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avaient perdu, et la Transylvanie demeura sous leur domination en 1699, par le traité de Carlowitz, sans néanmoins que le jeune Abaffi pût y régner aux mêmes conditions que son père. Ce prince ayant épousé la fille de Georges Bethlem, comte de Transylvanie, contre la volonté de l’empereur, qui n’attendait qu’un prétexte pour le dépouiller, il fut mandé à Vienne, et contraint de céder tous ses droits de souveraineté pour une pension de quinze mille florins, et le titre de prince du saint-Empire. Abaffi mourut à Vienne le 1er. février 1715, à l’âge de 36 ans. Depuis cette époque la Transylvanie est restée sous la puissance de l’Autriche. B—p.

ABAILARD, ou ABÉLARD (Pierre), religieux de l’ordre de St.-Benoît, naquit en 1079 à Palais, petit bourg, à quelques lieues de Nantes, dont Berenger son père était seigneur. Son goût l’entraîna vers l’étude, dès l’âge le plus tendre ; et pour s’y livrer avec moins de distraction, il abandonna à ses frères son droit d’aînesse et ses biens. Ce qui était un travail pour ses camarades n’était qu’un jeu pour lui : poésie, éloquence, philosophie, jurisprudence, théologie, langues grecque, hébraique et latine, tout lui était facile, tout lui devint bientôt familier, mais il s’attacha principalement à la philosophie scolastique. Quoique la Bretagne possédât alors parmi ses professeurs, des savants distingués, Abailard eut bientôt épuisé leur savoir. Il vint chercher d’autres maîtres à Paris, dont l’université attirait des écoliers de toutes les parties de l’Europe. Parmi ses professeurs les plus célèbres, on remarquait Guillaume de Champeaux, archidiacre de Paris, qui fut depuis évêque de Châlons-sur-Marne, et ensuite religieux de Citeaux. C’était le dialecticien le plus redoutable de son temps. Abailard suivit ses cours, et profita si bien de ses leçons, que l’écolier embarrassa souvent le maître dans ces assauts d’esprit et de subtilités qu’on appelait thèses publiques. A l’amitié, qui les avait d’abord unis, succéda bientôt la haine, lorsque Champeaux se fut aperçu que son élève, non moins orgueilleux que savant, ne disputait avec lui que pour l’embarrasser, et ne l’embarrassait jamais que pour l’humilier. Les autres élèves de Champeaux prirent le parti de leur maître ; et autant pour éviter l’orage qui allait se former contre lui, que pour se mettre plus en état de le braver par la suite, Abailard, qui n’avait encore que 22 ans, quitta brusquement Paris, se retira à Melun, où déjà le bruit de ses succès était parvenu, et lui procura une foule d’élèves qui abandonnèrent les écoles de Paris pour venir l’entendre et l’admirer. L’envie et la persécution le suivirent dans cette retraite. Il en changea, et vint à Corbeil, où il ne fut ni moins admiré, ni plus tranquille. Mais plus avide de gloire qu’effrayé des dangers qu’elle entraîne, Abailard ne songeait point à calmer l’envie. Il ne répondait à ses rivaux que par de nouveaux succès, et par des études dont l’assiduité excessive épuisa ses forces. Les médecins lui ordonnèrent d’aller prendre du repos dans son pays natal. Il obéit à regret, suspendit le cours de ses travaux, soigna sa santé ; et après l’avoir rétablie, il revint au bout de deux ans à Paris, se réconcilia avec son ancien maître, et ouvrit une école de rhétorique, dont l’éclat extraordinaire fit bientôt déserter toutes les autres. Il enseigna successivement la rhétorique, la philosophie et la théo-