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avec cette devise : Invito patre sydera verso. Il voyagea en France, en Hollande, en Angleterre, et n’y perdit pas de vue ses études favorites. Pendant un séjour qu’il fit à Genève, en commençant ses voyages, il apprit à écrire à une demoiselle aveugle. Le premier ouvrage qu’il publia eut pour objet l’astronomie ; il tâchait d’établir cette vérité, annoncée depuis longtemps par plusieurs astronomes, et que Newton et Halley devaient bientôt mettre hors de doute, que les comètes ne sont pas des météores, mais des astres permanents qui ont un cours réglé. On lui opposa, comme une objection solide, que, si les comètes étaient en effet assujeties à des retours périodiques, elles ne pouvaient plus être le signe du courroux céleste, ou le présage des calamités publiques et des malheurs des princes. Au lieu d’avouer cette conséquence, Bernoulli lâcha de l’éluder par une distinction entre le corps de la comète et sa queue ; il dit que celle-ci, étant accidentelle, pouvait être le signe dont on voulait soutenir l’existence. Ce respect, vrai ou simulé, qu’un esprit aussi solide conservait pour un préjugé accrédité, montre le peu d’autorité qu’on doit accorder à l’assentiment que des hommes illustres ont pu donner à des opinions démenties par la raison ou contraires à des lois de la nature bien constatées. Bernoulli donna ensuite Cogitationes de gravitale œtheris ; mais cette physique était celle du temps, et mérite peu qu’on s’y arrête. Il s’exerça d’abord sur la physique, la logique, sur l’analyse de Descartes, et se plaça dès-lors au rang des géomètres distingués ; mais il prit un vol bien plus élevé, lorsqu’il saisit, avec autant de sagacité que de bonheur, les premiers linéaments du calcul différentiel et du calcul intégral, indiqués plutôt qu’exposés par Leibnitz dans les Actes de Leipzig. Il vit plus tôt, et il vit mieux que les autres géomètres de ce temps, où pouvaient conduire ces nouveaux calculs, et commença la révolution qu’ils devaient produire dans les mathématiques ; il mérita, ainsi que son frère Jean, de partager l’honneur de la découverte. C’était ainsi que s’exprimait sur leur compte Leibnitz, qui avait essayé, en 1687, de piquer la curiosité des géomètres, en leur proposant le problème de la courbe isochrone. Jacques Bernoulli fut le premier qui répondit à l’appel fait par Leibnitz ; il donna en 1690, la solution de son problème, et proposa en retour celui de la chaînette. Il y avait tant à faire après les faibles ouvertures données par Leibnitz, que les premiers pas des Bernoulli furent des succès éclatants. Jean, naguère le disciple de son frère, travaillait alors de concert avec lui. Ce fut Jacques Bernoulli qui eut l’honneur de publier la première intégration d’une équation différentielle, genre de recherches qui forme le caractère essentiel de l’invention de Leibnitz , et qui a été la source des belles découvertes dues à l’application de l’analyse transcendante. Il serait déplacé de faire ici l’énumération des recherches de Jacques Bernoulli ; mais il convient de citer sa solution du problème des isopérimètres, qui depuis donna lieu à la découverte du calcul des variations par M. Lagrange. Ce problème, que Jacques Bernoulli avait proposé à son frère, et contre lequel celui-ci échoua, fut la source d’un démêlé dans lequel Jean montra beaucoup d’aigreur : il en sera parlé à son article ; il suffit de dire ici que Jacques eut raison sur tous les points, et que ce succès est un de ceux qui lui font le plus d’honneur, puisqu’il l’obtint sur un