plus vastes pouvoirs, situation qui devait plaire à Thibaudeau. Il administra fortement dans la transition du consulat à l’Empire. Créé comte, commandeur de la Légion-d’Honneur, il garda le titre de conseiller d’Etat, comme s’il n’eût été que détaché à une préfecture. Son zèle fut grand pour Napoléon ; il fit exécuter les lois de la conscription surtout, avec une rigueur dont il est resté de tristes souvenirs à Marseille. Les choses marchèrent ainsi jusqu’en 1808, époque où les circonstances devinrent plus graves pour le département des Bouches-du-Rhône. Deux personnages importants vinrent alors l’habiter, Charles IV, roi d’Espagne, et l’ancien directeur Barras. Charles IV était resté en lui-même un personnage fort insignifiant, mais on craignait qu’il ne fût enlevé par les vaisseaux anglais, qui alors dominaient toute la Méditerranée, et détruisaient chaque jour les batteries de la côte. Le séjour de Barras était une autre inquiétude pour Thibaudeau : l’ex-directeur, longtemps son collègue, son supérieur, ne se gênait pas pour rappeler son passé ; jamais la population de Marseille n’avait été favorable au préfet ni au régime qu’il représentait. Quand vinrent les jours difficiles, il se forma plus d’un complot. Le plus grave fut celui qui correspondit à la conspiration Mallet, tentative de fusion des jacobins et des royalistes. La police de Thibaudeau fut surprise, comme celle de Savary, et la répression fut d’autant plus inflexible que les événements avaient été moins prévus. Avec la fermeté de son caractère, Thibaudeau dissimula nos échecs et nos revers à une population mécontente, et ce ne fut que le 13 avril 1814, qu’il fit communiquer les actes du sénat sur la déchéance de Napoléon. Il quitta Marseille sous un déguisement, et vint se réfugier à Paris, où les ennemis de la restauration trouvèrent bientôt un refuge assuré.

Il était trop facile de conspirer en 1814, pour que tous les adversaires des Bourbons ne le fissent pas, Thibaudeau resta fidèle à la cause de la révolution et de l’empire ; il ne devait rien aux Bourbons ; nul reproche ne peut donc lui être adressé. Après le 20 mars, il fut porté à la nouvelle chambre des pairs. Toujours dévoué à la cause impériale, il ne se laissa ni leur-