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la dépense qu’elle devait occasionner ; mais cette pièce fut joué dans la suite pendant les fêtes qui eurent lieu à l’occasion du mariage du duc de Joyeuse. Il s’était établi entre d’Aubigné et le jeune roi de Navarre, une amitié qui ne se démentit jamais par la suite. Dans les guerres que Henri IV fut obligé d’entreprendre pour reconquérir son royaume, d’Aubigné lui rendit les plus grands services, bravant tous les dangers, cherchant les postes les plus périlleux, et exposant sa vie pour sauver celle de son maître. Il ne lui fut pas moins utile par son talent pour les négociations. Cependant, ce prince ne récompensa pas d’Aubigné comme il le méritait. Celui-ci, qui croyait avoir conservé le droit de dire la vérité au roi, se plaignit hautement de son ingratitude ; Henri entendit ses plaintes, et ne fit rien pour sa fortune. Sa franchise trop rude, la vanité qu’il tirait de ses services, et son refus d’aider le roi dans ses amours, déplurent à ce prince ; d’Aubigné le sentit, et se retira de la cour ; il y revint quelque temps après, mais il ne tarda pas à être exilé une seconde fois, sur la demande de la reine-mère, à qui d’Aubigné n’épargnait pas les épigrammes. Lassé des intrigues de la cour, et peut-être aussi déterminé par le mauvais état de ses affaires, il se retira dans son gouvernement de Maillezais ; mais, tant que vécut Henri IV, il se montra, dans toutes les occasions, sujet fidèle et zélé ; aussi, chaque fois qu’il se présenta devant ce prince, il en fut toujours bien accueilli, quoiqu’on n’épargnât aucune manœuvre pour le perdre dans son esprit. Lors même qu’on croyait Henri IV le plus irrité contre d’Aubigné, les ministres ayant pensé qu’il convenait de choisir un lieu plus sûr que Chinon pour y tenir en prison le cardinal de Bourbon, reconnu roi de France par la ligue, Henri IV décida qu’on le transférerait à Maillezais, sous la garde de d’Aubigné ; et, sur ce que Duplessis Mornay alléguait contre cet avis les sujets de plainte qu’avait ce nouveau gardien, le roi répliqua « que la parole qu’on tirerait de lui était un remède suffisant à l’encontre. » Après la mort de son maître, d’Aubigné passa plusieurs années dans la retraite la plus entière ; il employa ses loisirs à composer l’histoire de son temps, ouvrage écrit avec beaucoup de franchise et de hardiesse. Les deux premiers volumes furent imprimés avec privilége ; mais le troisième n’ayant pas été approuvé, à raison des choses trop libres qu’il contenait, d’Aubigné ne laissa pas de le faire imprimer. Cette hardiesse lui réussit mal ; car aussitôt que ce volume parut, il fut condamné à être brûlé avec les deux premiers, par arrêt du parlement de Paris, en date du 4 janvier 1620. D’Aubigné, pour éviter les persécutions dont il était menacé, se réfugia à Genève. Son éloignement et la privation de ses biens n’avaient point encore apaisé ses ennemis ; ils le poursuivirent, sous prétexte, qu’au mépris des lois, il avait employé, à la réparation des bastions de la ville de Genève, les matériaux d’une église ruinée dès 1572, et obtinrent un arrêt qui le condamnait à avoir la tête tranchée. C’était le quatrième arrêt de mort rendu contre lui, pour de semblables crimes, « lesquels, dit-il, m’ont fait honneur et plaisir. » Dans ce même temps, on parlait de lui faire épouser, à Genève, une veuve de l’ancienne maison des Burlamaqui, aimée et considérée pour sa vertu, son illustre extraction et ses biens, qui étaient considérables. D’Aubigné, pour l’éprouver, lui annonça, le premier,