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privée. A Florence, ils menèrent une vie fort retirée. Alfieri, dont les occupations littéraires avaient souffert une longue interruption, eut alors l’idée de réparer le temps perdu ; mais il se livra à un travail si peu modéré, qu’il fut atteint d’une maladie aiguë qui mit un terme à sa vie, le 8 octobre 1803. La comtesse lui fit élever dans l’église de Santa-Croce de Florence un superbe tombeau, qui a été exécuté d’après les dessins et sous la direction du célèbre Canova. Elle eut aussi le soin de faire publier une très-belle édition de ses œuvres choisies, autre monument non moins propre à perpétuer la mémoire de celui pour lequel elle avait une admiration qui tenait de l’enthousiasme. — A cette époque M. Clarke (depuis duc de Feltre), qui résidait à Florence en qualité de ministre de France, fit tous ses efforts pour être présenté dans la société de madame d’Albany, et ne put y parvenir. Le culte de M. Clarke pour madame d’Albany se fondait sur ce sentiment naturel qui porte à rechercher la société d’une femme d’esprit, et sur cet enthousiasme qui, dans ses idées de famille jacobite, lui faisait voir dans cette même femme la reine légitime d’Angleterre. — Madame d’Albany ayant toujours partagé les profonds sentiments de haine qu’Alfieri fit si souvent éclater contre le nouvel ordre de choses en France, le gouvernement de ce pays ne manqua pas, dès qu’il devint maître de la Toscane (1807), d’inquiéter cette dame par une surveillance minutieuse, et finit par la mander à Paris. Admise en présence de Napoléon, la comtesse écarta, par des raisons si solides, les soupçons qui planaient sur elle, que l’empereur parut honteux d’y avoir ajouté foi, et lui accorda en termes pleins de bienveillance la permission de retourner à Florence. Revenue dans ses foyers, après plus d’une année d’absence, elle reçut des Florentins l’accueil le plus flatteur. Plus tard elle admit dans son intimité un peintre français distingué, M. François-Xavier Fabre, qui avait été lié avec Alfieri, et par un testament, fait en 1817, elle l’institua son héritier universel. — Madame d’Albany mourut le 29 janvier 1824, à l’âge de 72 ans. Ses restes furent déposés dans le tombeau qui renferme ceux d’Alfieri, conformément au désir que ce poète avait exprimé, dans l’épitaphe qu’il composa pour lui-même. Le monument que M. Fabre a consacré à sa mémoire est un chef-d’œuvre de simplicité, de grâce et d’élégance : il consiste en un cippe auprès duquel se groupent deux génies ailés tenant une urne cinéraire ; le fût du cippe est couvert de bas-reliefs allégoriques qui font allusion aux qualités de l’illustre défunte, et le socle porte une inscription latine en style lapidaire. Ce monument, dont les dessins sont dus à M. Percier, architecte français, et l’exécution en marbre à M. Santarelli, sculpteur de Florence, est placé à peu de distance de celui d’Alfieri, que nous avons cité plus haut. — La galerie de Florence possède un portrait fort ressemblant de madame d’Albany, au bas duquel on remarque des vers tracés de la main d’Alfieri. M. Fabre, qui recueillit dans la succession de cette dame les manuscrits, livres et tableaux qui avaient appartenu a Alfieri, tint en cette circonstance la conduite la plus noble et la plus généreuse : il en donna une partie à la bibliothèque Médicis, de Florence, et l’autre au musée de Montpellier, sa ville natale. — Quelques biographes