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donna pour aller chercher à Venise des plaisirs plus piquants. Subjugué par une comédienne nommée Bettina qui, à des charmes peu communs, joignait tout l’art, tout le manège de la coquetterie et la séduction du talent, il l’épousa lorsqu’il devint veuf, voulant, dit-il, donner un élat au fils qu’il avait eu d’elle. Mais celui qui n’avait pu trouver le bonheur auprès d’une femme vertueuse, s’était préparé avec une autre d’inévitables chagrins. Son penchant à la jalousie amenait sans cesse de nouvelles querelles entre les époux. A la suite d’une scène violente, Albergati, dans une sorte de délire, frappa de deux coups mortels celle qu’il avait tant aimée. Son crédit et sa fortune ne purent le sauver d’une procédure criminelle ; mais peut-être contribuèrent-ils à le préserver d’une condamnation capitale. Il s’exila de sa patrie en 1785, et lorsqu’il y revint, quelques années après, loin de mettre à profit la leçon du passé, il épousa en troisièmes noces, à l’âge de 70 ans, la danseuse Zampieri qui, par ses mauvais procédés et ses fureurs jalouses, sembla s’être chargée de venger celles qui l’avaient précédée. — Albergati parlait et écrivait avec facilité les principales langues de l’Europe. A l’exemple de son compatriote Goldoni, avec lequel il eut plus d’un trait de ressemblance et par sa vie aventureuse et par le talent de composer et de jouer des comédies, Il parvint a écrire en français avec une élégante simplicité. On connaît de lui une lettre à Voltaire[1], qui a été insérée dans l’Observateur Littéraire (tome 3, 1761, p. 242-257). Il y parle en homme de goût de l’art théâtral, et venge Goldoni, qu’il appelle auteur admirable et peintre de la nature, des critiques injustes auxquelles il avait été en butte. Ce commerce épistolaire dura plusieurs années. On trouve les lettres de Voltaire au marquis, dans les tomes 56 à 60 de sa correspondance générale (édition de Kehl). C’est dans une de ces lettres que le philosophe de Ferney a formellement désavoué la Pucelle, et qu’il fait une profession de foi religieuse bien peu sincère et très extraordinaire dans sa bouche. Il paraît que leurs relations cessèrent brusquement, lorsque Voltaire eut écrit d’une manière assez piquante, et presque dédaigneuse, sur la promotion à la chambellanie du roi de Sardaigne, qu’Albergati avait obtenue. « Je vous aimerais mieux, lui dit-il, dans votre palais à Bologne que dans l’antichambre d’un prince. J’ai été aussi chambellan d’un roi, mais j’aime cent fois mieux être dans ma chambre que dans la sienne. » La collection des comédies d’Albergati a été publiée à Bologne, en 1784., in-12. On y distingue celle qui a pour titre Il pregiudizio del falso onore, où il fronde la manie du duel. Il a traduit en italien les tragédies de Phèdre, de Sémiramis, d’Idoménée, de Ninus II, etc. Ses Novelle morali, publiées à Paris et à Bologne, 1783, 2 vol. in-12, jouissent aussi de quelque estime. On a publié à Bologne une collection de ses œuvres, 6 vol. in-8º, 1784. Albergati est encore auteur de plusieurs discours sur les beaux-arts, de l’éloge funèbre d’Albert Stalla, de différentes dissertations sur des médailles antiques, et de la version de l’ouvrage de Jean-Antoine Comparet sur l’éducation. Sa société était agréa-

  1. C’est une réponse à une des lettres les plus remarquables de la correspondance de Voltaire (Lettre 246, tome 56, édition de Kehl).