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voyant que l’on faisait mourir sous ses yeux le sous-prieur qui s’était sauvé avec lui dans le réfectoire, priait les soldats à grands cris de ne point l’épargner et de lui ôter la vie. Un des soldats ayant pitié de sa jeunesse, lui jeta son manteau sur les épaules, lui disant de le suivre, et seul il fut conservé dans cet effroyable massacre. Après avoir tout égorgé, les Normands, furieux de ne trouver aucun trésor, mirent le feu au monastère, qu’ils avaient pillé pendant trois jours. C’était le 26 août 870. Le jeune Tugar s’étant échappé, revint à Groyland, où il retrouva les trente religieux qui, après avoir quitté leurs marais, étaient occupés à éteindre l’incendie. Il leur raconta ce qui s’était passé en leur absence. Après avoir répandu beaucoup de larmes, ils reprirent leur travail. Ayant ensuite remué les décombres pendant trois jours, ils trouvèrent devant l’autel, leur saint abbé Théodore, sans tête, dépouillé de ses habits, à demi brulé, écrasé par la chute des poutres, et enfoncé en terre. Ils découvrirent successivement les autres victimes. Deux religieux, plus que centenaires, avaient été égorgés, comme ils cherchaient à fuir dans le parloir. G—y.

THÉODORE, métropolitain de Carie, fut au ixe siècle un des prélats les plus distingués de l’Eglise d’0rient. Parfaitement instruit dans les lettres grecques et arabes, il écrivit contre les Mahométans, les Juifs et les hérétiques qui désolaient cette église. Ayant pris le parti de Photius, il abandonna le schisme, et, à la tête des évêques qui étaient tombés dans la même faute, il se présenta à la seconde session du huitième concile général,tenu en 869,demandant à être réconcilié avec l’Eglise, ce qui lui fut accordé. Le patriarche Ignace lui ayant rendu le pallium, il prit séance au concile selon son rang. Théodore se distingua dans cette assemblée par sa sagesse et sa doctrine. Cependant comme il avait, à l’instigation de Photius, souscrit à la prétendue déposition du pape Nicolas, les légats du pape Adrien, qui, au nom du Souverain-Pontife, présidaient le concile de Constantinople, n’osèrent prendre sur eux de rétablir Théodore dans ses fonctions épiscopales. Sans doute ils s’étaient chargés de solliciter cette faveun aussitôt après leur retour à Rome, mais ayant été en chemin dépouillés, arrêtés, le patriarche Ignace, qui n’entendait point parler d’eux, écrivit en 871 au pape Adrien pour le consulter sur différents sujets et aussi pour demander que Théodore fût rétabli dans ses fonctions, comme métropolitain de Carie. « C’est moi, disait le patriarche, qui l’ai ordonné et il a beaucoup souffert pour la bonne cause. Sans doute, il a eu un moment de grande faiblesse, mais il s’est repenti, et il a publiquement demandé pardon aux Pères assemblés sous votre présidence, à Constantinople. » A cette lettre, le patriarche avait joint quelques présents pour le pape, un Evangile grec-latin corrigé avec soin, une étole couverte de plaques d’or, une chasuble précieuse, et de la thériaque d’une vertu éprouvée. L’empereur joignit ses prières et ses présents à ceux du patriarche. Sans doute le pape se prêta à leurs vœux, mais nous n’avons point sa réponse à ce sujet. Le savant Gretsar, de la société de Jésus, a publié en grec et en latin, quarante-deux opuscules de Théodore, que l’on surnomme Abucara ou Père de Carie, Ingolstadt,