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et les suites de leur destruction. On peut affirmer hardiment que cet ouvrage a été la cause de la haine qui s’acharna contre l’abbé Tharin, lorsque la confiance de Charles X l’eut appelé auprès du duc de Bordeaux, pour diriger son éducation. Probablement ceux qui firent alors retentir la France de leurs craintes et de leurs doléances hypocrites, n’avaient pas lu le premier mot de la Défense des Jésuites ; mais le titre seul n’était-il pas un péché irrémissible ? La postérité aura de la peine à croire que des mots et des fantômes aient si longtemps ému le peuple français, qui s’estime avec raison un peuple brave et spirituel. Au reste l’abbé Tharin procède d’après les lois d’une rigoureuse logique. S’il se prononce pour les Jésuites, ce n’est qu’après avoir bien pesé et les torts qu’on leur impute et les apologies qu’ils opposent. Sa méthode est excellente ; ses raisonnements concluants, et son style, quoique vif et animé, est exempt d’aigreur et d’amertume. On peut même regretter qu’il n’ait pas profité de tous ses avantages, tant l’histoire lui fournissait de preuves et de documents à l’appui de sa thèse ! Il était au sein de sa famille, espérant que quelques jours de repos lui suffiraient pour recouvrer ses forces, et qu’il pourrait ensuite rentrer dans la société de Saint-Sulpice, à laquelle il était tendrement attaché ; mais d’après l’avis formel des médecins il dut renoncer à cet espoir et accepter les lettres de grand-vicaire que lui offrit M. Courtois de Pressigny, archevêque de Besançon. Ce choix fut universellement applaudi ; le diocèse fut administré avec beaucoup de sagesse et ne se ressentit nullement des absences prolongées que le prélat était obligé de faire à Paris commet pair de France. Pendant que l’abbé Tharin était occupé de ses nouvelles fonctions, on songeait à l’élever à l’épiscopat. Les siéges d’Angoulême, de Langres et de Metz lui furent successivement offerts ; il sut faire agréer ses refus et repoussa des dignités et des honneurs que sa modestie lui présentait comme supérieurs à son mérite et à ses services. Mais enfin le prince de Croy, ayant été transféré à Rouen, voulut l’avoir pour son successeur à Strasbourg, et il triompha, non sans peine, de sa résistance. La lettre pastorale que ce nouveau prélat publia le 19 janvier 1824 à l’occasion de sa prise de possession, est admiré comme un monument de haute éloquence. Il ne fut que deux ans évêque de Strasbourg, et il y fit briller dès le premier moment, ses talents pour l’administration. Jaloux de procurer à son peuple de saints prêtres, il remit en honneur les lois de la discipline ecclésiastique. Il vécut toujours dans les meilleurs rapports avec les autorités de son diocèse. La douceur de ses mœurs, son affabilité, sa modestie, un rare désintéressement, une charité vraiment chrétienne, toutes ces précieuses qualités étaient relevées par une physionomie heureuse, des manières nobles, aisées, et une conversation élégante sans effort. A peine fut-il nommé, en 1826, précepteur du duc de Bordeaux, que toute la presse libérale, jeta un long cri d’épouvante. C’en était fait de la charte, la monarchie s’engageait dans des écueils, l’ultramontanisme allait tout envahir. Nous ririons aujourd’hui de toutes les inepties que l’on débita gravement à cette époque sur la Cama-